Violences policières : regardez ailleurs, on tape dans le tas




La police l’a bien compris : sa violence ne choque que si elle est visible. C’est pourquoi les médias se gardent bien de la montrer. C’est aussi la raison pour laquelle un sénateur a proposé de punir non pas les policiers violents… mais celles et ceux qui les filment.

En ce mois de décembre 2019, le mouvement social peut donner l’impression de ne pas avoir subi de répression massive. Il faut se détromper. Si la répression paraît moins forte c’est en comparaison avec les mouvements d’avant. Les forces de l’ordre françaises ont mis la barre tellement haut pendant la loi Travail et les gilets jaunes que sa violence s’est banalisée : cela choque moins que des manifestantes soient nassées, frappées et gazées de manière aléatoire, comme à Paris lors des manifestations du 5 et du 10 décembre.

Il est devenu tellement courant que des manifestantes soient gravement blessées à la tête que presque plus personne ne s’étonne lorsque cela arrive. Le fait qu’un lycéen soit éborgné par un tir de LBD à Lyon le 6 décembre est à peine mentionné par les médias  : le quotidien (antigréviste) Le Parisien, l’un des rares à en parler, relègue ces violences policières à un statut de « fait divers » [1]. De même, lorsque les cortèges syndicaux se sont mués en manifs sauvages, celles-ci ont été immédiatement réprimées : à Nantes, à Toulouse, et Montpellier et dans bien d’autres villes.

Moins de répression… visible

En réalité, la répression n’est pas tant en recul qu’invisibilisée : à force de voir des personnes blessées, humiliées et mutilées, nous nous sommes habituées à un maintien de l’ordre impitoyable. La police l’a bien compris : l’émotion ne jaillit que si sa violence est visible. C’est pourquoi les médias se gardent bien de la montrer. C’est aussi la raison pour laquelle le sénateur de l’Hérault a proposé de punir non pas les auteurs de violences policières… mais celles et ceux qui les filment. Selon cet amendement, heureusement retoqué, filmer les forces de l’ordre devenait un délit puni de 45 000 euros d’amendes et d’un an de prison [2] !

De même, les journalistes indépendants sont particulièrement ciblées. Ainsi, Taha Bouhafs, le journaliste qui avait révélé l’affaire Benalla, a été la cible d’un visuel du syndicat policier Alliance le comparant à un chien enragé, accompagné du slogan « Taha Bouhafs a la rage » [3]. Quelques jours plus tard, le 5 décembre, il est blessé par une grenade de désencerclement jetée à ses pieds. Gaspard Glanz, autre journaliste dénoncé comme « anti-flics » par les syndicats policiers est touché par une grenade le même jour [4]. Hasard ou tirs ciblés  ? Libre à chacune de tirer ses propres conclusions. N’oublions pas que face à la violence d’état, la seule arme qui vaille est la solidarité  !

Matt (UCL Montpellier)

[1« Lyon : un lycéen blessé à la joue par un tir de LBD, l’IGPN saisie », Le Parisien, 6 décembre 2019.

[2« Un sénateur veut punir de 15 000 euros la diffusion de photos ou vidéos de forces de l’ordre », Libération, 10 décembre 2019.

[3« Taha Bouhafs odieusement attaqué par Alliance 94 », Révolution Permanente, 25 novembre 2019.

[4« Grève du 5 décembre : Taha Bouhafs et Gaspard Glanz blessés dans la manifestation parisienne », Paris Match, 5 décembre 2019.

 
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