Sommet européen de Salonique : On était là aussi !




Les 20 et 21 juin derniers, les chefs d’États de l’Union européenne (UE) se réunissaient à Salonique en Grèce, pays alors en charge de la présidence de l’UE. C’est à cette occasion qu’a été présentée la future constitution européenne, véritable machine de guerre contre les travailleurs et travailleuses d’Europe. L’occasion aussi d’une contestation radicale du projet capitaliste et antidémocratique incarné par l’UE.

Quelques 60 000 personnes, dont 6 000 sous des drapeaux rouges et noirs, ont manifesté entre le 19 et le 21 juin autour des zones rouges de Halkidiki ou se déroulait le sommet et sur les boulevards de Salonique, contre les potentats de l’Union européenne et la mondialisation capitaliste. Pour affronter cette dynamique l’État grec a mobilisé (comme à son habitude) toutes ses forces de répression et fait usage d’une grande quantité de gaz chimiques de des plus agressifs.

Une répression brutale qui se solde par des centaines d’arrestations, des dizaines des procès à venir pour des « crimes majeurs » (!) et 7 détentions préventives. En outre, une semaine après la fin du sommet il était encore difficile de se promener à Salonique à cause de l’odeur insupportable due aux gaz !

Le contre-sommet devait originellement permettre de se confronter aux défauts permanents du mouvement anticapi- taliste grec : malgré sa force organisationnelle et numérique, la gauche communiste grecque a une influence sociale extérieure modeste. La prédominance politique d’un PC stalinien et sectaire, l’absence totale de confédérations syndicales indépendantes de l’État et les relations internationales peu développées des différentes organisations, sont quelques explications des travers du mouvement anticapitaliste. Á Salonique, les cortèges des partis étaient assez massifs mais en même temps les cortèges syndicalistes ne comptaient pas plus de 1 000 manifestant(e)s et la participation des militant(e)s étranger(e)s était encore plus faible. Quant aux anarchistes, une tradition basée surtout sur la violence a bloqué jusqu’à maintenant le développement d’un mouvement plus politique. Rien de satisfaisant pour le mouvement anticapitaliste d’un pays où le taux de chômage réel atteint les 20 % (35 % pour les jeunes) et où un(e) habitant(e) sur cinq vit sous le seuil officiel de pauvreté.

Offensifs contre le capital !

Et pourtant, on peut dire que le contre-sommet de Salonique a été un relatif succès, plutôt qu’une occasion perdue. Surtout pour le courant anarchiste, où la création du « Mouvement anti-autoritaire Salonique 2003 » (MAS 2003) - union synthésiste de tou(te)s les anarchistes grec(que)s à l’exception des autonomes ultra - a permis une intervention cohérente et massive, pendant les trois jours [1]. D’abord avec la grande manifestation antiraciste du jeudi 19 juin, qui a traversé les quartiers populaires de la ville où les immigré(e)s vivent, puis avec l’encerclement du casino luxueux de Porto Carras à Halkidiki où les chefs d’États étaient cachés (dans une grande forêt privée et presque brûlée par les bombes lacrymogènes des flics), enfin lors de la manifestation centrale du samedi 21 juin, où la police a attaqué le cortège libertaire, dès qu’il s’est montré dans la rue, en provocant de grands affrontements surtout avec le black block.

Parallèlement à cela, pas mal de débats ont eu lieu dans les universités occupées par les manifestant(e)s. Des débats sur les formes du travail et de l’exploitation aujourd’hui, sur le terrorisme étatique mondial - et sur celui de l’État grec plus particulièrement - et bien sûr sur l’alternative à cette société ont été présentés par le MAS 2003. Les autres initiatives (Forum social grec, initiative militante d’extrême gauche) ont aussi organisé quelques meetings, sur l’éducation et le néolibéralisme. D’ailleurs, des milliers de personnes ont cohabité pendant une semaine sans problèmes dans les différents espaces de l’université, en organisant tou(te)s ensemble leur vie. Un mois après Évian, le fait que l’autogestion des gens ne soit pas une utopie a été de nouveau prouvé et a progressé.

Un cours nouveau pour les libertaires ?

Peut on dire que l’organisation de ce contre-sommet pouvait entraîner un retour critique et constituer un renouveau pour le mouvement social grec ?

Ce serait excessif de le dire. Parce que le but du mouvement social en Grèce reste toujours le dépassement de son introversion et non pas la conquête de la capacité à organiser une grande manifestation. Or, ce dépassement reste un pari ouvert, surtout pour le courant libertaire. Dès le lendemain du contre-sommet un débat sur la possibilité de la création d’un groupe libertaire de classe a été ouvert. Tant par des camarades d’origine grecque qui vivent en Europe ou ils ont déjà rencontré cette tradition, que par des camarades qui vivent toujours en Grèce et qui sont fatigué(e)s par une logique qui explique que « le seul discours social des anarchistes c’est la violence », comme l’a déclaré un anarchiste « typique » à Salonique.

Dans cette perspective, une série de meetings des libertaires et des syndicalistes a eu lieu cet été dans les plus grandes villes de Grèce. Une réunion constitutive à la fin du mois de septembre est le projet ambitieux que les camarades ont posé. Avec nos meilleurs vœux libertaires bien sûr !

Yannis Androulidakis et Evgenios Agrimakis

[1Bien qu’une « union synthésiste » puisse paraître un peu vieillotte pour le mouvement libertaire européen, il faut dire que pour la Grèce, où la tradition était plutôt celle de petits groupes anarchistes isolé(e)s de 10-15 militant(e)s, une telle union constitue déjà une évolution positive.

 
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