Lire : Charlotte Nordmann, « La Fabrique de l’impuissance 2 »




Charlotte Nordmann, ancienne professeure de philosophie, mène dans ce petit ouvrage une critique radicale de l’institution scolaire. Ainsi, l’école, que ses défenseurs aiment à proclamer émancipatrice, a dans la société actuelle une autre fonction patente : la sélection et la hiérarchisation.

Cette fonction est étroitement liée au maintien de l’ordre social : les hiérarchies scolaires, maquillées en valorisation de « dons », épousent à merveille les hiérarchies sociales. C’est ainsi qu’il faut voir un certain nombre de mécanismes que l’on présente comme indispensables, tels que la notation, par exemple. La notation, en effet, a pour but de classer les élèves. En tant que telle, elle n’est satisfaisante pour personne : les mauvais élèves s’en découragent, se préparant ainsi à rejoindre le lieu que leur origine sociale leur prédestinait, tandis que les bons élèves craignent de tomber de leur piédestal et vivent dans la crainte perpétuelle de cette chute synonyme de déclassement social.

L’école, telle qu’elle existe aujourd’hui, n’est pour Charlotte Nordmann pas réformable. C’est une révolution dont elle a besoin, si l’on veut la rendre authentiquement émancipatrice. Dispensant des savoirs morts, anhistoriques, décontextualisés et non problématisés, l’école est incapable de faire naître chez les élèves quoi que ce soit qui ressemble à un intérêt pour la connaissance, à un désir d’apprendre, et repose par conséquent tout entière sur les instruments de contrôle qu’elle met en place pour contraindre les élèves à travailler.

La figure du professeur, plus savant et donc forcément plus intelligent que ses élèves, dépositaire de la puissance coercitive de l’institution, fait régner sur les têtes des élèves une crainte constante de la sanction ou de la mauvaise note, sans laquelle, assure-t-on, « ils ne feraient rien ».

La question de l’éducation doit être centrale dans le projet émancipateur des libertaires, et devrait être le lieu d’une réflexion allant au-delà de la critique de la privatisation rampante de l’institution. Ce livre fournit une base pour une telle réflexion.

Vincent (AL Paris-Sud)

  • Charlotte Nordmann, La Fabrique de l’impuissance 2. L’école entre domination et émancipation, Amsterdam, 2007, 122 pages,
    7,50 euros.
 
☰ Accès rapide
Retour en haut