A Contre Courant : A l’Est, quoi de nouveau ?




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


« C’est à nous qu’est revenu de faire le sale boulot. » C’est par un tel aveu, franc et brutal, que le jeune Fabius expliquait, il y près de 20 ans, la défaite annoncée de l’Union de la gauche aux législatives de 1986. Il incarnait alors le virage « moderniste » et « libéral » d’un PS très fier de sa « culture de gouvernement ». Et question « sale boulot », Fabius savait de quoi il parlait : blocage des salaires, dépeçage de la protection sociale, liquidation de pans entiers de la production industrielle, précarisation du travail…

Comme en écho à cette voix d’outre-tombe de la mitterrandie, c’est avec les mêmes arguments autoritaires, la même prétendue nécessité, les mêmes regrets affligés devant les mêmes conséquences électorales que Schröder s’acquitte servilement de la même sale besogne - sous l’injonction d’un patronat local qui, au nom de l’élargissement à l’Est, prétend accélérer l’harmonisation européenne de la condition salariale. L’Institut économique de Munich déclare ainsi que le salaires des Allemands de l’Est doit, pour être concurrentiel, baisser et se rapprocher de celui des Polonais. De son côté le ministre Clement n’a rien de mieux à proposer pour relancer la « compétitivité » des Länder de l’ex-RDA une « zone économique spéciale ». Une « zone franche » donc, une de ces fameuses zones d’extraterritorialité sociale dont le capitalisme occidental est allé chercher en Chine « communiste » le modèle exemplaire.

L’harmonisation européenne que nous chante la sociale-démocratie pour justifier la constitutionnalisation du capitalisme sauvage n’est donc ni un mensonge, ni une chimère. C’est un cauchemar : le toujours moins pour le social, le toujours plus pour le capital.

La résistance actuelle à l’Agenda 2010 s’exprime à travers des manifestations hebdomadaires sur le modèle de celles qui avaient contribué à l’effondrement de la bureaucratie vermoulue de RDA, et par effet de dominos toutes les bureaucraties staliniennes du bloc de l’est. Cette résistance se cristallise sur le démantèlement de l’assurance-chômage (Hartz IV) et se concentre dans les Länder de l’Est. Elle cherche néanmoins à s’étendre socialement et géographiquement : aux autres fractions su salariat (en particulier les ouvriers de l’industrie où l’intensification de l’exploitation s’accompagne d’un chantage aux délocalisations) et aux Länder d’Allemagne de l’Ouest.

Encore une fois, c’est la nécessité et l’urgence d’une mobilisation unitaire qui s’impose. Unitaire entre les travailleurs de chaque pays par delà les situations particulières, les statuts professionnels, les traditions politiques (communiste, libertaire, anarcho-syndicaliste, socialiste). Unitaire entre les des différents pays d’Europe contre les instances communautaires qui pilotent la politique de régression sociale. En dépit des tentatives des bureaucraties politiques et syndicales de freiner et diviser le mouvement, Berlin doit voir converger dans une manifestation nationale la rébellion du salariat allemand contre le gouvernement Schröder. Ainsi contrairement aux vociférations hystériques d’un Cohn-Bendit qu’étrangle la perspective d’un rejet de la Constitution européenne par le peuple français, ce dernier ne serait pas isolé en Europe. Il s’opposerait certes à toute la classe dirigeante communautaire (gouvernement et patronat), mais serait en phase avec tous les travailleurs qui luttent dans leur pays contre la mise en œuvre, par leur gouvernement respectif, de la politique décidée à Bruxelles. A Berlin contre Schröder, à Londres contre Blair, à Rome contre Berlusconi …- en attendant que, débordant les cadres nationaux et les frontières mentales, marchent sur Bruxelles les millions de travailleurs opposés aux institutions réactionnaires et à la politique anti-sociale de l’Union européenne.

 
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