Notre-Dame-des-Landes : Plus combatifs que jamais !




Près de 50 000 manifestants, 520 tracteurs, 65 cars de toute la France... Et pourtant, les médias n’ont parlé que de quelques vitrines brisées. La manifestation contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes du 22 février dernier à Nantes est une étape marquante dans la lutte.

La manifestation du 22 février dernier à Nantes, contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, fut le résultat d’un long travail d’organisation et de coordination. Par son ampleur, par la répression dont elle a fait l’objet, par son traitement médiatique et par les questions stratégiques qu’elle soulève, il est aujourd’hui intéressant de faire un point sur la mobilisation.

Celle-ci a eu pour particularité d’avoir été portée par toutes les composantes de la lutte : de -l’ACIPA [1] jusqu’aux zadistes, en passant par le collectif Copain [2], et bien sûr les 200 comités locaux répartis dans l’Hexagone. Cette préparation dans l’unité a permis le déploiement d’une forte énergie pour faire de cette manifestation un événement hors du commun (batukadas, troupes de clowns, groupes de musique, salamandre et triton géant...). Organiser une manifestation ¬d’une telle ampleur implique une organisation rigoureuse, que la préfecture a cherché à saboter en interdisant la veille le parcours prévu. Par interdire, entendez : bloquer toutes les rues de l’hyper-centre de Nantes par des barrages filtrants de police anti-émeute.

Cette manifestation avait pour objectif d’envoyer un message clair au pouvoir à un mois des élections municipales et de montrer qu’une mobilisation massive était toujours possible. Réussir cette manifestation était donc décisif au moment où proaéroport et pouvoir ne cessaient les annonces affirmant un début rapide des travaux.

Oui, cette manifestation fut un succès. Dès midi, devant la préfecture, l’ambiance était déjà festive, avec pique-nique et musique sous le soleil, tractage en tout genre, et surtout ce flux incessant de milliers de ¬personnes arrivées des quatre coins de la ville. La place et les rues adjacentes étaient alors noires de monde : 40 000 à 50 000 manifestants de tous âges y sont venus. Les 520 tracteurs, eux, sont entrés dans la ville par cinq portes différentes dès le matin. À cette étape, le pari était déjà gagné, jamais une manifestation contre l’aéroport n’avait réuni autant de monde. À titre de comparaison, la dernière grande manifestation du genre à Nantes, le 24 mars 2012, avait rassemblé 10 000 personnes et 200 tracteurs.

Mais la préfecture a, elle aussi, joué la carte de la démonstration de force : 2 000 policiers, gendarmes et CRS, un hélicoptère, le GIPN et cinq canons à eau. Elle a indéniablement cherché la provocation en déployant ce dispositif disproportionné le long d’un parcours déjà restreint d’une manifestation qui s’était déclarée « populaire, festive et déterminée ». Avec l’assentiment d’une très large majorité de manifestants, la mairie de Nantes a été allègrement repeinte, les tags ont fleuri sur les banques le long du cortège. Le local de Vinci Immobilier a été, quant à lui, proprement démonté, une pelleteuse laissée à proximité de la manif (coïncidence ?) a été incendiée et un commissariat rideau fermé a été redécoré.

Réprimer pour briser

Une heure seulement après le début de la manifestation, les forces du désordre envoient les premières lacrymogènes sur la foule massée devant le mur antiémeute barrant l’artère principale du centre de Nantes. En quelque heures ils ont utilisé au moins 1 700 grenades lacrymogènes, et tiré des dizaines de fois au flashball indistinctement sur la foule. Le 22 février le CHU de Nantes, débordé, a relevé 40 admissions aux urgences pour des blessures causées par la police. Le nombre de blessé-e-s dépasse largement la centaine et trois personnes ont été éborgnées. Dans un cas comme celui-ci, il ne s’agit évidemment pas de « bavures ». D’ailleurs il n’y a eu que 14 interpellé-e-s, la police n’avait donc pas pour consigne d’interpeller ce jour-là, mais bien de blesser et mutiler pour terroriser les manifestantes et manifestants. Pourtant la foule ne s’est pas débinée malgré les grenades assourdissantes et canons à eau qui ont accompagné les gaz lacrymogènes. Des milliers de personnes ont fait face à la police durant plusieurs heures, encourageant même les militants les plus radicaux qui sont allés jusqu’à hameçonner à l’aide d’un grappin de fortune les grilles de la police pour les -mettre à terre.

Remettre en cause le « monopole de la violence légitime » dont dispose l’État pour faire taire celles et ceux qui résistent est indispensable, les affrontements avec les forces de l’ordre le 22 février étaient aussi en cela un message clair, nous n’avons pas peur de nous défendre et nous sommes prêts à cela.

Néanmoins, la fonction symbolique et spectaculaire de la « casse » de certains symboles (SNCF, Fram...) doit être interrogée lorsqu’on voit comment elle a été, une fois de plus, aisément récupérée par pouvoir et médias, évitant ainsi de s’exprimer sur le succès de la manifestation.
perspectives

Ce qui est certain c’est que la force d’une lutte comme celle de Notre-Dame-des-Landes réside dans sa diversité des tactiques, entre des recours juridiques qui ralentissent l’État et le forcent à tomber son masque démocratique quand il les piétine, des manifestations de masse, des actions radicales pour gêner ¬Vinci partout où il se trouve et une résistance dans la Zad elle-même.

Aujourd’hui, la lutte continue, plus massive que jamais après l’énorme succès du 22 et l’unité est maintenue. Il faut inlassablement continuer de mener la bataille des idées tout en organisant concrètement la résistance sur le terrain. Si le pouvoir socialiste décidait une nouvelle fois d’envoyer ses sbires expulser la Zad, les 200 comités locaux rentreront tous en action là où ils sont et la solidarité s’activera en quelques heures comme une traînée de poudre.

Le gouvernement à peu de marge de manœuvre et le dossier de Notre-Dame-des-Landes est pour lui de plus en plus encombrant, surtout lorsque le dernier sondage réalisé sur ce sujet indique que seuls 22 % de la population est « pour » la construction du nouvel aéroport. Un prochain remaniement ministériel qui ferait sauter Ayrault, le porteur symbolique de ce projet, serait une possible porte de sortie pour le gouvernement.

Notre-Dame-des-Landes représente plus que jamais un espoir pour toutes celles et ceux qui s’opposent à travers le monde à tous ces projets dévastateurs, qui n’ont pour fonction que de remplir les poches des actionnaires et non de satisfaire les besoins des populations. Ici comme ailleurs : on lâche rien !

Anaïs et Benjamin (AL Nantes)

[1Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport

[2Collectif des Organisations Professionnelles Agricoles INdignées par le projet d’aéroport

 
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