Taxe carbone : Une nouvelle TVA repeinte en vert !




Le gouvernement entend substituer une part de fiscalité « verte » aux impôts sur le revenu et aux cotisations sociales. Mais avec plus d’inégalités et sans innovation pour une transition vers des modes de production-consommation écologiques.

Sur un schéma éprouvé par ses voisins européens, c’est au tour de la France d’élaborer sa taxe carbone, associée à une refonte plus globale de la fiscalité. Le rapport sur la contribution climat énergie (CCE) confirme qu’en la matière la réflexion a été bien plus fouillée que sur l’axe écologique, pour partie relégué dans les indécisions du rapport, quand il n’est pas carrément incompatible avec ses partis-pris.

La mal nommée CCE

On s’apprête donc à taxer les émissions de CO2 issues de l’usage des combustibles fossiles, celles qui concernent le chauffage et le transport. Pour l’instant envisagée à 32 euros la tonne, avec une hausse de 5 % chaque année, la taxe est élevée comparé aux autres pays européens. Mais chez eux, elle s’inscrit souvent dans une contribution plus globale sur l’énergie consommée, incluant l’électricité. En ne se prononçant pas sur cette dernière, le gouvernement fait sans surprise le choix du nucléaire. Surtout, il éloigne l’idée d’une réforme plus large de la consommation énergétique des ménages comme des entreprises. Quant aux autres gaz à effet de serre, ils sont pour l’instant ignorés, laissant l’agriculture et nombre d’industries polluantes hors du champ du « signal-prix » voulu par la réforme. Pour couronner ce panorama, on soulignera le peu de réflexion sur le subventionnement ou l’exemption de la filière des énergies renouvelables.

Vers un modèle à la scandinave

L’exclusivité donnée au CO2 n’est d’ailleurs que le premier indice qu’il faut redouter un système comparable à celui de la Suède, avec une taxe allégée pour les principales industries polluantes sous prétexte de compétitivité. En effet, aux exceptions franches (agriculture, pêche…) s’ajoute celle des grosses entreprises déjà soumises au marché européen des quotas d’émission de gaz à effet de serre. Logique ? Pas vraiment. Déjà qu’une partie de ces quotas s’échange gratuitement jusqu’en 2013, même pour ceux qui sont réellement payés, leur prix suit un cours en fonction de l’offre et de la demande, dont on ne peut donc pas garantir l’égalité avec la taxe intérieure. Ce n’est rien de le dire : il est actuellement d’une quinzaine d’euros ! Même en imaginant que ce cours augmente avec une éventuelle reprise économique, comme la production renforce les émissions, donc la demande de quotas de compensation, c’est bien vers un modèle scandinave que l’on tend, où la taxe pèse bien plus sur les ménages, PME et infrastructures publiques que sur les industriels [1].

Rocard a beau mettre à l’étude une mise en cohérence du marché des permis pour répartir l’effort (ménages : 51 %, entreprises : 40 %, collectivités : 9 %), l’inégalité au moment de cotiser se double sur le plan de l’utilisation du produit de la taxe, qui va servir à compenser la baisse des autres prélèvements, impôts sur le revenu et cotisations sociales.

Une mesure strictement « libérale »

Adieu donc, les investissements pour des transports, des bâtiments publics plus écolos, et à leur suite l’égalité devant les choix de consommation. Quant à une véritable « transition écologique », la logique fondamentale de la CCE nous en éloigne. N’agissant que sur les mécanismes de « l’offre et de la demande », la CCE n’a pas été imaginée pour redéfinir l’organisation globale de la production et de la consommation : elle se contente de favoriser l’émergence de nouveaux marchés au sein desquels les capitalistes pourront continuer à faire des profits …Au total, la CCE assure leur survie, en plus d’un transfert de fiscalité des entreprises vers les particuliers. Souriez, c’est pour la bonne cause !

Fanny (AL 93)

[1Plusieurs études de l’OCDE pointent une « fiscalité verte » à l’assiette déséquilibrée. En revanche le point fort des politiques scandinaves porte sur les investissements dans le secteur des énergies renouvelables.

 
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