Suisse : Sale temps pour l’argent ?




En quelques mois, les Suisses ont voté deux fois sur la rémunération des hauts postes. D’aucuns ont promptement annoncé la fin du paradis pour ce qui apparaît toujours comme la terre promise de l’Argent, dans une Europe qui prétend attaquer les grosses fortunes. Mais n’est-ce pas aller un peu vite en besogne ?

La Suisse cultive depuis toujours une certaine discrétion à l’égard des grosses fortunes qui sont au mieux accueillies ouvertement, au pire discrètement servies par l’armada de banques privées qui officient à travers le pays. Les sommes colossales qui transitent par le pays servent les intérêts d’un secteur financier écouté et choyé par l’ensemble de la classe politique.

Remise en cause timide

Aussi, lorsque les habitantes et habitants ont été amené-e-s à se prononcer sur les fortunes d’autrui via deux votations  [1]
, les forces économiques ont été vent debout contre ce qu’elles qualifient d’ «  ingérence déplacée  ».

Il y a tout d’abord eu l’initiative Minder du printemps 2013 qui proposait de confier aux actionnaires le contrôle des rémunérations des participantes et participants des conseils d’administration, et qui prévoyait un encadrement plus strict des primes de bienvenue et de départ offertes aux patrons et hauts cadres qui naviguent d’une entreprise à l’autre. La campagne fut marquée par un déchaînement de violence de la part des classes économiques à l’encontre de ces timides réserves sur les débordements causés chaque jour par le capitalisme. Bien aidée par le scandale provoqué par le patron de Novartis (3e groupe pharmaceutique mondial) refusant de céder une prime de 41 millions qu’il s’était lui-même octroyé, l’initiative fut acceptée par une large majorité des votantes et votants (à 68 %).

Quelques mois plus tard, les jeunes socialistes tentent également leur chance en proposant « l’initiative 1:12  » qui propose de limiter à 12 le ratio entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut au sein d’une même entreprise. Peu défendu par le parti socialiste, et bien mieux négocié par le patronat qui mit en avant une kyrielle d’ « honnêtes petits et petites entrepreneurs et entrepreneuses » peu connus du public (et donc dignes de confiance) farouchement opposé-e-s au projet, l’initiative fut cette fois sèchement rejetée (à 65 % contre).

La moralité ne suffit pas

Malgré les apparences, ces deux résultats ne sont pas contradictoires.
À la différence de l’initiative Minder qui donnait beaucoup de poids aux actionnaires privés, «  l’initiative 1:12  » confiait aux administrations fiscales publiques le soin d’organiser les contrôles. Il faut aussi noter que les arguments présentés ne portaient que sur un jugement moral sans remettre en cause la production et la distribution des richesses. Dans un pays qui fonctionne encore à l’essence de la croissance et du bas chômage (même sur des bases inégalitaires), la perspective de l’enrichissement privé est encore trop forte pour estimer qu’une rémunération puisse être jugée indécente. Le vent du changement n’est donc pas prêt de faire s’envoler les coffres forts.

Nico (Ami d’AL)

[1Vote organisé par l’administration après collecte d’un nombre suffisant de signatures auprès de personnes ayant l’accès au vote. Toutes les questions sont possibles sauf à rentrer en conflit direct avec la constitution.

 
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