Rejets de plutonium : L’impunité pour EDF ?




Une étude indépendante apporte enfin les preuves de la contamination de la Loire par des rejets de plutonium. Après 35 ans de faux-semblants sur le plus grave accident français, le réseau Sortir du nucléaire porte plainte contre EDF.

L’expertise émane de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN, organisme public et indépendant), en collaboration avec l’université de Tours. Des prélèvements effectués en juillet 2015 à Montjean-sur-Loire, en aval d’Angers, montrent « des pics de concentration en plutonium pour les années 1969 et 1980, qui correspondent à deux accidents intervenus sur la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) », comme on peut le lire sur le site web de l’institut.

Le 17 octobre 1969, la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux connaît une avarie de son réacteur SLA4, provoquant la fusion de dioxyde d’uranium. Les conséquences sur l’environnement ne sont pas évaluées. Le 13 mars 1980, nouvel accident, peut-être le plus grave sur le territoire français, dans le réacteur SLA2. À cette occasion le service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) note dans sa rubrique « incidents divers sans conséquence après vérification » le « rejet anormal d’une faible quantité de radioéléments dans une centrale ». Plus tard il précisera que la pollution radioactive est restée en dessous du maximum admissible.

Accidents en chaîne

L’IRSN signale aussi, en avril 1980, l’éclatement d’un conteneur de combustible nucléaire. Chaque fois, de l’eau contaminée sera rejetée dans la Loire. D’ailleurs, l’ancien PDG d’EDF Marcel ­Boiteux le reconnaît lui-même, et commente : « C’est quand même pas grand-chose... on n’a pas fait de communiqué à la presse... c’est une bonne manière d’avoir tous les ennuis possibles… Faut être responsable dans ces cas-là... » Comme pour tous les « incidents » nucléaires, EDF nie, camoufle, puis minimise les conséquences. Alors que l’absorption d’un microgramme de plutonium suffit pour développer un cancer, tant cette substance qui n’existe pas à l’état naturel est toxique.

Outre les nappes phréatiques, la Loire approvisionne plus de la moitié de la population du Maine-et-Loire en eau potable, et de nombreuses communes (dont Tours) captent leur eau directement dans le fleuve. En 1980, pourtant averties des rejets de plutonium, les autorités n’ont pris aucune précaution pour suspendre les pompages. C’est pourquoi Sortir du nucléaire 49 invite la population concernée à questionner les instances impliquées – syndicats fournisseurs d’eau, agences de l’eau, collectivités territoriales, agence régionale de la santé, direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – sur le suivi radiologique de l’eau, la qualité des productions maraîchères irriguées, du poisson, du sable.

Ces actions citoyennes veulent contraindre l’État à dire enfin la vérité. La Criirad (commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) demande de son côté un bilan des doses reçues, dans l’eau et l’atmosphère, par les populations riveraines. Mais ces initiatives n’impressionnent nullement les nucléocrates. Dès qu’un accident ou un risque est dénoncé, la machine administrative et juridique au service de l’industrie nucléaire filtre les informations, se retranche derrière le secret-défense, ou encore promulgue des arrêtés autorisant certains dépassements (comme durant la canicule de 2003). C’est ainsi qu’en janvier, le tribunal de police de Paris a déjà relaxé EDF dans un premier procès intenté par le réseau Sortir du nucléaire (RSN) sur les infractions aux réglementations environnementales à la centrale de Saint-Laurent. EDF n’est pas inquiété et souhaite prolonger l’activité des centrales jusqu’à cinquante ans, au mépris d’une situation très dégradée.

Avec des coûts financiers et sanitaires catastrophiques, des déchets empoisonnant la Terre pour des milliers d’années, les accidents nucléaires constituent un risque insupportable pour l’humanité. Un seul accident peut détruire écologiquement, socialement et économiquement des pays entiers, alors que la population n’a jamais choisi le nucléaire comme mode de production de l’électricité. Alors, fermons au plus vite toutes les installations nucléaires, reprenons en main les décisions sur les choix énergétiques, et sortons de la logique capitaliste qui est le principal obstacle à cette nécessaire révolution énergétique et économique.


Philippe (AL Angers)

 
☰ Accès rapide
Retour en haut