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Le baccalauréat : passeport ou mirage ?




Nous assistons en cette rentrée 2006 à une véritable entreprise médiatique de démolition de l’université publique et en particulier du droit à son accès libre pour tou-te-s les bachelier-e-s quels qu’aient été leurs parcours scolaires antérieurs. C’est sur ce fond de discours alarmistes et de diagnostics orientés, que le ministre délégué à la recherche, François Goulard, a fait part sur les ondes hertziennes d’un projet de pré-orientation (entendez sélection déguisée) des lycéen-ne-s de terminale. Sous couvert de prévenir l’échec universitaire et le manque de débouchés professionnels de filières saturées (lettres, sciences humaines...), cette mesure reflète bien la nature de notre système éducatif, fondé sur le tri scolaire organisé pour la reproduction de la société de classes. Mais aussi, elle remet en cause implicitement le diplôme du bac comme titre d’accès aux études supérieures.

Dans la série “ Problèmes politiques et sociaux ” de la Documentation française, un ouvrage publié en août 2003, sous la direction de Stéphane Beaud [1], et intitulé Le Baccalauréat : passeport ou mirage ?, nous rappelle que le taux d’accès au baccalauréat d’une génération est passé de 32 % en 1985 à 62 % en 1995. Une véritable explosion scolaire provoquant parallèlement de nouvelles hiérarchisations des filières et engendrant de nouvelles injustices. Cet ouvrage, recueil de différents points de vue sur cette question, montre notamment, comment “ l’accès au baccalauréat et aux premiers cycles universitaires, perçu par une majorité de jeunes et de leurs familles comme la voie incontournable vers une insertion professionnelle plus valorisante que celles des générations antérieures, masque ...] bien souvent un processus d’élimination différée des enfants de milieu populaire ”.

À l’inverse, il rappelle que les enfants de la bourgeoisie, des classes supérieures intellectuelles ont investi, dans le cadre de la démocratisation scolaire, de nouvelles “ niches ” bien gardées, que la question scolaire ne peut être analysée dans toutes ses dimensions sans prendre en compte la question sociale dans son entier.

À l’autre bout de la chaîne, un tiers d’une génération n’obtient toujours pas le bac, augmentant un ressenti scolaire et social d’autant plus légitime que le marché du travail exige un niveau de formation toujours plus élevé, y compris pour des emplois faiblement qualifiés. Cette disqualification sociale et cette perte de l’estime de soi des “ sous-diplômé-e-s ” concernent avant tout les enfants des classes populaires, contribuant à leur désarmement idéologique, à la destruction de valeurs populaires ne trouvant plus à se monnayer.

Face à cette “ démocratisation ségrégative ” de l’école, les libéraux sont à l’offensive, surfant sur l’inquiétude des familles et des jeunes. Dernière en date de cette offensive, la tarte à la crème de la formation continue, faisant reposer par un accord interprofessionnel de septembre 2004 (signé par les 5 confédérations syndicales représentatives), le coût de cette formation sur le salarié et le choix de son contenu sur l’employeur...

Il reste aux militant-e-s anticapitalistes, et en particulier aux enseignant-e-s, à porter avec force, la lutte pour une école de la libération, pour une éducation fondée sur l’épanouissement individuel dont la finalité ne peut être que la satisfaction de besoins collectifs.

Ermon (CAL Rennes)

 Le baccalauréat : passeport ou mirage ? , sous la direction de Stéphane Beaud, éd. la Documentation française, août 2003, 9 euros.

[1Auteur de 80 % au bac. Et après ?... Les enfants de la démocratisation scolaire, (La Découverte, 2002) et, en collaboration avec Michel Pialoux les deux excellents livres Retour sur la condition ouvrière (10-18, réédition 2004) et Violences urbaines, violence sociale. Genèses des nouvelles classes dangereuses (Fayard, 2003).

 
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