Antipatriarcat

8 Mars 2024 - Désarmons le patriarcat !




Le 8 mars est une date importante de mobilisation pour le mouvement féministe. Cette année, et c’est une première, un appel intersyndical large à la grève du 8 mars ancre davantage les questions féministes dans les préoccupations syndicales. Dans nos syndicats, avec le mouvement féministe, saisissons-nous du 8 mars pour organiser le désarmement du patriarcat !

Même si on ne connaît pas encore l’impact réel de cet appel large, c’est positif. D’autant plus dans le contexte réactionnaire que nous traversons : l’allocution de Macron lors de ses « vœux aux français » aux relents masculinistes, racistes, autoritaires et patriotiques est inquiétante. L’est tout autant le dernier rapport du Haut Conseil à l’Egalité (HCE) où « plus d’un homme sur cinq de 25-34 ans considère normal d’avoir un salaire supérieur à sa collègue à poste égal ».

La grève féministe

Cette année, les organisations féministes comme les syndicats se sont donnés les moyens de réussir cette journée de grève. L’appel unitaire national « 8 mars 2024 : face aux attaques du gouvernement, des droites et extrêmes droites, partout les femmes résistent » est largement partagé [1]. La tribune diffusée par Nous Toutes dénonce ce même climat réactionnaire et le backlash en cours dans notre société : « Il faut nous faire taire car nous rappelons sans cesse que les violences de genre sont systémiques et que l’État est complice de leur perpétuation ».

Un appel intersyndical (CGT, CFDT, FSU, UNSA, Solidaires) à la grève ce 8 mars a été publié le 19 février, faisant de cette date une journée de mobilisation interprofessionnelle [2].

La CGT au niveau confédéral se saisit pleinement de cette date et a produit du matériel de qualité. Ces impulsions « d’en haut » vont certainement se traduire concrètement au niveau local de façons diverses. Mais elles donnent un vrai élan et de la légitimité aux militantes pour construire avec des moyens syndicaux cette grève sur le terrain.

La question du travail des femmes et celle des secteurs dans lesquels elles sont majoritaires reste prépondérante [3]. Le patriarcat est tellement habitué à compter sur le travail gratuit des femmes pour fonctionner que quand les femmes continuent de manière salariée le travail qu’elles font à la maison (soin, éducation, ménage, courses), elles sont sous-payées, précarisées, et leur fonction sociale dévalorisée. Ces métiers essentiels à la société sont aussi ceux à très forte pénibilité et la cause du développement de nombreuses maladies. Combien de temps les femmes devront-elles sacrifier leur vie au profit de celles des autres ?

Les deux dernières grandes mobilisations contre la réforme des retraites ont permis de mettre en relief les questions des faibles pensions des femmes et des inégalités salariales, et l’épidémie de covid a mis en lumière les métiers du soin et du lien, occupés majoritairement par des femmes [4]. Les questionnements autour des secteurs féminisés ont fortement émergé à ce moment-là, se sont démocratisés et sont enfin envisagés comme pouvant faire partie du nécessaire rapport de force face au patronat. Un vaste chantier s’est ouvert et les récentes déclarations de Macron sur le « réarmement démographique » en ouvre d’emblée bien d’autres. Si nous pouvions éviter de rejouer la grève des ventres... [5]

Paris le 6 avril 2023, lors d’une manifestation contre la réforme des retraites
Daniel MAUNOURY

La rhétorique guerrière de Macron

Dans sa dernière allocution, Macron a développé toute une rhétorique guerrière autour du réarmement. À travers l’emploi du terme « réarmement démographique », il a renvoyé les femmes à leur fonction reproductrice mais pas seulement. Il faut mettre en perspective ce discours avec la dernière loi Darmanin, l’annonce de l’Agence Régionale de Santé de Mayotte disant que des ligatures des trompes seraient proposées aux jeunes mères arrivant à l’hôpital, ou la récente mise en cause du droit du sol sur ce territoire. Le gouvernement énonce entre les lignes qu’il faut à la fois limiter l’immigration et soutenir la reproduction des femmes blanches et des familles hétérosexuelles françaises.

Tous les 8 mars, nous participons à la construction de la grève féministe. Ce jour-là, il s’agit de se mettre en grève au travail comme à la maison, de refuser de produire et de reproduire. Avec tous les conflits armés en cours, et les populations qui subissent la fureur de leurs dirigeants, nous ne pouvons que nous replacer dans une perspective internationaliste et montrer notre solidarité avec toutes celles et ceux qui vivent dans un pays en guerre [6], ou qui subissent de plein fouet la répression.

Mais face aux nouvelles injonctions natalistes de Macron et tout le vocabulaire belliqueux de réarmement qu’il diffuse, des pans entiers de réflexions se sur-ajoutent comme par exemple : la place de l’État et de ses fonctions régaliennes dans notre société, l’abolition des institutions mortifères telles que la prison, la police et l’armée, le lien entre logique patriarcale, logique de guerre, militarisation de la société et domination imposée aux femmes [7].

S’il paraît aujourd’hui fondamental de continuer à imaginer d’autres modèles de parenté et d’autres manières de faire famille, il paraît tout autant fondamental d’envisager d’autres manières de faire société. Face à la propagande politique et culturelle réactionnaire du moment, nous devons diffuser un contre-discours émancipateur, nous défaisant du capitalisme, de ses infrastructures, de ses institutions étatiques. Pour les désarmer, il va falloir lutter ensemble et ce 8 mars peut en être une étape.

Anne (UCL Montpellier)

[1Nous sommes signataires de ce texte que vous pouvez retrouver sur notre site ou sur Grevefeministe.fr.

[2Se reporter aux sites des différents syndicats et notamment au #UnJourSansNous.

[3L’UCL a produit une brochure au sujet des secteurs féminisés en 2022.

[4Une étude IRES CGT souligne l’enjeu de la revalorisation de ces secteurs pour l’égalité femmes-hommes

[5À la fin du XIXe siècle, les néomalthusiens appelaient à la « grève des ventres », afin de cesser de recomposer sans cesse le contingent de « chair à patron », « chair à canon », « chair à plaisir », destinées – l’usine, la guerre ou la prostitution – réservées aux enfants des prolétaires.

[6Le tract de l’UCL publié à l’occasion du 25 novembre 2023 aborde la question des la guerre et du patriarcat.

[7Se reporter sur ce sujet aux travaux d’Andrée Michel, aux luttes féministes des années 70 et 80 contre les complexes militaro-industriels. Voir également le livre Des femmes contre des missiles, d’Alice Cook et Gwyn Kirk, éditions Cambourakis, 2016.

 
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