Extrême droite en Europe : un séisme peut en cacher un autre




L’extrême droite est en train de réussir sa normalisation dans le paysage politique européen. En France, le F-Haine compte sur les prochaines échéances électorales pour créer de nouveau la « surprise ». Comment dépasser les sempiternelles « sursauts » démocratiques ?

Au cœur de l’Europe et bien qu’en dehors de l’Union européenne, un petit pays discret vient de créer l’événement politique. En effet, alors que la Suisse, célèbre pour son chocolat et ses banques qui recyclent discrètement l’argent sale, cultive son image de " neutralité ", un parti ouvertement xénophobe et réactionnaire vient d’effectuer une percée spectaculaire lors des élections législatives.

L’Union démocratique du centre (UDC), avec à sa tête l’industriel multimillionnaire Christophe Blocher, a en effet raflé, avec 27 % des voix, 55 sièges sur 200 à l’Assemblée. Il a ainsi pu prétendre à un second siège au gouvernement suisse. Le Pen n’a pas manqué de saluer le succès de l’UDC : "Caricaturé, de la même façon que celui du FN, comme “extrémiste” et “xénophobe”, le programme de l’UDC est tout simplement de bon sens." L’immigration, ou plutôt la haine de l’étranger, est en effet devenu le thème central de ses campagnes électorales.

Décidément, après l’Autriche, l’Italie, la France, et sans compter les émeutes racistes à El Ejido, dans la région d’Andalousie, en Espagne, ou à Oldham, près de Manchester, en Angleterre, combien de " séismes " de ce genre devrons-nous subir avant qu’une véritable prise de conscience antifasciste européenne s’opère et qu’une contre-offensive des forces sociales s’engage sur le long terme ? Il s’agit, d’urgence, de dépasser les limites des " sursauts démocratiques " !

Antisémitisme et racisme anti-arabe

Le regain de violences antisémites qui touchent des individus, des écoles, des synagogues, et qui déborde cette fois le cadre strict de l’extrême droite et du réseau négationniste, est à redouter autant que le racisme anti-arabe, parfois meurtrier comme à Grande-Synthe, dans la banlieue de Dunkerque en octobre 2002. Ils sont tous deux les conséquences irrationnelles des attentats du 11 septembre et des conflits proche-orientaux en France, et constituent un terrain privilégié pour l’extrême droite qui attise les braises.

Par ailleurs, le soupçon d’antisémitisme permet de disqualifier l’extrême gauche, à propos des manifestations et des prises de position contre la guerre en Irak ou en soutien au peuple palestinien. On assiste à une véritable censure intellectuelle. Nous devons toutefois continuer d’être intransigeants dans notre condamnation de toute forme d’antisémitisme, de l’extrême droite à " l’ultra gauche ", et rester vigilants quant aux dérives possibles.

Front social contre Front national

Dans la même logique, les commentateurs politiques agitent l’épouvantail du " populisme ". En effet, cela leur permet de renvoyer confusément dos à dos extrême droite et extrême gauche, dans la logique des extrêmes qui se rejoignent constituant finalement un même danger pour la démocratie libérale. C’est faire l’amalgame entre un mouvement de contestation croissant pour la justice sociale et la solidarité, et une idéologie porteuse de haine et d’exclusion.

Le F-Haine tente également de créer la confusion en faisant de " l’insécurité sociale " son nouveau thème de campagne. Le 21 avril 2002, Le Pen prétendait ainsi parler au nom des " petits, des exclus et des sans-grade ", avec en tête son projet d’apartheid social axé autour de la " préférence nationale " et du tryptique " travail-famille-patrie " de sinistre mémoire. Quoi de commun avec le mouvement contre l’insécurité sociale de mai-juin dernier et les luttes qui travaillent la société en profondeur ?

N’oublions pas que c’est juste après le mouvement de novembre-décembre 1995 que Bruno Mégret a organisé une offensive sociale, avec la tentative de création de syndicats étiquetés FN, tentative avortée puisque systématiquement contrée devant les tribunaux. À présent, le F-Haine semble plutôt s’orienter vers des offensives sociales ciblées. Par exemple, en direction des buralistes touchés par la hausse conséquente du tabac. Ou encore avec des tentatives de récupération de la désespérance sociale, comme celle des salariés de Metaleurop, à Hénin-Beaumont, où des militants CGT ont heureusement empêché Marine Le Pen et d’autres élus frontistes de participer à une manifestation de soutien et de tracter à la sortie de leur usine !

Reconstruire l’antifascisme

Le 8 novembre dernier, le meeting d’ouverture de la campagne du Front national à Paris a rassemblé entre 1 500 et 2 000 militants et sympathisants frontistes. 800 antifascistes étaient mobilisé(e)s et ont défilé en direction du lieu du meeting

Cette manifestation, à l’initiative du Scalp-Reflex, rejoint par Alternative libertaire, la CNT et Ras l’Front, a pu s’élargir sur des bases relativement claires, c’est-à-dire sans appel à un " front républicain pour sauver la démocratie face au danger du fascisme " à d’autres organisations (LCR, SUD, Verts, PCF, MRAP...). La capacité de mobilisation des organisations politiques et syndicales signataires reste cependant, de façon inquiétante, extrêmement faible.

Pour éviter le danger de la banalisation du fascisme accompagnée de mobilisations épisodiques, il nous faut travailler dès maintenant à construire un antifascisme de masse et à l’étendre au-delà des libertaires, avec la jeunesse, en direction des habitant(e)s, des associations et des syndicats.

Gabriel L. (AL Paris-Est)

 
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