Industrie pharmaceutique : Médicament cherche maladie
L’industrie pharmaceutique a pour habitude de fabriquer des maladies. Dans ce contexte, le moindre problème sexuel devient une maladie gravissime qu’il faut soigner immédiatement.
L’industrie pharmaceutique sauve la vie d’un tas de gens et améliore celle d’un tas d’autres. Mais comme toute industrie dans une économie capitaliste, elle est aussi mue par la recherche de profits. Elle va chercher à accroître ses parts de marché, par exemple par un recours massif à la publicité auprès des professionnels de santé [1]. Une autre stratégie consiste à créer de nouveaux marchés [2]. Globalement, les petits problèmes de santé normaux sont transformés en des maladies graves contre lesquelles on a justement le médicament [3].
C’est dans ce contexte qu’il faut aborder la médicalisation et la « pathologisation » de la sexualité. Le cas du Sildénafil (plus connu sous le nom de Viagra [4]), produit par Pfizer pour « soigner » les problèmes d’érection, est un cas d’école.
Certes, il ne s’agit pas de mettre tous les médicaments dans la même boîte ! Les problèmes d’érection peuvent affecter profondément la vie d’un couple. Ils peuvent survenir aux hommes jeunes lors de leurs premiers rapports ou au début d’une relation donnée [5]. Ils sont plus courants avec l’âge. La dernière enquête Inserm sur le comportement sexuel en France montre que 6 % des hommes de plus de 50 ans auraient souvent des problèmes d’érection, mais d’autres études donnent des chiffres plus élevés [6]. Cela doit être comparé avec les 20 à 30 % d’hommes sexuellement actifs qui n’ont pas d’érections « normales » et qui jugent leur sexualité satisfaisante, même à un âge avancé [7]. En dépit de ces résultats, Pfizer a mené des campagnes publicitaires pour populariser Viagra auprès d’hommes en arguant que 50 % des plus de 40 ans étaient touchés.
Certains hommes présentent des troubles de l’érection à cause de problèmes d’ordre « biologique » et peuvent être aidés par un traitement médicamenteux. Mais dans la majorité, les causes sont socio-psychologiques et souvent en lien avec la relation « amoureuse » (peur de décevoir, d’être humilié...). En général, ils peuvent être facilement améliorés par des séances chez un psychothérapeute ou un sexologue.
Vu le succès du Viagra, l’industrie pharmaceutique s’attaque maintenant à la sexualité féminine. Il devient urgent de trouver une définition pour les dysfonctions sexuelles féminines de manière en englober le plus de clientes-patientes possible. La définition actuelle est purement mécanique et considère que si les organes génitaux fonctionnent bien alors tout va bien.
Heureusement, il y a des réactions face à ce phénomène. Tout d’abord des médecins indépendants font savoir que pour le traitement des insatisfactions sexuelles des femmes, aucun traitement pharmacologique n’a, à ce jour, été sérieusement évalué [8]. D’autre part, des médecins et militantes essayent de mettre en avant une nouvelle vision de la sexualité féminine, énoncée dans un manifeste, et qui prend en compte les dimensions socioculturelles, politiques, économiques, interpersonnelles, psychologiques et médicales [9].
La commission antipatriarcat