Cinquièmes rencontres européennes du “syndicalisme alternatif”




Fin novembre, des délégations de plusieurs syndicats « alternatifs » européens se sont retrouvées à Paris. Il s’agissait de la cinquième réunion de ce type depuis 2003. Cette démarche de mise en place d’un réseau interprofessionnel fait suite au travail effectué depuis plus longtemps dans des secteurs professionnels, comme le rail ou l’éducation notamment.

Les choses avancent lentement. Cela est dû aux difficultés inhérentes à ce type de travail (les langues, les distances), mais aussi à des niveaux d’engagement divers, une certaine hétérogénéité des organisations, au-delà de leur caractérisation comme « syndicat alternatif ».

Ce réseau regroupe des organisations qui se revendiquent de l’anarcho-syndicalisme, du syndicalisme révolutionnaire, du syndicalisme « de base », « alternatif », des courants « de gauche » ou « radicaux » dans des organisations syndicales plus traditionnelles...

S’ajoutent à cela des cultures, histoires et paysages syndicaux bien différents : de l’Espagne à l’Allemagne, de la Suède à l’Italie, etc., on ne retrouve pas les mêmes formes de syndicalisme, les mêmes rapports aux organisations politiques, les mêmes caractéristiques quant à la diversité syndicale...

Plus fondamentalement, ce qui explique le rythme assez lent de construction de ce réseau, c’est aussi les volontés politiques différentes. La liste des organisations syndicales qui y participent illustre bien cela. Mais cette diversité peut aussi faire sa richesse. Il ne s’agit pas de construire un appareil prétendant rivaliser avec celui de la CES (Confédération européenne des syndicats, d’orientation libérale et à laquelle adhèrent les centrales majoritaires françaises), mais bien de bâtir une force syndicale pouvant peser dans les luttes sociales, à l’échelle européenne.

Vis-à-vis de la CES, et des organisations qui en sont membres, des divergences existent au sein du réseau. Ainsi, la CGT d’Espagne (anarcho-syndicaliste) ou la CUB italienne se montrent très réticentes à tout travail commun, y compris apparaître aux mêmes manifestations. Solidaires en France, les SinCobas italiens, par exemple, ont une pratique différente.

Mais, les débats théoriques sont parfois dépassés par la pratique ... ce qui n’est pas forcément un mal en matière de syndicalisme. Ainsi, à l’occasion de ces rencontres, les camarades du rail ont par exemple décidé de préparer une nouvelle grève européenne des cheminot(e)s, comme ils l’avaient fait en mars 2003. Or, le réseau des travailleur(se)s du rail rassemble des organisations comme SUD-rail (France), ORSA, CUB, SULT (Italie), CGT (Espagne), SAC (Suède), LAB (Pays basque), mais aussi RMT (Grande-Bretagne) qui est membre de la CES, et il s’élargit vers des secteurs de la CGSP (Belgique), de Transnet (Allemagne), également membres de la CES.
Ce sont ces organisations et quelques autres (SinCobas et Unicobas italiens, SUD suisse, ESK (Pays basque...) qu’on retrouve dans le réseau interprofessionnel. Pour la France, Solidaires, CNT et la tendance Emancipations y participent ; la FSU n’a pas donné suite à une première participation comme “ observatrice ”, et il est dommageable qu’aucune structure critique de la CGT ne s’y soit à ce jour associée.

Extraits de la résolution finale de ces rencontres :
Partout en Europe, les attaques s’accélèrent contre les travailleurs et les travailleuses, leurs acquis sociaux, contre les services publics, contre tous les mouvements sociaux qui résistent à ces attaques.

Les luttes sociales qui se développent dans les différents pays, la victoire du “non” au traité constitutionnel européen en France et aux Pays-Bas, confirment le rejet du modèle social libéral que le patronat et les gouvernements veulent imposer aux populations.

Dans cette situation, nous réaffirmons notre volonté de combattre ces politiques libérales en participant, par nos analyses et nos actions, à la construction des rapports de forces pour imposer une autre construction de l’Europe sur d’autres bases : une Europe qui donne la priorité aux droits fondamentaux, au respect du droit de grève et des libertés syndicales et au partage des richesses, au respect des acquis sociaux et au rejet de toutes les précarités, à l’amélioration des conditions de travail, à la défense et au développement des services publics.

Notre réseau réaffirme sa volonté de s’élargir à toutes les forces syndicales en Europe, qui veulent développer les luttes et s’opposer explicitement, au-delà des frontières des États au processus de globalisation du capital. Nous voulons construire des outils de rassemblement permettant de mettre en commun nos expériences, de confronter nos orientations et surtout de faire converger nos actions, pour un syndicalisme de lutte et de transformation sociale.
Nos diverses expériences, que nous soyons membres ou non de la CES, ont montré le refus de celle-ci de s’engager véritablement dans ce travail de coordination et de mobilisation ; au contraire, la CES accompagne les orientations libérales actuelles de l’Union européenne. Notre réseau s’est engagé à résister à la politique des patronats et des gouvernements européens, à combattre les politiques découlant du processus de Lisbonne, en particulier la directive Bolkestein et toutes les autres directives de libéralisation (postes, chemins de fer,etc.).
Le 17 janvier [ndlr : 14 février, maintenant] prochain, le Parlement européen votera en plénière la directive Bolkestein. Le réseau européen des syndicats alternatifs, à la différence de la plupart des autres forces syndicales européennes, dénonce le contenu ultralibéral de cette directive et demande son abandon complet.

Nous interpellons les députés européens et leur demandons de sauvegarder nos biens communs, acquis par des luttes historiques, en votant NON ce jour-là.

Cette directive est en effet inacceptable : tous les services économiques ou non y sont considérés comme des marchandises potentielles, des produits économiques ordinaires : c’est le cas de la culture, de l’éducation, de la santé et de ceux relevant de la protection sociale en général.

Cela s’étendrait également aux droits des travailleurs, à commencer par les plus précaires (pensions, aides sociales, remboursements des frais médicaux, « principe du pays d’origine »...). Pour toutes ces raisons, le réseau européen des syndicats alternatifs a décidé de mobiliser toutes ses forces pour dénoncer le contenu de cette directive et demande à tou(te)s de faire barrage par tous les moyens possibles à cette attaque sans précédent qui vise à vider l’Europe de toute solidarité sociale.
Il a affirmé sa volonté de populariser et soutenir les mobilisations sociales se développant dans nos différents pays et d’aider à leur coordination.

Il a réaffirmé la nécessité de développer la solidarité internationale et le soutien aux hommes et aux femmes qui luttent partout dans le monde pour leur libération et la reconnaissance de leurs identités collectives. Une rencontre avec un militant palestinien a concrétisé cette démarche.

Notre réseau a pris les décisions suivantes pour rendre plus efficace son travail :

 Mise en place de cinq groupes thématiques, chargés de proposer des analyses communes, des campagnes et des mobilisations : précarités ; Bolkestein/OMC/libre circulation ; partage des richesses ; services publics/privatisations ; alternatives.

 Mise en place d’une coordination ouverte permettant d’améliorer notre travail et nos liens, de favoriser la circulation des informations et de préparer l’assemblée annuelle du Réseau syndical alternatif européen.

 Il a décidé de poursuivre et renforcer les réseaux sectoriels (automobiles, postes, santé, éducation, transports, nettoyage, femmes) et de les élargir en liaison avec ces objectifs.

Mouldi C. (AL Transcom)

 
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