13e congrès (Nantes, 3-5 juin 2017)

L’humanité au sein du monde vivant




Depuis qu’Alternative libertaire élabore collectivement une réflexion écologique et des réponses politiques à la crise écologique qui monte, celles-ci sont structurées autour d’une certitude : « l’urgence écologique, c’est sortir du capitalisme ». Un anticapitalisme écologique reste toutefois à inventer.

Cela signifie intégrer la question écologique à la totalité de nos analyses.

La préservation du mode de production capitaliste impose ce que le langage « commun » appelle la croissance. Celle-ci se traduit par des processus d’intensification de l’exploitation du travail humain ; par l’exclusion massive imposée à une part croissante de la population ; et par un pillage des ressources de la planète et une destruction des équilibres dynamiques du vivant, équilibres dont dont l’espèce humaine fait partie. Nous parlons d’équilibre dynamique, car les espèces et les écosystèmes évoluent et changent perpétuellement, au gré des évolutions internes à chaque espèce, ou des modifications des conditions de vie (modifications géologiques ou climatiques par exemple).

Notre dénonciation du projet capitaliste doit mettre un terme à la prétention de la classe capitaliste à exploiter le travail d’une partie des classes dominées et à exclure l’autre partie de l’accès au travail et de la satisfaction de leurs besoins. Et tout autant, elle doit s’attaquer à l’appropriation et à l’exploitation sans limite des ressources du monde vivant et à l’incurie qui bouleversent constamment et partout les équilibres dynamiques vivants. Car le maintien de l’économie capitaliste nécessite un auto-accroissement perpétuel du capital et donc à la fois toujours plus de productivité et toujours plus de pillage et de destruction de la biosphère.

Un lien indissociable existe entre le développement incontrôlé des moyens de production, l’exploitation capitaliste du travail humain, l’exclusion d’une part importante de la population et le processus de marchandisation de l’ensemble du vivant.

Dans le cadre du capitalisme il est impossible de résoudre à la fois la crise écologique qui impose une maîtrise et une auto-limitation au niveau global de la production et de la consommation et la crise économique qui nécessite le contraire. Surmonter l’une implique nécessairement d’aggraver l’autre et réciproquement. Nous devons par conséquent dénoncer les illusions des courants politiques – réformistes ou révolutionnaires – se situant dans le champ du capitalisme à visage humain, qu’ils soient de gauche dite « radicale », écosocialistes ou décroissants.

Notre stratégie de lutte contre le capitalisme est donc à double détente : contre l’exploitation et l’exclusion qu’il impose à la grande majorité des humains avec son cortège de misères matérielles et morales, de violence et d’aliénation ainsi que conjointement contre les destructions imposées à l’environnement, la pollution généralisée, la déstabilisation climatique et les atteintes très graves à la biodiversité.

Notre combat contre l’exploitation et l’exclusion se construit en premier lieu par l’organisation des classes sociales dominées, par l’auto-organisation de leurs luttes et la solidarité entre les exploités.

Cela implique qu’au sein des classes dominées monte la prise de conscience concernant les conséquences de la crise écologique ; que soit véritablement prises en compte au sein du mouvement social la nécessité d’une rupture avec le productivisme ; qu’ idéologiquement la bataille contre « la croissance » soit gagnée ; qu’ainsi les luttes contre les licenciements se construisent systématiquement autour de projets de reconversion ; que les revendications sur la diminution du temps de travail, sur les conditions de transports, sur le droit à un logement, sur le droit à un cadre de vie non pollué et riche d’une véritable biodiversité, sur le droit à vivre et travailler au pays ou au quartier, gagnent du terrain au sein des revendications portées par le mouvement syndical … Bref que soit portée collectivement l’exigence d’une transformation des modes de production et de consommation…

Mais il semble illusoire d’imaginer une transformation significative du mode de production et de consommation sans avancer dans la construction d’embryons d’une contre-société au sein desquels des fractions significatives des classes sociales défavorisées pourraient accéder aux produits d’une industrie échappant aux règles du capitalisme. Évidemment ces éléments alternatifs ne pourront pas, par un illusoire processus de généralisation, aboutir à eux seuls au renversement du capitalisme. Mais, construits en convergence avec une dynamique de luttes sociales revendiquant la socialisation des moyens de production, ils sont une nécessité pour créer des imaginaires libertaires et structurer un contre-pouvoir indispensable au renversement du capitalisme.

Notre projet de société : il doit lui aussi véritablement intégrer notre volonté de penser la place de l’humanité, au sein du monde vivant, en rupture avec la prétention capitaliste d’une humanité dominatrice et exploiteuse du monde vivant. Ce texte traite exclusivement du dernier point.

Quelle place pour l’humanité au sein du monde vivant

Une transformation du rapport de l’homme au monde vivant est indispensable à la survie de l’humanité et d’un grand nombre d’espèces animales et végétales. Du déséquilibre actuel dans lequel nous sommes surtout exploiteur et destructeur de la nature, nous devons nous intégrer comme chaînon au sein du monde vivant, respectueux des autres formes de vie, et reconnaissant la diversité, la complémentarité et la coopération comme bases d’un nouvel équilibre dynamique dans nos relations au vivant.

Il faut commencer par en finir avec la vision d’une humanité prétendue supérieure aux autres espèces animales. Les progrès des sciences du vivant ont largement démontré aujourd’hui que la culture, l’altruisme, l’intelligence, les langages symboliques, jusqu’à la conscience, bref tout ce sur quoi l’homme prétendait fonder sa supériorité, ne sont pas l’apanage de l’humanité. Sur de nombreux processus cognitifs, des animaux ont démontré des capacités plus importantes que les humains. Pour autant, présenter l’humain comme un animal « comme les autres » est contraire à la réalité : l’homo sapiens est la seule espèce à s’être installée dans la quasi-totalité des écosystèmes terrestres ; la complexité de ses formes d’organisations sociale et politique est sans égale et l’a doté d’une capacité de destruction inédite.

Au final, ce qu’il faut mettre à bas, c’est la prétention de l’humain à être supérieur au reste du vivant, sans pour autant nier sa place spécifique au sein du monde vivant. Il faut en terminer avec toute conception de hiérarchisation entre les espèces, car chaque espèce, homo sapiens y compris, dépend de toutes les autres espèces pour sa survie. Toute conception utilitariste du vivant est dangereuse, car elle implique un rapport de manipulation vis à vis du reste du monde vivant. Le monde vivant - végétal comme animal - est cet entrelacement de relations de compétition et de coopération entre les individus d’une même espèce comme entre les différentes espèces.

Aujourd’hui des courants philosophiques affirment que les humains doivent abandonner toute forme de domination sur toute autre espèce animale, ce qui se traduit, si on va jusqu’au bout de la logique, par l’abandon non seulement de la pêche et de la chasse, mais aussi de tout élevage et domestication. Alternative libertaire condamne la persécution ou l’acharnement envers les autres espèces animales et revendique une réduction significative de la consommation de viande afin d’assurer une alimentation durable pour tous et toutes.

Cette conception philosophique fait écho encore aujourd’hui à une partie de l’histoire de notre courant et nous ne pouvons l’ignorer. Et si collectivement Alternative libertaire dénonce les idéologies réduisant l’« autre », humain ou animal en chose, en quantité, en série de données à gérer, il semble inopportun aujourd’hui d’imposer cette philosophie à tous, les conditions à la fois culturelles, économiques et politiques n’étant pas réunies pour une telle mutation. Nous resterons condamnés encore longtemps à gérer les contradictions entre le bien-être raisonnable de la population humaine et le respect de la vie de nos cousins des autres espèces animales.

Évidemment il en va tout autrement des considérations d’ordre politique qui impliquent au sein de l’humanité une redéfinition des productions agricoles nécessaires pour assurer une alimentation suffisamment riche en protéines à tous les hommes, toutes les femmes et tous les enfants, ce qui impliquera nécessairement une diminution drastique de la consommation de viande au sein des pays occidentaux. Évidemment il en est de même sur l’évolution indispensable des normes d’élevage et d’abattage des animaux domestiques, pour faire disparaître tout ce qui relève peu ou prou de la maltraitance d’êtres sensibles, par une espèce affirmant une supériorité illégitime, et en particulier de mettre fin aux systèmes industriels d’élevage en batterie, d’abattage à la chaîne, etc..

Pour conclure, contrairement à certains courants se voulant radicaux, notre propos n’est pas et ne peut pas être de prôner des solutions visant à débarrasser la planète de toute technologie humaine. Une nature vierge, indemne de toute action humaine est simplement un fantasme. Y compris dans une région comme l’Amazonie, la flore et la faune ont été profondément modifiées par l’activité humaine, cela même avant l’arrivée des européens sur le continent américain. L’avenir que nous voulons est celui d’une nature où les activités humaines puissent se développer, mais encadrées par la nécessité de maîtriser notre impact sur le reste du monde vivant et de sauvegarder la biodiversité.

Cet avenir partagé impose une rupture fondamentale dans la façon d’imaginer le développement de l’humanité. En particulier les points suivants sont abordés :

  • l’aménagement du territoire de chaque pays, les contraintes nécessaires à une véritable politique de sauvegarde et de restauration de la biodiversité et l’urbanisation écocompatible ;
  • les évolutions nécessaires au sein du secteur agricole au sens large (culture, élevage, sylviculture, pêche) ;
  • les évolutions nécessaires au sein des villes, en incluant autant la question de l’habitat que celle de l’articulation entre habitat et organisation de la production. Cela concerne les industries extractives, les industries manufacturières, la construction et les travaux publics, les services ;
  • la question de l’organisation internationale du travail et des relations économiques entre pays du sud et du nord.

Un aménagement différencié du territoire

Le pillage des ressources, l’exploitation sans fin des énergies fossiles, l’artificialisation des sols conduisent l’humanité à une impasse. Sans changement majeur et rapide dans l’activité humaine, le mur pourrait malheureusement être percuté plus rapidement qu’on ne l’imagine aujourd’hui. Ce n’est probablement qu’une question de quelques décennies …

Remise aux Nations unies en 2005, l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire est un rapport visant à évaluer l’ampleur et les conséquences des modifications subies par les écosystèmes. Sa principale conclusion est que l’humanité a plus rapidement modifié les écosystèmes lors des cinquante dernières années que depuis toute son histoire : destruction et pollution des milieux naturels, surexploitation des ressources naturelles, introduction d’espèces d’un milieu à l’autre et réchauffement climatique entraînent une perte irréversible de biodiversité.

Des experts mexicains et américains, dans un article paru en juin 2015 dans la revue Sciences Advances annoncent que la « 6e extinction » est en marche : le rythme des disparitions d’espèces en raison des activités humaines ne cesse de s’accélérer. Son impact rivalise avec celui des cinq crises biologiques massives qui ont ponctué l’histoire du vivant depuis 500 millions d’années – la dernière, il y a 65 millions d’années, ayant précipité la chute des dinosaures.

Pour parvenir à un nouvel équilibre dynamique avec le reste du monde vivant, l’humanité doit mettre un terme au processus d’artificialisation de l’ensemble des écosystèmes.

Cela veut dire qu’elle devra mettre en place des gestions différenciées entre :

  • les zones principales d’habitat humain, avec les activités, d’une part industrielles et d’autre part agricoles. Dans celles-ci l’activité humaine cherchera à s’insérer dans un équilibre dynamique avec le développement des autres formes de vie, même s’il est inévitable que la pression humaine transforme totalement l’équilibre du vivant.
  • et les zones naturelles protégées préservées des activités humaines liées aux technologies industrielles.

Les zones protégées, outre qu’il importe qu’elles ne soient pas réduites à la portion congrue doivent permettre de sanctuariser les actuelles forêts primaires, ou au moins ce qu’il en reste, mais aussi doivent être établies sur l’ensemble des continents et sur chacun d’entre eux, autant qu’il sera possible de la le faire, concerner tous les types d’écosystèmes existants pour permettre le maintien d’une véritable biodiversité et pas seulement sur les terres « inutiles » pour l’industrialisation.

Il faut comprendre que ces zones protégées, outre des portions de terres émergées, devront aussi intégrer des espaces lacustres, fluviaux côtiers et maritimes au sein desquels non seulement toutes pollution sera drastiquement combattue, mais encore, toute activité industrielle bannie, ainsi que toute activité à caractère « touristique ».

Pour autant des activités non industrielles, que cela concerne les activités de chasse et de cueillette, de pêche ou de culture traditionnelle en équilibre dynamique avec les écosystèmes environnants y auront leur place comme aujourd’hui les activités agricoles et en particulier l’élevage dans les parcs nationaux, régionaux.

De plus les zones protégées ne sauraient être réduites à un ensemble de sanctuaires isolés les uns des autres, ne serait-ce que par rapport au défi que pose le maintien de la biodiversité. Le maintien d’une circulation de flore et de faune d’une zone protégée à l’autre sera évidemment un défi majeur. La continuité territoriale sera difficile à obtenir partout. Toutefois des compromis acceptables doivent pouvoir être imaginés partout pour sauvegarder le potentiel de la biodiversité sur terre.

La gestion de ces zones protégées s’insèrera dans une dualité de pouvoir. D’un côté les peuples y habitant s’organiseront pour y gérer les prélèvements de ressources qu’ils opéreront dans leur environnement, comme ils l’ont toujours fait. De l’autre, des coordinations internationales fixeront des objectifs globaux de protection des zones protégées en soutenant les populations locales dans la mise en pratique de ces objectifs.

Une nouvelle révolution agricole

Concernant les zones agricoles, il faut affirmer qu’en leur sein, une nouvelle révolution agricole doit être mise en œuvre, fondée sur une réforme agraire. La propriété collective des terres là où les intéressé-e-s le souhaiteront, ou leur redistribution permettant de redévelopper une agriculture paysanne doivent être mises en place afin d’augmenter le nombre de fermes et l’installation d’un nombre important de paysannes et paysans. Condition sine qua non pour garantir une production diversifiée et une autonomie alimentaire à l’échelle de petites régions.

Il s’agira de mettre un terme à la spécialisation agricole de régions entières et de réduire les productions agricoles d’exportation quand elles sont un obstacle à l’autonomie alimentaire locale.
Les formes des exploitations ont une incidence directe sur la biodiversité et la qualité des sols. Prenons l’exemple du remembrement qui a provoqué la destruction de la forme bocagère réduisant en conséquence la biodiversité des haies (et les continuités qu’elles offraient) tout en facilitant le lessivage et la désertification des sols.

Un changement fondamental des pratiques culturales doit être mis en place afin de garantir une absence de pollution environnementale, une qualité alimentaire des productions et une préservation de la santé des travailleuses et travailleurs de la terre. L’objectif est le développement d’une agriculture paysanne innovante et diversifiée qui pourra encaisser les changements climatiques importants à venir : les techniques innovantes de l’agriculture biologique, l’utilisation de variétés robustes, l’association de cultures, la lutte biologique, la polyculture-élevage, la culture sans labour pour combattre l’érosion des sols, la permaculture, la gestion différenciée sont autant de pistes à développer et pour certaines à généraliser. La disparition des pesticides de synthèse et la réduction drastique des engrais chimiques seront des conditions de cette nouvelle agriculture.

Le nouveau modèle agricole décrit au paragraphe précédent se traduira nécessairement par un développement des cultures de céréales et de légumineuses pour l’alimentation humaine et une diminution de la production de viande et des biomasses à usage énergétique.

L’agriculture paysanne et écologique nécessite plus de travail que l’agro-industrie. Un processus significatif de retour vers les campagnes s’amorcera nécessairement. Mais à chaque fois que la mécanisation sera compatible avec les impératifs de la nouvelle agriculture et avec les contraintes écologiques et qu’elle permettra d’économiser du travail humain, elle sera mise en œuvre.

Concernant la pêche, la première décision à prendre sera l’interdiction des pêcheries industrielles, mesure indispensable à l’arrêt de la surexploitation des océans. Le poisson deviendra nécessairement un produit rare, sauf évidemment dans les zones côtières. De même la sylviculture sera soumise à au moins deux impératifs : d’une part le choix d’essences adaptées aux forêts concernées, visant au maintien ou au développement de la biodiversité locale, et d’autre part à une gestion durable, ne consommant pas plus chaque année que ce que les forêts ne produisent dans le même temps.

Un urbanisme, des habitats fondamentalement transformés

L’urbanisme moderne a abouti à un éclatement des fonctions : travailler, habiter, s’amuser (loisirs). Le déplacement fait la liaison entre ces trois fonctions. En sociologie urbaine, il est avéré que la capacité à se déplacer augmente à mesure que l’on est doté de différents capitaux culturels, sociaux, relationnels et économiques. La relégation dans des quartiers uniquement d’habitat empêche trop souvent l’auto-organisation et assigne les personnes et les groupes à résidence. En conséquence, un urbanisme écologiquement conséquent doit promouvoir une limitation stricte des déplacements par la création de quartiers, villages, villes intenses et complexes dans lesquels il ferait donc bon vivre et où le déplacement ne serait plus un impératif mais une possibilité ouverte à tous.

Enfin au sein d’une société égalitaire, l’organisation des villes actuelles, structurées autour des institutions de pouvoir et des services organisés pour les classes possédantes, disparaîtra. Une nouvelle organisation multipolaire se mettra en place, associant dans un périmètre restreint, c’est à dire dans un quartier, un ensemble d’îlots d’habitation et de lieux de production, les services publics d’éducation et de santé, des lieux de culture, des jardins collectifs – permettant le développement d’une agriculture et d’un petit élevage urbain –, des parcs d’agrément, des lieux de pratique des sports, des espaces d’échanges et/ou de distribution des productions … améliorant grandement la vie quotidienne et réduisant drastiquement les dépenses énergétiques liées aux transports du quotidien.

Nous assistons à un triple phénomène, d’une part une « désertification » de nombreux territoires, d’autre part un accroissement des villes et mégalopoles, enfin des zones « rurbanisées », phénomène lié soit à l’exclusion des plus pauvres soit à l’aspiration à vivre dans un cadre « naturel ». Un aménagement des territoires harmonieux, liant social, économie, écologie , devrait voir surgir une revitalisation des villages des bourgs et en conséquence une diminution du poids économique et démographique des villes.

Cependant, et pour longtemps, les villes resteront des zones majeures d’habitat et d’activité industrielle. Il ne s’agit évidemment pas d’en faire des lieux de pollution ou de gâchis de ressources. Simplement ce seront des lieux où il sera admis que la biodiversité puisse être faible. Mais les révolutions mises en œuvre, dans les transports, dans le type de consommation et de production, feront évoluer massivement ces territoires afin d’en faire des espaces vivables pour les humains.

Nous pensons que nécessairement des évolutions majeures toucheront l’habitat. Cela concernera les matériaux de construction, conçus à partir de ressources renouvelables et pour être non polluants lors de leur production et l’intégration des techniques rendant les logements non consommateurs d’énergie, voire producteurs d’énergie en utilisant les énergies locales renouvelables, solaire, hydraulique, éolienne.

Mais au sein d’une société solidaire et économe en énergie, les structures des logements eux-mêmes changeront, (ou la structure… changera)les « logements individuels » seront intégrés au sein d’îlots de logements mettant en commun de nombreux services et installations qui n’auront plus lieu d’être présents dans chaque logement individuel (laverie, matériel de bricolage, salle collective disposant de matériel audio-visuel, ordinateurs, jeux de société et matériel de sport, salle de réunion des habitants, vélos...). Ces différentes formes de mutualisation permettent en outre une véritable convivialité, des échanges plus riches, mettant fin à l’isolement au sein des grandes villes.

Les places publiques seront réaménagées pour favoriser les échanges sociaux. Dans chaque quartier sera installé un réseau de salles de réunion, ouvertes aux associations et courants politiques, favorisant une intense vie associative et politique. Les déplacements à l’intérieur des quartiers et entre eux seront restreints aux vélos et aux transports en commun, tram, métro, bus, dont les réseaux seront développés, les horaires adaptés aux besoins des habitants et accessibles gratuitement.

La gestion des déchets urbains sera réinventée : Produits recyclables, emballages quasiment prohibés, compostage généralisé, développement de l’assainissement des eaux usées au sein d’espaces végétaux adaptés (phytoremédiation). Le développement d’une petite agriculture urbaine, la revégétalisation des villes, la couverture végétale des bâtiments sont des enjeux importants pour améliorer la qualité de l’air et des sols et combattre l’élévation de la température dans les villes.

Il en sera de même concernant l’aménagement global du territoire de chaque région et des équilibres entre les différentes régions sur la planète. Un démantèlement des métropoles, dont le développement constitue une dérive liée à l’organisation hiérarchisée et inégalitaire des sociétés de classes, s’organisera naturellement au profit d’une répartition plus homogène de la population et de l’installation des travailleurs au plus près des lieux de disponibilité des matières et de l’énergie utilisées dans le travail.

Ces évolutions résulteront aussi d’une transformation de l’appareil productif, en particulier en ce qui concerne l’organisation internationale du travail et les relations économiques entre pays du sud et du nord. Sur ces questions fondamentales d’un point de vue écologique, nous renvoyons d’une part au texte adopté en 2006 au VIIIe congrès d’Alternative Libertaire intitulé « Face au défi écologique, trois révolutions sont nécessaires », et d’autre part au texte adopté en 2012 au XIe congrès intitulé « Contre le libre-échange : l’autonomie productive ».

Tenter ici de définir les industries extractives, manufacturières, de construction ou les services qui fonctionneront au sein d’une telle société n’a pas de sens. La seule chose qu’il est possible de dire est que cela résultera de décisions intégrant des impératifs partiellement contradictoires, entre supportabilité pour la biodiversité de ces activités, satisfaction des besoins de l’ensemble des hommes, femmes et enfants, définition de ces besoins … En tout état de cause il s’agira d’une recherche perpétuelle d’équilibre entre ce que les humains peuvent durablement prélever sur les ressources de la planète et la satisfaction des envies humaines. De plus les rejets toxiques des activités productives seront strictement contrôlés par les communes où elles seront implantées, tant dans les quantités admissibles de rejets que dans des zones de dispersion de ces rejets.

Ce que nous savons, c’est que des pans entiers de l’économie capitaliste disparaîtront, en particulier tout ce qui est lié à la marchandisation de la vie, au contrôle des classes sociales dominées, à la publicité, au suremballage, à l’appropriation privée des terres, des bâtiments et des outils de production, à la bourse et à la domination de la finance, aux productions réservées aux classes sociales privilégiées, aux transports du quotidien imposés aux classes sociales dominées ... C’est une part importante des activités humaines qui doit disparaître, permettant rapidement à la fois une baisse de l’empreinte écologique, la fin de l’exclusion sociale et une diminution importante du temps de travail.

D’une façon ou d’une autre la question de la démographie humaine pèsera dans ces équilibres. Nous savons qu’aujourd’hui avancer cette question pose problème. Car implicitement poser la question de l’équilibre démographique peut renvoyer à des présupposés racistes qui en font peser la responsabilité sur les peuples du sud. Nous tenons à rappeler que la crise écologique est le produit du capitalisme international.

Quelle population humaine la terre peut-elle supporter ? Nous avons une certitude : il sera nécessaire de trouver un équilibre entre ressources consommées, capacité de régénération de ces ressources et vie décente pour les humains. L’humanité ne peut pas croître sans fin. Mais nous savons que la stabilisation démographique de l’humanité nécessite un facteur fondamental : un processus de libération des femmes, par l’éducation des filles, le droit de toutes femmes à disposer de leur corps, le combat contre toutes les violences faites aux femmes, le libre accès à la contraception et à l’avortement, l’égalité économique, sociale et politique entre les femmes et les hommes.

Ainsi pour conclure, de même que le combat écologique est inséparable d’un combat contre le capitalisme, il est inséparable d’un combat pour la libération des femmes au niveau international.

 
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