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Françafrique : Le naufrage de l’opération Barkhane




« Morts pour la France ? » La lutte antidjihadiste au Sahel est également l’occasion pour Paris de soutenir des États vacillants mais inféodés à la France, et de sécuriser l’extraction d’uranium au Niger.

Treize militaires français ont trouvé la mort dans le crash de leurs hélicoptères, au cours d’une mission, le 25 novembre au Mali. Ces morts ont largement été commentées par les médias et la classe politique. Macron leur a rendu un hommage national le 30 novembre ; au Sénat Gérard Larcher a loué leur « courage » et leur « abnégation » ; à l’Assemblée nationale Richard Ferrand a estimé qu’ils avaient « sacrifié leur vie pour notre patrie » [1]. Enfin, François Bayrou, dans un hommage public à Pau, a égrené les noms des 13 victimes. « Mort pour la France » psalmodiaient les personnalités présentes, après chacun.

Ces 13 hommes sont-ils vraiment morts pour la France ? Peut-on parler de sacrifice pour la patrie ? L’accident s’est déroulé dans le cadre de l’opération Barkhane, la plus importante opération extérieure (« opex ») de l’armée française, déployée au Sahel depuis 2014. Cette opération de lutte contre le djihadisme dans la zone est, au mieux inefficiente, au pire contre-productive. Les troupes françaises n’ont pu empêcher la fermeture par les djihadistes de milliers d’écoles abandonnées de tous au Mali et au Burkina Faso [2].

Morts pour la Françafrique

Depuis 2017, le G5 Sahel, instance de coordination du Mali, du Burkina Faso, du Tchad, du Niger et de la Mauritanie, est doté d’une force armée de près de 5 000 hommes mal formés et mal équipés. Paris porte à bout de bras ces supplétifs de l’armée française, que l’ONU rechigne, jusqu’ici à cofinancer et à doter d’un mandat onusien. En mai, selon un rapport, sur les 430 millions d’euros promis par plusieurs pays, seuls 84 avaient perçus par le G5 Sahel [3].

Au lendemain de l’accident mortel, Macron a invité les présidents du G5 Sahel à Pau pour « clarifier » leur position sur la présence militaire française au Sahel. Prévue en décembre, la rencontre a été reportée à janvier en raison d’une grave attaque djihadiste au Niger [4].

Cette « convocation » par le président français a été vue à juste titre comme un geste paternaliste dans les pays concernés, où la tutelle militaire de l’ex-puissance coloniale est assez mal vécue... Initialement bien accueillies par peur de la menace djihadiste, la présence des 4 500 soldats français de l’opération Barkhane est en effet de plus en plus critiquée dans l’opinion publique, notamment au Mali et au Burkina Faso.

Outre le soutien passablement dirigiste à des régimes qui lui sont inféodés, l’État française sécurise les intérêts du capitalisme français au Sahel, notamment les mines d’uranium du Niger [5]. La lutte contre le djihadisme est ainsi l’occasion pour Paris de perpétuer sa main­mise sur l’Afrique francophone. Les 13 soldats français ne sont pas « morts pour la France ». Ils sont morts pour protéger des combinaisons géopolitiques et des filières industrielles dans lesquelles aucun peuple, ni français, ni africain, n’a d’intérêt.

Julien If (UCL Lyon) 

[1« Militaires français morts au Mali : la ministre des Armées, Florence parly, est arrivée sur la base de Gao », sur Francetvinfo.fr.

[2« Autocensure militaro-diplomatique au Sahel », Le Canard enchaîne, 4 décembre 2019.

[3Ibidem

[4À lire sur Burkina24.com, Africtelegraph.com et Mali-web.org.

[5« Mali : Areva vaut bien une guerre », AL, 16 janvier 2013.

 
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