Mémoire : Une histoire de la Première Internationale de Mathieu Léonard




Voici un rappel bienvenu de ce que fut la courte et tumultueuse histoire de l’Association internationale des travailleurs (AIT). L’auteur retrace les débats politiques qui l’ont agitée et qui sont à l’origine des grands courants du mouvement ouvrier : social-démocratie, marxisme, syndicalisme, anarchisme.

Il apporte l’éclairage nécessaire à la compréhension des affrontements entre tendances et personnalités qui ont fini par mettre fin à cette expérience, sans cacher les manœuvres, intrigues, calomnies, le poids des préjugés nationalistes qui les ont émaillés. Mais là n’est pas le principal mérite du livre.

C’est d’abord l’histoire de l’émergence du prolétariat européen en tant que classe consciente d’elle-même, en tant que force politique autonome luttant pour ses propres objectifs.

A sa création en 1864 à Londres, l’AIT n’est qu’un modeste rassemblement de trade-unionists anglais, de mutuellistes français et de communistes allemands, un réseau avec peu de sections et d’adhérents.

Pendant les grèves qui se multiplient à la fin de la décennie, l’Internationale fonctionne comme une agence inter-gréviste, un relais des caisses de résistance qui apporte un soutien financier parfois décisif dans le rapport de force. De nouvelles sections se créent, les adhésions affluent même si elles sont plus symboliques que réelles.

Une montée en puissance qui fait trembler les bourgeoisies européennes, d’autant plus que parallèlement au développement de son influence, l’AIT se radicalise. Au départ il est surtout question d’améliorer les conditions de travail, avec la perspective vague et lointaine d’une fin de l’exploitation.

En quelques années, la révolution sociale devient centrale dans la propagande de l’Internationale. Le rôle de premier plan des Internationalistes durant la Commune de Paris prouve que les bourgeois avaient raison d’avoir peur. Ils se vengeront par une répression terrible. Malgré sa fin tragique, l’insurrection parisienne est une source d’espoir pour les opprimés, de nouvelles sections de l’AIT se créent en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, jusqu’en Australie et en Nouvelle-Zélande. Pourtant ses jours sont comptés, elle est minée par les luttes de tendances, comme le dira plus tard Malatesta : « Mais tous, bakouninistes et marxistes, nous cherchions également à forcer les choses, plutôt que de compter sur la force des choses... »

En septembre 1872, la Première Internationale explosait au congrès de La Haye, quelques jours après naissait l’internationale antiautoritaire à Saint-Imier. Cent-quarante ans plus tard, le mouvement ouvrier mondial est toujours orphelin d’une internationale qui mette réellement en pratique ce principe : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »

Hervé (AL Marseille)

Mathieu Léonard, L’émancipation des travailleurs. Une histoire de la première Internationale, La Fabrique, 2011, 416 pages, 16 euros.

 
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