Climat : Quand la mobilisation prend tout le monde par surprise




Quelque 150 000 personnes en France, dans plus de 100 villes. La mobilisation du 8 septembre dernier est la plus grande jamais connue en France sur les questions climatiques. Quelle est l’origine de cette mobilisation ? Quelle forme a-t-elle prise ? Quelles suites possibles pour qu’elle pèse réellement sur les politiques gouvernementales ?

La mobilisation que d’aucuns espéraient lors de la COP21, fin novembre 2015, a donc eu lieu ce 8 septembre 2018. La Marche pour le climat de 2015, organisée par la Coalition Climat 21, avait été interdite suite aux attentats du 13 novembre : à la place il y avait eu des « chaînes humaines » et 317 gardes à vue pour celles et ceux qui avaient osé tourner en rond place de la République et ne pas se disperser à l’annonce d’un ordre que personne n’avait entendu.

L’étincelle

Le 28 août dernier, Nicolas Hulot a démissionné de ses fonctions de ministre de l’Écologie et de la Transition. Prenant tout le monde par surprise, il a dénoncé son impuissance à faire bouger les choses. Ce n’était pas le gouvernement ni les précédents qu’il incriminait, mais d’une part les lobbies des industries productives et énergétiques, et d’autre part le manque de mobilisation de la société. Ainsi, il invitait chacun•e à se remettre en question personnellement, dans le contexte de sidération dont notre société fait preuve face au dérèglement climatique et à la chute de la biodiversité.

Venant après un nouvel été au cours duquel le réchauffement climatique a donné des signes très concrets de sa réalité (canicules, incendies, inondations, fonte de la calotte glacière…), cette annonce a suscité une forte émotion. Quand Maxime Lelong, 27 ans, journaliste sans activité militante particulière, a lancé un événement sur Facebook nommé « Marche pour le climat », l’engouement a été immédiat : en deux jours, 20 000 personnes avaient déjà signalé leur intérêt. L’annonce de sa démission par Nicolas Hulot a ici fait office d’étincelle.

À ce titre, il est intéressant de noter que cela faisait des mois que des ONG travaillaient à faire du 8 septembre la « Journée mondiale d’actions locales pour le climat ». Il s’agissait d’organiser une pression internationale sur le GCAS, sommet pour le Climat qui allait se dérouler la semaine suivante en Californie. Si, vue de France, cette date ne faisait pas particulièrement sens, une trentaine d’actions étaient cependant déjà prévues, et un rassemblement sur la place de l’Hôtel-de-Ville avait été déclaré à la préfecture, annonçant la présence d’environ 500 personnes.

Une Marche « Je suis Charlie » pour le Climat

Mais avec l’étincelle provoquée par la démission de Nicolas Hulot, la mobilisation a changé d’échelle et a surpris tout le monde. Les organisations investies dans la Journée mondiale pour le climat ont cependant rapidement mis leur infrastructure au service du mouvement qui se développait. Ainsi, l’ONG 350.org a proposé de multiples ressources en ligne (modèles d’affiches et de tracts revendiquant la sortie des énergies fossiles, vidéos à diffuser sur les réseaux sociaux pour favoriser la mobilisation, nombreux outils de coordination, etc.) ainsi qu’un accompagnement aux personnes souhaitant organiser une action locale (allocation de budget pour imprimer des tracts et des banderoles, formations collectives pour les organisateurs et organisatrices et les collectifs, etc.). Cependant, jusqu’au matin même du 8 septembre, les services de l’État et les organisations n’imaginaient pas une telle affluence (tandis que les premiers imaginaient 1 000 personnes à Paris, les organisations pariaient sur 5 000 : ce sont finalement 50 000 personnes qui ont été présentes).

Le samedi 8 septembre donc, sont descendues dans la rue des dizaines de milliers de personnes pour qui ce mode d’action est loin d’être une habitude. On y voyait tous les âges, des jeunes aussi bien que des âgé•es. Peu de racisé•es, peu de classes populaires. Une foule assez comparable à celle qui était descendue dans la rue le 11 janvier 2015 pour la marche « Je suis Charlie ».

« Stoppons l’industrie fossile »

Ces deux marches ont plus d’un point commun. Elles adviennent suite à une étincelle, un événement précis qui a marqué les esprits et provoqué un besoin de descendre dans la rue. Elles regroupent autour d’un mot d’ordre générique « Je suis Charlie » / « Marche pour le climat », mais ne défendent pas un projet politique spécifique. Elles sont de l’ordre de l’indignation, de la dénonciation, du ras-le-bol, du « ça suffit ».

Il y avait peu de drapeaux dans les cortèges. Peu de slogans, quasiment pas de revendications, de préconisations. Sur les pancartes individuelles, on pouvait lire « Planète en danger », « Il n’y a pas de planète B », « Moins de plastique, + de bio », et même « Merci Nicolas Hulot d’avoir essayé » ou encore « Je suis de plus en plus chaud•e, et toi ? ». Du côté des ONG, Attac et Alternatiba portaient le mot d’ordre « Changeons le système, pas le climat », tandis que 350.org avait préparé à Paris une immense banderole « Pour la justice, stoppons l’industrie fossile ». Nos collectifs locaux d’AL ont été présents dans plusieurs rassemblements, et des collectifs de luttes étaient présents partout en France (contre Europacity, en soutien à Notre-Dame-des-Landes, contre la centrale de Gardanne, contre le gaz de schiste…). Cependant, la foule était largement constituées de personnes non organisées, qui certes se faisaient la promesse de ne plus attendre que le changement vienne d’en haut, mais dont la bonne résolution semblait trop souvent se résumer à faire désormais « pipi sous la douche ».

La bonne nouvelle, c’est donc qu’une partie non négligeable de la population est fortement préoccupée par le dérèglement climatique, et est prête à changer ses comportements, à commencer par descendre dans la rue un samedi alors que ce n’est pas son habitude.

La question qui nous taraude en revanche, c’est de savoir si cette préoccupation va permettre de faire évoluer la réalité en termes d’organisation effective de la lutte. C’est ainsi que nous pouvons et devons agir dans au moins deux directions. D’une part, nous impliquer activement dans les collectifs locaux de lutte, notamment ceux qui portent une forte radicalité en termes d’ambition de transformation sociale, tout en n’étant pas à l’abri d’une récupération et d’une intégration par le système capitaliste. D’autre part, agir notamment dans nos syndicats pour que la question écologique soit, de façon permanente et non négociable, prise en compte dans nos stratégies et revendications, et qu’on ne puisse plus dire que la défense de l’emploi se fait au détriment des enjeux écologiques. La convergence des luttes sociales et écologiques n’est pas une option : c’est un défi.

Adeline (AL Paris Nord Est)


Les prochaines dates des luttes écologistes

  • 29 et 30 septembre : Week-end de soutien à la ZAD Notre-Dame-des-Landes
  • Samedi 6 octobre : Marche contre les pesticides
  • 6 et 7 octobre : Arrivée du Tour Alternatiba (en cours depuis juin dernier) à Bayonne
  • Lundi 8 octobre : Sortie du nouveau rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies)
  • Samedi 13 octobre, dans 27 villes en France : Marche mensuelle pour le climat
  • Du 25 au 29 octobre : Mouvement Ende Gelände : blocage de la mine de charbon et protection de la forêt de Hambach en Allemagne
  • Du 3 au 14 décembre : COP 24 en Pologne
 
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