Édito : mai-juin 2003, grève générale manquée




Il est des enseignements qu’il faut tirer des grèves de mai-juin 2003.

Le premier se nomme grève générale.

Des millions de travailleuses et travailleurs ont mené bataille contre le plan Fillon. Beaucoup ont débordé en parole les directions confédérales en appelant à la grève générale. Ils/elles n’ont pas été en mesure de les déborder sur le terrain en imposant ce mode d’action.

Il n’est pas écrit qu’un tel appel aurait débouché comme par magie sur ladite grève générale. Mais ledit appel aurait donné confiance à des millions de travailleuses et de travailleurs. Il aurait aidé plus qu’il aurait desservi les grévistes.

La responsabilité des organisations syndicales qui ont combattu cette orientation est là et elle est écrasante. Des centaines de milliers de travailleurs et travailleuses ont scandé la grève générale en manif. Le 13 mai, apogée du mouvement, 2 millions sont descendus dans la rue. 8 à 9 millions de salarié(e)s étaient alors en grève. Un nombre encore plus important (60 à 66 % des sondé(e)s) était opposé au plan Fillon si on en croit les sondages, parfaitement concordants sur ce point.

Ce qui a fait la différence, c’est la détermination du gouvernement qui disposait de grands moyens de propagande et les a pleinement utilisés. Il a dû reculer tactiquement en repoussant à l’automne les projets de loi concernant les universités et la décentralisation et a dû renoncer à décentraliser certains personnels non enseignants. Il a été réellement mis en difficulté lorsque les grévistes de l’éducation nationale envisageaient de continuer la grève pendant les examens.

Malgré la défaite enregistrée sur les retraites, il subsiste un fort potentiel de combativité qui constitue un atout pour les bagarres à venir (Sécu, emploi, services publics...).

Cet acquis a été marqué par l’auto-organisation et la solidarité interprofessionnelle.

C’est parce que les enseignant(e)s, et notamment les plus jeunes d’entre elles et eux, ont réellement pris en main leur lutte qu’ils/elles se sont donné les moyens de lui donner un caractère unitaire, radical et mobilisateur.

Par l’auto-organisation ils et elles ont dessiné en creux le type de syndicalisme qui a fait défaut pour aller jusqu’à la grève générale, mais ont également préfiguré les rapports sociaux de ce que pourrait être une société autogérée et démocratique.

Enfin, et ce n’est pas la plus mauvaise nouvelle, on n’a jamais autant parlé de partage égalitaire des richesses que dans ces manifestations de grévistes. Auto-organisation, grève générale, redistribution des richesses, pour faire triompher ces pratiques et ces idées c’est bien en terme de construction de majorité d’idées qu’il faut aujourd’hui raisonner et avancer.

La responsabilité des révolutionnaires n’est pas aujourd’hui de préparer les échéances électorales de 2004 en offrant un prétendu débouché politique qui laissera sans voix les opprimé(e)s une fois lesdites échéances passées. Ils et elles doivent plutôt contribuer avec toutes celles et ceux que le capitalisme révolte à tirer les bilans de ces grèves et proposer une stratégie qui puisse permettre aux mouvements sociaux de gagner contre la gauche institutionnelle, la droite, l’extrême droite et le patronat.

C’est à ce prix que les grèves de mai-juin 2003 peuvent constituer une répétition générale et non un simple baroud d’honneur.

Alternative libertaire, le 19 juin 2003

 
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