Exploitation : L’immigration choisie, ça n’existe pas !




Des tentatives de planification de l’immigration ont été mises en œuvre tout au long du XXe siècle. Ce rêve bureaucratique n’a jamais convaincu même le patronat. D’un côté, trier les entrants, de l’autre fermer les frontières. C’est une méthode qui se mord la queue.

Le discours pour distinguer étrangers désirables et indésirables est aussi vieux que la politique migratoire. On en trouve les premières traces dès 1893 avec l’obligation pour les étrangères et les étrangers de se faire enregistrer sur leur commune de résidence, à condition d’avoir un emploi [1]. On fait un pas dans la « rationnalisation » avec la Première Guerre mondiale. En 1924 est créée la Société générale d’immigration (SGI), qui alimente en main d’œuvre les mines, les champs et les usines métallurgiques. En 1940, sous Vichy, la loi du 27 septembre 1940 stipule que tous les personnes étrangères de 18 à 55 ans « en surnombre dans l’économie nationale » peuvent être mis à la disposition du patronat et placés sous le régime du « travail obligatoire ». En 1945, De Gaulle souhaite également « introduire de bons éléments dans la collectivité française », mais le cadre juridique hérité de la Libération empêche d’aller trop loin dans la discrimination.

Cependant, suite à un accord signé le 3 février 1948, le patronat français obtient l’autorisation d’aller recruter des ouvrières et des ouvriers directement dans les provinces italiennes. Une préfiguration de la politique contractuelle souhaitée par Paris avec certaines capitales africaines. Mais dès 1950, le nombre de régularisations par rapport au nombre de travailleurs migrants en France atteint déjà plus de 48 % et signe l’échec du projet de sélection bureaucratique et à distance de l’immigration.

Hiérarchiser les êtres humains

En 1950, L’Office national de l’immigration (ONI) expérimente un éphémère plan culture-famille qui consiste à recruter des réfugié-e-s des pays de l’Est qui survivent difficilement en Allemagne et en Autriche. Mais le patronat est insatisfait d’un recrutement qui se fonde sur des critères ethniques et non professionnels. Le plan culture-famille est abandonné au bout de quelques mois. Aujourd’hui, Sarkozy et le ministre de l’Immigration, Hortefeux, essaient de dépoussiérer ce concept d’« immigration choisie » qui depuis plus de cent ans a toujours été un échec.
Ce formatage utilitariste, que beaucoup de ses promoteurs nient, est assumé par une politicienne UMP comme Roselyne Bachelot. Dès 1999, elle écrivait qu’« il faut avoir le courage ou le cynisme de dire que nous allons nous livrer à une démarche néocolonialiste de grande envergure pour assurer la survie de nos sociétés post-industrielles vieillissantes. Après avoir pillé le tiers-monde de ses matières premières, nous nous apprêtons à le piller [son] intelligence » [2].

Une logique impossible

Que penser de ce phénomène paradoxal qui voit les pays riches fermer leurs frontières tout en assurant la rentabilité de certains secteurs d’activité grâce au labeur de migrants payables à moindre coût ? La fermeture est une utopie. La « sélection » à l’avance en est une autre. Et ces deux utopies criminelles n’altèrent en rien les flux migratoires, elles ne font que créer des drames humains en série.

La machine à fabriquer des sans-papiers va donc continuer, avec une répression accrue contre qui essaient de passer les frontières, et une surexploitation patronale de celles et ceux qui ont réussi à passer.
Dès lors que l’UMP et le PS ne cachent plus leur osmose sur la question migratoire, il est nécessaire de revendiquer la liberté de circulation comme la seule politique migratoire cohérente. C’est d’autant plus nécessaire que la France, quand elle prendra la présidence européenne en 2008, cherchera à aligner les pratiques des pays voisins sur les siennes.

Manu et Noël Morel (AL Paris-Est)

[11. Alexis Spire, « Le grand bond en arrière », in Plein Droit, revue du Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés (Gisti), juillet 2007.

[22. Le Monde du 22 octobre 1999.

 
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