Grande-Bretagne : « Racistes », les grèves sauvages ?




Depuis janvier, de fortes grèves aux slogans à première vue nationalistes secouent le secteur de l’énergie. Mais l’ambiguïté des slogans ne doit pas masquer une vraie lutte contre le dumping social.

Fin janvier, les travailleurs de la construction à la raffinerie pétrolière Lindsey de Total, sur la côte est de l’Angleterre, ont fait grève contre le recrutement de travailleurs étrangers non syndiqués de l’entreprise de sous-traitance italienne IREM. Le slogan, « Des emplois anglais pour des travailleurs anglais » était repris d’une phrase du Premier ministre travailliste Gordon Brown. De l’Ecosse au Pays de Galles, l’action a fait tâche d’huile.

Contre le dumping social

Les médias ont aussitôt taxé les grèves de xénophobie. « On ne s’en prend pas aux travailleurs étrangers, a répondu un membre du syndicat, on s’en prend aux entreprises étrangères responsables de discrimination envers le monde du travail anglais. C’est une lutte pour l’emploi. C’est une lutte pour le droit de travailler dans notre propre pays. Ça n’a rien à voir avec du racisme. »

Depuis le début, la majeure partie de la presse bourgeoise a résumé ces grèves à du racisme pour les discréditer. Même si leur tonalité nationaliste maladroite a limité le soutien de la population, la réalité première de des grèves est pourtant l’opposition à une attaque contre la main d’œuvre syndiquée c’est-à-dire, dans le système anglo-saxon, disposant de certaines garanties sociales.

Pourtant, dans de nombreuses autres usines de Grande-Bretagne, les salariés n’ont pas été dupes, et ont organisé des marches de solidarité, incluant par exemple 600 ouvriers polonais qui ont fait grève avec leurs camarades à Lindsey. Des actions de soutien ont eu lieu sur 22 sites : un niveau de solidarité dont seules les grèves sauvages dans
les services postaux avaient jusqu’ici bénéficié.

Comme on pouvait s’y attendre, les bureaucraties syndicales ont tenté de négocier un accord avec Total dans le dos des salarié-e-s. Mais pendant les négociations, une délégation de grévistes se tenait prête à entrer de force dans la salle de négociation pour s’assurer que la grève ne serait pas bradée.

Malgré les lois anti-grève

Ces grèves font partie des plus radicales de la décennie en Grande-Bretagne. Les lois antisyndicales qui rendent de telles grèves illégales ont été ouvertement défiées, avec un effet réel. Ces lois introduites par Thatcher interdisent de faire grève sans, au préalable, un scrutin favorable de l’intégralité des membres du syndicat, et introduisent de nombreuses procédures bureaucratiques qui pèsent sur le dynamisme des grèves, même légales. En brisant ces règles, ces grèves ont permis de rendre disponibles plus d’une centaine d’emplois. Le British National Party (BNP, extrême-droite), a sauté sur ces grèves pour promouvoir son programme raciste, mais rien ne montre qu’il soit parvenu à percer parmi les grévistes.

Ces grèves sont en fait exemplaires. Se battre pour que les emplois ne soient pas externalisés est un terrain de lutte clef, et l’action militante a une nouvelle fois montré qu’elle était le mode d’action le plus efficace.

Keir Lawson, Liberty & Solidarity
(Grande-Bretagne)

Traduction Vincent (AL Paris-sud)

 
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