Antipatriarcat : Au-delà de « l’aide » à la retraite de femmes




Le gouvernement va réformer la bonification pour la retraite des mères. Les femmes vont y perdre. Mais il est impossible de défendre cette bonification de façon acritique.

Le revenu moyen des femmes salariées est inférieur de 27 % à celui des hommes [1]. Le travail à temps partiel, très majoritairement féminin, explique une partie de cette différence. Mais si on ne compare que les temps pleins, les femmes gagnent encore 19 % de moins. Sans les différences de poste (cadre, employé, ouvrier), d’expérience, de qualification (niveau de diplôme) et de secteur d’activité, environ 10 % de l’écart demeure inexpliqué. La « simple » discrimination. De plus, les femmes avec enfants sont plus à temps partiel et plus au chômage ou inactives. En conséquence, les retraites des femmes sont très inférieures à celles des hommes. En 2004, la pension de retraite des femmes était inférieure de 55 % en moyenne à celle des hommes [2]. Pour les carrières complètes, de « seulement » 36 %.

La solution institutionnelle était jusqu’à présent de faire semblant de lutter contre les inégalités de retraite en accordant aux mères des majorations de durée d’assurance (MDA). Dans la fonction publique, six mois de cotisation sont offerts à la mère, plus la période d’interruption jusqu’aux trois ans de l’enfant, offerte au père ou à la mère. Dans le privé, deux annuités sont offertes à chaque naissance sans condition d’interruption de carrière, en simple « compensation » des inégalités. C’est le privé qui est concerné par la réforme.

Un correctif n’est qu’un correctif

Début 2009, la Cour de cassation a accordé à un père le droit de bénéficier de ce dispositif, suivant en cela une délibération de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) et une directive européenne sur « l’égalité de traitement hommes-femmes en matière de prestations sociales ».

Le 19 septembre, le gouvernement a donc choisi. Accorder les mêmes droits aux pères aurait été « trop cher » : la MDA coûte déjà six milliards pour les mères, ç’aurait été plus du double pour les pères, mieux payés. Il y aura donc partage du temps de bonification : un an à la mère au titre de l’accouchement, et un an à celui des parents qui arrête de travailler pour élever l’enfant. Alors que la deuxième année était auparavant due même sans prise de congé parental, une annuité est donc retirée aux femmes, ce qui va probablement creuser encore l’écart entre les pensions des femmes et celles des hommes.

Si on ne peut que s’élever contre la suppression de la MDA à défaut de mieux – comme on lutte pour des primes de licenciement plus importantes – , la soutenir soulève un certain nombre de questions.

Il faut égaliser les revenus, et les retraites suivront

La MDA enferme les femmes dans la responsabilité des enfants et entérine les inégalités hommes-femmes en les compensant – très mal. C’est contre les inégalités de salaire et de retraite et contre l’assimilation femme = mère qu’il faut lutter. Par exemple en supprimant les emplois à temps partiel et le chômage de masse par une réduction massive du temps de travail. En exigeant que les emplois à temps partiel soient occupés à parité par des hommes et des femmes. En interdisant les heures supplémentaires. En augmentant les salaires.

Et aussi en aidant la parentalité. Ni pour favoriser la natalité, ni pour aider « les femmes », mais par souci des humains petits et grands : congé parental à prendre à parité (en dehors du congé de maternité lié à l’événement physique), développement des moyens de garde d’enfants (et pas au détriment de l’école pré-élémentaire).

Tout cela ne réduira pas les différences de salaire purement dues aux discriminations. Ni la croyance que les femmes sont naturellement destinées à s’occuper des enfants. Il reste toutes les mesures d’éducation, de formation, de sensibilisation à l’égalité. Tout le boulot de lutte contre le patriarcat à faire tout le temps et partout.

Chritine R. (AL Orne)

[1Observatoire des inégalités, ministère du travail, 2006.

[2Insee/Drees.

 
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