Edito : Partage des richesses ou on se servira




Le 21 avril 2002 avait révélé une crise de la représentation de grande ampleur. On sait avec quelle rapidité la parenthèse ouverte par les manifestations et les débats de l’entre-deux tour avait été refermée. Tout devait être affaire de « débouché politique ».

La « gauche plurielle » tentait le pari d’une hibernation qui la dispenserait de tout bilan de son action gouvernementale exécrable. La droite se préparait à mener une politique de combat ultralibérale. L’extrême gauche, et plus particulièrement la LCR, rêvait toute seule d’une nouvelle force politique, prolongement politique des mouvements sociaux qui incarnerait la principale force politique d’opposition à la politique de la droite. Le Front national engrangeait les fruits de ses campagnes électorales et assistait, amusé, au jeu de positionnement des uns et des autres en attendant des échéances électorales décisives...

L’idée que la solution allait venir du politique dominait et donc tout le monde ou presque attendait ce messie qui ne venait pas.
Les grèves qui se cristallisent autour de la question des retraites marquent une rupture à la fois avec les choix de société portés par la politique de Raffarin, mais aussi avec un attentisme suicidaire et une délégation illusoire confiée à des partis qui veulent d’abord décider à la place de celles et ceux qu’ils prétendent représenter.

Raffarin a placé la barre très haut en conditionnant sa survie politique à son projet de démolition sociale symbolisé par son projet de contre-réforme des retraites, mais aussi par la décentralisation et le projet de privatisation de l’assurance-maladie. L’issue des grèves pour le retrait du plan Fillon ne peut qu’être destructrice. Raffarin, Fillon et Ferry jouent leur carrière politique.

Les 26 millions de salarié(e)s ont à perdre des droits sociaux acquis par des décennies de lutte. L’issue politique de la confrontation sociale actuelle déterminera également le rôle que jouera le Front national en 2004 à l’occasion des élections régionales et européennes.

Une victoire du trio Raffarin-Seillière-Chérèque aboutirait à un vrai désastre social, un appauvrissement important d’une partie de la population. Ce serait la voie ouverte à la destruction sociale dans tous les domaines : emploi, salaires, services publics, protection sociale... une insécurité sociale qui ouvrirait un boulevard politique à l’extrême droite.

Les travailleuses et travailleurs de ce pays n’ont pas le choix. Leur seule alternative à la politique réactionnaire est la victoire. Car ce que le Medef et la droite détruiront la gauche institutionnelle ne le reconstruira pas. Cela a été démontré en 1988 comme en 1997.

Qu’entendons-nous par victoire. Un retrait du plan Fillon ? Une abrogation du décret Balladur de 1993 contre les retraites du secteur privé ? Assurément oui, mais pas seulement.

Nous savons qu’un armistice social n’a qu’un temps. Par leur ampleur, les grèves de 2003 peuvent porter un espoir plus grand que celui de 1995. Mais si leur caractère massif est déterminant, les débats et les projets dont elles seront porteuses seront décisifs. Car c’est aussi à elles de dire qui doit redistribuer les richesses et comment, qui doit décider ?

Faute de le faire, elles laisseront la voie ouverte à la réaction et aux solutions autoritaires en France, mais aussi en Europe.
Ce qui semble hors de portée aujourd’hui, la démocratie, l’égalité, l’autogestion peut constituer une perspective demain.
Dans ce sens les révolutionnaires ont un rôle important à jouer pour contribuer à faire triompher ces valeurs à travers l’auto-organisation et la mise en débat des objectifs que les grèves de 2003 peuvent et doivent se donner.

Alternative libertaire, le 20 mai 2003

 
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