Les chroniques du travail aliéné : « Tiens, vous avez souri ! », Clémence, chômeuse




Les chroniques du travail aliéné, par Marie-Louise Michel


« Tiens, vous avez souri ! », Clémence [1], chômeuse

Mardi matin, 9h. Après avoir reçu deux convocations à deux dates différentes et opté pour la première, je me dirige vers « mon » Pôle emploi, coincé au milieu d’une zone industrielle. J’arrive dans le hall et après avoir attendu un quart d’heure, une dame m’accueille et me demande si j’ai apporté ma « petite carte d’identité ». N’en étant pas à mon premier rendez-vous, je n’ai pas pensé à l’apporter. Je lui explique que je ne l’ai pas mais que j’ai ma convocation et ma carte Pôle emploi. Elle ne veut rien savoir et exige ma carte d’identité, « sinon, on ne peut rien faire ». Elle me propose de retourner chez moi, je lui explique que je risque de rater mon rendez-vous. Elle me répond que ce n’est pas grave et que je n’aurai qu’à attendre que ma conseillère soit de nouveau disponible pour me recevoir plus tard dans la matinée. Et comme je suis au chômage, je n’ai que ça à faire bien entendu. Une demi-heure plus tard me voici de retour avec ma petite carte d’identité. Elle fouille dans ses papiers et s’aperçoit qu’effectivement, elle n’en n’avait pas besoin puisque je n’en n’étais pas à mon premier rendez-vous.

Je m’installe donc sur une chaise pour attendre « ma » conseillère. Elle arrive enfin et m’invite dans son bureau. Je lui explique pourquoi je suis en retard, elle s’en fiche et me fait comprendre que tout ça aurait été plus simple si je l’avais eue sur moi ma carte d’identité. Le rendez-vous est une vraie torture. Mon CV est très mauvais. Regardez-moi cette présentation me dit-elle. Et cette photo-là, autant rien mettre que mettre ça. Franchement, moi je vois ça je ne vous appelle pas, enchaîne-t-elle. J’apprendrai aussi qu’envoyer des candidatures ça ne sert à rien à part à se donner bonne conscience et que le plus important c’est de décrocher des entretiens ! Même s’il n’y a pas d’offre demandai-je ? Oui, même s’il n’y a pas d’offre. Je manque de m’étouffer lorsqu’elle tente de me transmettre des techniques de forcing digne du VRP le plus lourdingue qui ont marché pour elle alors elle ne voit pas pourquoi elles ne marcheraient pas pour moi.

A la fin de l’entretien, elle me regarde et me dit « Tiens, vous avez souris ! Non parce que depuis le début vous ne souriez pas du tout. Vous savez, c’est très important de sourire lors d’une première rencontre, le premier contact, c’est très important ! ». Quelques jours plus tard, je recevrai par mail un courrier me disant que du fait de mon absence au rendez-vous de mardi dernier, je risquais la radiation.

[1Seul le prénom est modifié, le reste est authentique

 
☰ Accès rapide
Retour en haut