Au nom de la sécurité, on assassine nos libertés




C’est sous le signe de la provocation et de la répression que le pouvoir entend occuper le terrain à l’occasion de l’anniversaire des émeutes de novembre 2005. Cette agitation qui confine à l’hystérie parvient de moins en moins à dissimuler les dégâts d’une politique capitaliste qui fabrique toujours plus de précarité et vise à faire taire les personnes et catégories de population jugées déviantes et dangereuses.

La campagne sécuritaire en lien avec le projet de loi sur la prévention de la délinquance nous amène chaque mois son lot de polémiques. Le mois dernier, alors que nous écrivions, Sarkozy s’en prenait à la justice notamment en Seine-Saint-Denis. Aujourd’hui c’est contre les jeunes face aux policiers que le débat se cristallise. Une certitude déjà. L’affaire des flics dans les quartiers n’est pas aussi claire que ça. En effet, les cités sont classées en zone de 1 à 8 en fonction des degrés d’incivilités ou de violences et les cités en question sont souvent au-dessus du chiffre 4 ce qui implique la présence au minimum de plusieurs voitures et de couvertures de protection selon les principes définis, il y a plusieurs années. Aussi, on peut se demander ce que font des voitures isolées dans ces quartiers dits sensibles ?

La presse ne dit rien face aux développements des enquêtes qui amènent à la remise en liberté des jeunes arrêtés. Nombre de ces enquêtes ont révélé des dossiers vides et des identifications pour le moins floues des personnes poursuivies. Ces enquêtes ne reposant pas sur des faits clairement établis ont débouché sur de nombreuses relaxes tant pendant les émeutes de novembre 2005, que pendant ou à l’issue de la mobilisation antiCPE. Elles sont révélatrices de l’affolement du pouvoir et de la confusion qui règne au sein de la police, tous les deux obsédés par la politique du chiffre. Cette politique est de plus en plus marquée par le sceau de l’échec car elle aboutit à toujours plus de répression, une répression de plus en plus aveugle et inefficace.

Les agresseurs de policiers ou de gendarmes aux assises, les 16-17 ans récidivistes traités comme des majeurs, des peines planchers dans le Code pénal pour obliger les juges à plus de sévérité, des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels... le projet de loi sur la prévention de la délinquance qui va être examiné fin novembre risque de s’alourdir fortement au vu de la surenchère actuelle.

Des réactions à plusieurs niveaux

Dans notre précédente édition, nous vous parlions de la mobilisation des acteurs et actrices sociaux/ales pour le 10 octobre ; plus ou moins 12 000 travailleur-se-s sociaux/ales se sont mobilisé-e-s dans la difficulté car les lieux de travail sont hyper dispersés dans des petites structures. La mobilisation se fait souvent en collectif ou en intersyndicale sans le soutien nécessaire des unions locales interprofessionnelles qui permettraient une solidarité facilitant l’information et la mobilisation.
Malgré tout, on peut parler d’une réussite. Les prises de positions sont de plus en plus nombreuses. L’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) insiste sur la nécessité de ne pas dévoyer le rôle du maire, également président du centre communal d’action sociale. L’association estime en effet que “ l’ensemble des dispositions du projet de loi ne font qu’ajouter aux responsabilités déjà étendues de l’élu municipal. Qui plus est, sous couvert de prévention, ce sont surtout les pouvoirs de police du maire qui sont renforcés. Or, s’il avait réellement été question de prévention, pourquoi ne pas avoir plutôt encouragé le maire à se tourner vers le centre communal d’action sociale dont il est président ? ”
Une motion adoptée à l’unanimité par l’Association des petites villes de France (APVF) au cours de son assemblée générale à Cancale (Ille-et-Vilaine) fait part de ses réserves : “ Les maires des petites villes souhaitent rappeler qu’au-delà des pouvoirs de police qui leur sont aujourd’hui reconnus par les textes et qu’ils appliquent sans défaillance, leur mission relève avant tout de la médiation et non de la sanction. Il convient donc de ne pas mélanger les rôles de l’élu, du juge judiciaire et de la police ”, déclare la motion. Le CNOM (Conseil national de l’ordre des médecins) vient de mettre en ligne un texte sur le projet de loi de prévention de la délinquance. Ce texte se concentre sur les articles ayant trait à la pratique des professionnels de santé. Il émet des critiques sur les possibilités d’application de la loi et rappelle aussi que des textes existent déjà.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), attentive aux questions relatives à la sécurité des personnes et à la prévention de la délinquance, rappelle que “ la lutte contre la grande délinquance et la criminalité organisée constitue [...] un objectif légitime, répondant à la préoccupation des citoyens, et participant à la sécurité des personnes et des biens, condition de l’exercice des libertés et des droits individuels. Elle considère cependant que la poursuite de cet objectif doit se concilier avec le respect des droits fondamentaux de la personne, notamment le respect de la liberté d’aller et venir, de la dignité humaine, des principes du procès équitable, des droits de la défense, et des règles énoncées dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale. ”
Réussir la mobilisation nationale du 18 novembre
Une nouvelle journée d’action est prévue le 18 novembre avec une montée nationale et des actions localement si c’est possible. Si la presse locale a bien couvert le 10 octobre, la presse quotidienne et les TV n’en disent rien. Alors il est clair que toutes les petites mains au service la mobilisation seront les bienvenues.

D’ici là des mobilisations locales, des débats auront lieu, progressivement des collectifs se créent ou se relancent. Il faut prendre contact avec eux. De plus dans quelques semaines, le 5 décembre on se rappellera qu’un jeune étudiant Malik Oussekine a été tué par des policiers, il y a 20 ans, en marge d’une manifestation contre le projet de loi Devaquet.

En 20 ans les discours et pratiques des gouvernements de droite comme de gauche ont puisé de plus en plus dans les idées populistes et nationalistes d’une certaine bête.
S’il est important de structurer des mobilisations par secteurs sociaux, il est important au niveau d’AL, de tou-te-s les libertaires, au niveau syndical et des mouvements sociaux, de poser la question d’une initiative centrale qui fédérerait toutes ces mobilisations au travers d’une plate-forme revendicative commune, sinon nous risquons de nous retrouver à courir après chaque mobilisation, les considérant comme prioritaires les unes par rapport aux autres.

Pour rompre avec cette logique sécuritaire, il faut inverser les priorités au nom de la justice sociale pour toutes et tous et du partage des richesses et non pour le profit du Medef and co.

Noël (AL Paris Nord-Est)

 
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