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Kurdistan, impérialisme et extrême droite : Patrice Franceschi répond à AL




Interpellé par Alternative libertaire, l’écrivain Patrice Franceschi nous répond avec franchise. Nous enregistrons ses arguments, mais persistons à penser qu’aller défendre le Rojava sur des tribunes d’extrême droite, en le présentant comme un atout pour « l’Occident » ne peut que nuire à la cause kurde, aussi bien au Moyen-Orient qu’en Europe.

Nous avons sonné l’alarme et exprimé notre désaccord. Nous laissons la gauche kurde prendre la mesure du risque encouru.

Alternative libertaire, le 26 septembre 2016


En quelques mots : je défends sans restriction les Kurdes de Rojava et leur projet politique depuis le tout début de leur combat, quand personne n’y prêtait encore attention – surtout à gauche – séjournant sur place à d’innombrables reprises, surtout aux moment les plus durs, comme cet
été avec la terrible bataille de Manbij. Je n’y vois aucune fierté
particulière, juste l’adéquation entre ce que je pense et ce que je
fais, acceptant tous les risques inhérents à ce type d’engagement et
refusant de me contenter de regarder la guerre « de mon balcon ».

Patrice Franceschi est écrivain et marin
Le 10 février 2014 à l’Hôtel de la Marine. cc Lionel Allorge

Je
défends les Kurdes en premier lieu parce que j’aime ces gens – je ne
renie pas l’aspect romanesque de l’écrivain que je suis.

Je les
défends parce que l’originalité de leur projet politique me séduit –
je ne renie pas pourtant le fait que je n’appartiens à aucun parti
politique, aucune institution, aucune franc-maçonnerie, aucun réseau,
aucune coterie, ma parole et mes actes étant absolument libres.

Je les
défends aussi parce qu’ils combattent, vivent et meurent les armes à la
main, pour leur cause, et que c’est rare de nos jours et admirable – et
je ne renie pas ici le tropisme guerrier qui est le mien et rejoint le leur
sur le « front » quand il n’y a pas d’autre choix pour défendre ce qui
vaut d’être défendu. Sans soldats, aucune cause valable ne survit.

Je
le fais aussi, en accord avec eux, parce qu’ils cherchent une alliance
avec la France, seul soutien à leurs yeux qui pourrait être pérenne
quand on est dos au mur et que l’existence de tout un peuple est en jeu.
Pour cela aussi, ils cherchent, parce que nécessité fait loi dans de
telles circonstances, à conserver le soutien des Russes comme des
Américains. A leur place nous ferions de même, toute considération
géopolitique à part.

Je vous sais gré de toute façon pour le ton
courtois de votre interpellation quand, ailleurs, les ennemis des Kurdes,
État turc et extrémistes islamistes, me menacent de mort. Ce qui,
d’ailleurs, ne fait qu’accroître ma détermination à poursuivre mon
action, modestement mais sûrement.

En ce qui concerne mes interventions
sur Radio Courtoisie – ou des chaînes de télévision israéliennes, par
exemple – la réponse à votre question se trouve dans votre supposition :
oui, je considère qu’il faut porter la cause des Kurdes absolument
partout pour la décloisonner et l’élargir. Seule condition : aucune
censure. Ce qui était le cas en l’occurrence.

Ainsi, que les auditeurs
de cette radio puissent, sur les Kurdes, changer d’opinion – ce que
j’espère – devient une victoire. Quand L’Humanité ou des
journaux déjà acquis à cette cause me donnent la parole, je n’y trouve
pas grande satisfaction, les lecteurs étant par avance d’accord avec ce
que je dis.

Enfin, une dernière précision : au-delà de leur projet
politique, les Kurdes de Rojava sont des patriotes au sens le plus noble de
ce terme – la défense des siens – et non à celui qu’on lui a donné
aujourd’hui. Et je les rejoins aussi sur ce point.

Pour conclure,
j’ajouterais qu’étant un « humaniste combattant » solitaire, je suis
préservé de tout sectarisme, de toute idéologie, de toute
instrumentalisation. J’ai payé cher cette liberté totale et je paierai
volontiers le double s’il le fallait pour la conserver. Si d’aventure,
il arrivait qu’un nouveau pouvoir en France interdise Radio Courtoisie,
je me battrais pour que cette voix existe. S’il arrivait qu’un autre
pouvoir interdise Alternative libertaire, je me battrais avec le même
acharnement pour que vous existiez.

Je forme ainsi des vœux pour que cette
pluralité continue d’exister chez nous, pour que le combat des idées
puisse continuer, comme aujourd’hui, sur le seul plan des idées et non
par les armes, la violence et le chaos, préservant notre pays de ce que je
vis dans ma chair ailleurs, dans des pays à feu et à sang comme la Syrie.

Patrice Franceschi

 
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