Guide de féminisation du mensuel « Alternative libertaire »




Féminiser sans jargonner, c’est possible. Depuis ses débuts, le mensuel Alternative libertaire expérimente et fait évoluer ses pratiques.

Au sein du mensuel Alternative libertaire, la féminisation des articles se fait, dans l’idéal, sur deux niveaux :

1. en amont, lorsque la commission journal commande un article, en invitant la ou le rédacteur à s’interroger sur la possible dimension féminine du sujet traité : par exemple le rôle spécifique des femmes dans un mouvement social, l’impact spécifique sur les femmes d’une réforme gouvernementale, etc.

2. en aval, lorsqu’on féminise l’article. C’est l’objet de ce petit guide.

Avantages et limites des différentes méthodes

Depuis des années, plusieurs méthodes de féminisation coexistent, qu’elles soient inclusives (visant à équilibrer les genres masculin et féminin) ou épicènes (visant à rendre neutre le langage du point de vue du genre).

Dans les années 1990-2000, le mensuel Alternative libertaire utilisait la méthode la plus basique, qui consistait à additionner mécaniquement, à chaque mot, des « e », des « ice » et des « euse » entre parenthèses, puis entre traits d’union. Puis le journal a évolué vers la féminisation par périphrase et/ou répétition, une méthode inspirée des préconisations de l’Office québécois de la langue française, pionnier en la matière [1].

Pourquoi cette évolution ? En raison d’un double constat.

Primo, la méthode de l’addition ne concerne que la culture de l’écrit ; elle est donc passablement élitiste, et même un poil hypocrite puisque non reproductible à l’oral. Qui évoque les « travailleur-se-s », les « étudiant-e-s » ou les « citoyen-ne-s » dans une conversation ou un meeting ? Personne.

Secundo, elle peut être perçue comme un métalangage militant qui, certes, permet aux « militant-e-s de se reconnaître entre elleux »… mais est relativement excluant pour un lectorat plus large. L’écriture inclusive ne doit pas devenir contre-productive. Si le pouvoir ou l’extrême droite écrivent dans un style facile d’accès alors que l’extrême gauche s’échine à écrire dans un style à couper au couteau, nous faisons un mauvais calcul.

« Féminiser sans jargonner, c’est possible. »

La méthode de féminisation d’Alternative libertaire

Le mensuel Alternative libertaire utilise en priorité la méthode de la périphrase et/ou répétition (dite aussi « double flexion »).

On choisira la répétition lorsque la différence masculin/féminin s’entend à l’oreille, on ajoutera un e précédé d’un unique point médian à la fin du mot lorsque la différence n’est pas audible. Le point médian a en effet l’avantage d’être insécable dans tous les cas (papier et web).

Pour désigner une personne non binaire, on utilise le pronom iel/iels. Le reste du temps, on emploie les pronoms il/elle, ils/elles afin de ne pas invisibiliser les rapports de genre.

On n’utilise ni le E en capitale – car la logique typographique est de réduire autant que possible le nombre de capitales dans un texte (elles fatiguent l’œil) –, ni le (e) entre parenthèses, qui alourdit lui aussi le texte, ni le -e- entre traits d’union, qui crée des césures importunes en bout de ligne.

On répète en priorité les substantifs, et on accorde l’adjectif avec le substantif le plus proche. Cela peut éviter d’alourdir la phrase avec une multiplication d’adjectifs.
Pour conclure, la bonne pratique est non pas d’appliquer aveuglément une règle intangible, mais de jongler avec les possibilités pour éviter les ambiguïtés, les lourdeurs ou le galimatias. On n’est pas des robotes !

Quelques exemples concrets
Résumé
Pénible à la lecture Lisible
Les travailleur-euse-s turc-que-s, grec-que-s, arménien-ne-s et assyrien-ne-s sont très décidé-e-s à faire front. Les travailleurs et les travailleuses turques, grecques, arméniennes et assyriennes sont très décidées à faire front. (répétition et accord des adjectifs avec le substantif le plus proche)
Encerclé-e-s, matraqué-e-s, puis embarqué-e-s, les manifestant-e-s ont ensuite été insulté-e-s par le ministre. Encerclées, matraquées, puis embarquées, les manifestantes et les manifestants ont ensuite été insultées par le ministre. (ajout de points médians et répétition)
Il a fallu faire avec un mouvement général des lycéennes et lycéens et des étudiantes et étudiants. Il a fallu faire avec un mouvement général des facs et des lycées. (périphrase)
Rendu-e-s inactif-ive-s par la médiation des émissaires gouvernementaux-ales, les ouvrier-e-s, mais aussi les employé-e-s de maison tournaient en rond. Condamnés à l’inaction par la médiation gouvernementale, les ouvrières et les ouvriers, mais aussi les employées de maison tournaient en rond. (périphrase, répétition et ajout de point médian)
La rue était remplie d’employé-e-s désœuvré-e-s, de petit-e-s commerçant-e-s privé-e-s de chaland, de lycéen-ne-s et d’étudiant-e-s pas fâché-e-s d’en avoir fini. La rue était remplie d’employées désœuvrées, de petites et petits commerçants privés de chaland, de lycéens et d’étudiantes pas fâchées d’en avoir fini. (mix des règles précités + improvisation)

Pour creuser, on peut consulter les recommandations sur la féminisation de l’Office québécois de la langue française.

La féminisation des noms de métiers

Quand un nom de métier n’a pas de variante féminine, la recommandation générale est de faire :

  • soit par la création d’une forme féminine qui respecte la morphologie du mot. Exemples : professeure, autrice, ingénieure, magistrate, députée, chirurgienne, praticienne ;
  • soit par l’adjonction du mot femme. Exemples : femme-pompier.

Pour les noms de métier, une bonne référence est Femme, j’écris ton nom, « Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions », édité par le CNRS et l’INLF en 1999.

 
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