Madagascar : la fin du bagne de Nosy Lava




Le dernier bagne de Madagascar a fermé ses portes en 2000 grâce à l’obstination d’un journaliste malgache qui a réveillé chez ses compatriotes le souvenir de l’oppression coloniale.

De 1911 à 2000, l’île de Nosy Lava au nord-ouest de Madagascar accueillait un bagne dont l’existence a été révélée au grand public par Rivoherizo Andriakoto, un journaliste malgache qui s’est livré à un travail d’enquête très documenté, obtenant le Prix Albert Londres. On sait désormais qu’un goulag tropical a été installé pendant la période de domination coloniale française. Ce documentaire diffusé à la télévision malgache [1] a eu de telles répercussions que le président-dictateur de l’époque, Didier Ratsiraka fut obligé de gracier l’ensemble des bagnards encore détenus sur l’île.

À l’époque de l’expansion coloniale, la France dans sa mansuétude et conformément à sa vocation civilisatrice n’oubliait pas d’ouvrir bagnes et prisons complétant les lieux de cultes et les casernes. Madagascar fut d’abord un enjeu de la rivalité entre Français et Britanniques avec l’arrivée dans un premier temps de missionnaires catholiques et protestants puis de marchands et d’aventuriers qui détruisent toutes les structures sociales ouvrant la voie à la colonisation « officielle ». Madagascar est annexée par la France le 6 août 1896. L’ignoble général Gallieni qui fut proconsul de 1896 à 1905 s’est livré, tout comme au Tonkin (Nord du Viêt Nam), à de véritables massacres des populations rurales par la mise sur pied de véritables « colonnes de la mort ». Il était un spécialiste de ce genre de crimes, justifiés disait-il par ce que l’on nommait déjà la « pacification ».

L’insurrection anticoloniale malgache de 1947 est noyée dans le sang par une armée française issue de la guerre de libération contre les nazis mais héritière tout de même de la morgue et du sentiment de supériorité des anciennes troupes coloniales.

Le colonialisme installe donc ce que Rivoherizo Andriakoto nomme un goulag tropical à l’image de ce que fut au Viêt-nam Poulo Condor. De nombreux résistants au colonialisme sont successivement emprisonnés à Nosy Lava, et notamment des condamnés à mort finalement graciés sous la pression internationale ainsi que des parlementaires du Mouvement démocratique de la rénovation malgache condamnés à la prison à perpétuité à l’issue du procès mascarade du 4 octobre 1948.

Goulag tropical

Nosy Lava n’a finalement été fermé qu’en 2000 suite à l’enquête de Rivoherizo Andriakoto qui précise que certains prisonniers de l’autorité coloniale française y croupissaient encore, malgré l’indépendance accordée en 1960. Jeunes à leur arrivée, leurs cheveux ont blanchi, leur peau s’est flétrie et plusieurs d’entre eux auront purgé jusqu’à dix fois leur peine initiale. D’autres détenus sont restés quinze ans durant en attente de leur jugement. L’autorité judiciaire malgache a repris à son compte le charabia colonialiste : « perpèt », « relégués », « travaux forcés » et cynique euphémisme le terme « internement » a été remplacé par celui de « tutelle pénale ».

Il faut faire le procès du colonialisme, de ceux qui à cette époque sont devenus des tortionnaires, les matons de la mère patrie française. En 1960, l’État français est remplacé par l’État malgache, les déportations et les atrocités continuent. Beaucoup de régimes postcoloniaux restent les héritiers du colonialisme passé et adoptent ses méthodes. Les États-Unis perpétuent aujourd’hui cette tradition du bagne et des détenus travaillent dans certaines prisons avec des chaînes aux pieds, preuve que la rentabilité économique exigée par le capitalisme mène à tout.

Les guerres menées en Irak, en Palestine ou encore en Tchétchénie se situent dans la droite ligne du colonialisme et démontrent que pour les États, la liberté des peuples n’existe que sur le papier.

Ngoc

[1Rivoherizo Andriakoto, Les Damnés de la terre, Madagascar, 52 min, documentaire.

 
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