Redistribution des richesses

Dossier partage des richesses : Donner un sens politique aux luttes sociales




Dénoncer l’accaparement, par le capital prédateur, des richesses produites, c’est dénoncer tout un système de pouvoir qui bannit aujourd’hui les moindres principes démocratiques du champ économique. Pousser au bout cette logique amène à poser la question d’une rupture avec le capitalisme.

Poser la question d’une autre répartition des richesses, c’est aussi poser la question du pouvoir. Pour reprendre une expression de l’économiste Bernard Maris dans Charlie Hebdo pendant les grèves de mai-juin 2003, les richesses, c’est comme un gâteau dont on répartit les parts. « Le tout est de savoir qui tient le couteau. »

En soi, l’objectif d’une redistribution des richesses n’est pas révolutionnaire. Il ne présuppose pas une transformation socialiste, et on peut tout à fait imaginer un capitalisme qui intègrerait un haut niveau de protection sociale et de rémunération des travailleur(se)s – donc une « meilleure » répartition des richesses produites – sans remettre en cause l’ordre social. Il n’y a qu’à comparer les capitalismes suédois et brésilien. L’expression même de « redistribution des richesses » n’est d’ailleurs pas idéale puisqu’elle suppose qu’une part, même moindre, de la richesse produite par les travailleur(se)s, soit reversée à une classe capitaliste dont la fonction dans la société est parasitaire.

Une revendication unifiante

Mais la valeur d’une revendication ne réside pas nécessairement dans sa radicalité, qui lui donnerait un caractère « réformiste » ou « révolutionnaire » ; une revendication sert aussi à tracer des perspectives d’action. Et dans un contexte d’affaiblissement du mouvement ouvrier et d’éclatement du salariat, l’objectif d’une redistribution des richesses joue un rôle unifiant en donnant une cohérence d’ensemble aux revendications parcellaires : hausse des salaires, maintien d’un système de retraite par répartition, réduction du temps de travail, résorption de la précarité, réquisition des logements vides, etc. : tout cela participe d’une même logique et est dirigé contre un même adversaire, le capital prédateur. L’expliciter, c’est donner un sens anticapitaliste à ces différentes revendications et aspirations.

En pratique même, avoir la redistribution des richesses comme fondement des logiques revendicatives, c’est s’éviter des erreurs d’appréciation, comme par exemple de croire que les lois Aubry sur les 35 heures étaient « de gauche » alors qu’elles avaient pour principe de ne pas rogner sur les profits des entreprises... Des mesures profitables au travail doivent coûter cher au capital : vouloir biaiser avec cette loi d’airain relève de l’utopie social-démocrate.

Communisme libertaire

Une répartition égalitaire, dans la durée, des richesses produites implique l’expropriation des capitalistes et la réorganisation de l’économie (et de toute la société) sur la base d’un projet socialiste :
 1. socialisation des moyens de production et de distribution des biens ;
 2. autogestion des entreprises par ceux et celles qui y travaillent ;
 3. planification autogérée de la production.

La propriété sociale des grands moyens de production (usines) et de distribution (grands magasins) mettra fin au désordre généré par l’économie de marché en faisant prévaloir l’intérêt général sur les intérêts privés. En substituant un développement économique maîtrisé à la fuite en avant capitaliste, la socialisation permettra notamment de mettre fin au gaspillage des ressources naturelles et à l’insécurité sociale.

Si les entreprises seront la propriété de la collectivité, l’organisation du travail et de la production à l’échelle locale reviendra elle aux travail-leur(se)s concerné(e)s. L’autogestion permettra une transformation du travail en profondeur, notamment la disparition du travail à la chaîne, parcellisé, et la remise en cause de la séparation/hiérarchie entre travail manuel et travail intellectuel.

La planification autogérée, qui nécessitera la mise en place d’organismes appropriés, mettra en corrélation les besoins exprimés et les capacités productives. Elle devra permettre de dépasser ou d’anticiper les possibles contradictions entre les exigences de consommation et la volonté de désaliéner le travail.

Nous n’avons que faire des logiques gestionnaires, des aspirations à « préserver les grands équilibres économiques », les compromis et l’ordre social. « Tout est à nous, rien n’est à eux », ce simple slogan résume la logique qui nous porte, des revendications immédiates à un projet de transformation sociale.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

 
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