Japon : Un contre-G8 avec Attac et les « freeters »




Huit ans après le G8 d’Okinawa, le mouvement social japonais organise un contre-sommet sur l’île d’Hokkaidô, qui accueille les 7 et 8 juillet le 34e sommet du club des dirigeantes et des dirigeants les plus puissants du globe.

Cette année, l’île d’Hokkaidô accueille le sommet du G8 et un contre-sommet altermondialiste qui porte, entre autres, sur le refus de l’homogénéisation culturelle. En effet Hokkaidô était jadis habitée par une population non japonaise, les Aïnous, possédant ses propres langue, religion et culture. Japonisé-e-s de force à l’ère Meiji (1868-1912), les 50 000 Aïnous qui subsistent souffrent de discriminations continues et d’un taux de pauvreté et de chômage supérieurs à la moyenne.

Le contre-sommet risque pourtant d’avoir une audience relativement limitée. Le mouvement social japonais, assez faible, ne peut guère espérer recevoir le renfort d’une foule de militantes et de militants étrangers, dans un archipel auquel l’accès est particulièrement onéreux.
Le contexte socio-économique est pourtant propice à l’apparition de résistances. Depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Koizumi Junichiro en 2001, le processus de mise aux normes néolibérales s’est accéléré, reposant sur la privatisation d’une partie des universités, des autoroutes mais surtout, en 2005, de la Poste, qui constitue la plus grande réserve d’épargne au monde. Suite à l’explosion de la bulle financière au début des années 1990, le modèle social basé sur l’emploi à vie s’est fissuré et désormais la précarité touche un tiers de la population active, soit 13 millions de personnes.

Mais au lieu de la contestation sociale, c’est le nationalisme qui a connu un retour en grâce. L’État a mené une réforme pédagogique encourageant le patriotisme dans les écoles, tandis que l’article 9 de la Constitution qui empêche le Japon de posséder officiellement un potentiel de guerre, est en passe d’être révisé.

Attac au centre du jeu

Huit ans après le G8 d’Okinawa, le mouvement contestataire est structuré principalement par Attac et par certains syndicats de précaires comme le tout récent Freeter Union [1], qui agit en-dehors de la confédération syndicale traditionnelle. Il faudra également compter avec la mouvance des ONG du type écolo-pacifiste et pique-niques-citoyens. Politiquement, c’est incontestablement le Parti communiste qui structure le plus l’opposition au néolibéralisme, le mouvement anarchiste étant à l’heure actuelle éteint dans l’archipel.

Diverses manifestations se sont tenues fin juin à Tokyo, avant de se déplacer à Sapporo, la principale ville d’Hokkaidô, où se tient du 1er au 4 juillet un Sommet des peuples indigènes. Puis, du 6 au 9 juillet les altermondialistes organisent un camp autogéré près du lac Toya, non loin du G8.

Le principal problème des militantes et des militants japonais est sans doute leur impuissance à articuler les luttes. L’économiste Ogura Toshimaru, un ancien de 1968, estime ainsi que «  les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui sont communs aux mouvements sociaux d’après-guerre et au syndicalisme. Il y a eu de nombreux mouvements combattant un problème mais nous avons été incapables de construire un puissant mouvement social. […] De plus, les syndicats n’ont pas su se repositionner et répondre de manière adéquate à la situation du marché du travail. Par exemple, ils ne se sont guère occupés du problème des freeta (travailleurs précaires). » [2] Toshimaru pense ainsi que « le principal enjeu pour le mouvement altermondialiste au Japon est d’articuler la logique économique avec celle de la guerre et d’analyser les liens étroits entre les multinationales japonaises et le gouvernement ».

François et Mathieu (AL Paris-Sud)

[1www.freeter-union.org. Freeter est un terme japonais désignant une ou un jeune travailleur précaire.

[2Jennifer Chan, Another Japan is possible, Stanford Univ. Press, 2008.

 
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