Défense des retraites

Pour gagner, passer du mouvement d’opinion à la grève de confrontation




[Note de synthèse UCL n°2] Si on la compare aux mouvements sociaux de 1995, 2003, 2010, 2019… la situation est inédite et paradoxale. Nous avons un front syndical uni pour dire « non », un mouvement de masse qui s’ancre dans la durée mais peine à s’organiser, à agir et à se battre. Comment passer à la vitesse supérieure pour ne pas gâcher ce potentiel ?

Le mouvement actuel contre la réforme est inédit par sa popularité et par sa capacité à mettre de façon répétée énormément de monde dans la rue : 19 janvier, 31 janvier, 7 et 11 février, 16 février 2023. Le relatif échec du 16 février était attendu, car l’annonce d’une grosse mobilisation – peut-être en reconductible – le 7 mars sacrifiait de facto cette date, surtout dans les secteurs décidés à rentrer dans la bagarre durablement en mars : « pourquoi griller une cartouche maintenant si on y va à partir du 7 ? »

Des appels à la reconductible… sur fond d’AG maigrichonnes

Nous avons été souvent surprises de notre propre nombre. Malgré les manipulations gouvernementales, la bataille des idées a été gagnée par notre camp social : (presque) personne ne veut de cette réforme. Cette opposition est large, diverse par sa sociologie et son implantation géographique (grandes villes mais plus encore les petites et moyennes). Des personnes isolées et issues de déserts syndicaux se sont mobilisées, parfois pour la première fois.

Le point négatif est que l’auto-organisation à la base est plus que réduite, bien inférieure à plusieurs mouvements sociaux passés pourtant moins massifs. Pour l’heure, les AG de grévistes sont pas ou peu fréquentées, ce qui limite les capacités à organiser la grève... alors que les appels de la CGT et de Solidaires à généraliser la grève, à débattre de la reconductible en AG sont clairs et que la déclaration intersyndicale du 11 février est inédite par les points d’appui qu’elle donne pour « durcir le mouvement en mettant la France à l’arrêt dans tous les secteurs le 7 mars prochain » et continuer le 8 mars.

Ce mouvement se présente comme une masse désorganisée qui ne parvient pas pour l’heure à rentrer réellement en lutte.

Paris, le 19 janvier 2023
Photo : Daniel Maunoury

Le dire partout, tout le temps : on peut gagner on doit gagner

Les éléments cités plus haut le montrent, nous avons un vrai potentiel pour gagner. Il faut en persuader tout le monde. Sauf si la situation débordait et que les mots d’ordre changeaient de nature, l’unité syndicale tient, et il n’y a toujours pas eu de trahison des syndicats acquis à l’idéologie du « dialogue social ». C’est une première en plus de trente ans ! La direction de la CFDT semble vraiment tenue par sa décision de congrès et l’intransigeance gouvernementale ne lui laisse pas de porte de sortie. C’est un vrai atout.

Mais pour gagner, nous devons absolument passer de ce vaste mouvement d’opinion de rue à une lutte et une grève de confrontation avec le pouvoir. Le Medef sifflera la fin de la récré et demandera à Macron de retirer son projet si les grèves et le désordre social perturbent trop l’économie. N’hésitons pas à rappeler aux frileux que le fascisme se nourrit de la régression sociale et que les efforts d’aujourd’hui pour gagner sont indispensables pour lui barrer la route.

Si ce verrou cède et que nous prenons confiance, la force du mouvement sera énorme. Lors d’une grève reconductible, nous pourrons ainsi intensifier les manifs de masse et les actions coup de poing (coupure d’électricité, actions de blocage…). Des pans plus larges de la population pourront ainsi rejoindre la lutte. En particulier les privés d’emplois et la jeunesse qui, faisant face à la répression dans les facs et les lycées, peine à rentrer dans la danse. La suite du mouvement dépendra de la réaction du patronat et de notre auto-organisation.

Tout le monde doit y aller les 7 et 8 mars et…

C’est le message que nous devons faire passer, car les grévistes et les manifestantes des dates précédentes ont « tourné ». Nous devons, le 7 mars, sortir toutes et tous ensemble et entraîner le plus possible nos collègues dans la reconductible, en organisant des AG et en multipliant les initiatives en amont (tournées, diff de tracts etc.). Nous pouvons nous appuyer sur les annonces de différents secteurs prêts à en découdre et faire passer ces infos : appel à la reconductible de Solidaires à partir du 7, même chose pour l’intersyndicale RATP, ainsi que la CGT pour les transports et les éboueurs.

Nous devons mettre ces nouvelles en avant pour nourrir la généralisation de la grève et pas pour tomber dans le piège de la « grève par procuration », ce serait l’échec assuré.

L’intersyndicale appelle les personnels à se mobiliser le 8 mars, journée internationale de luttes pour les droits des femmes. Cela peut donner un point d’appui pour reconduire et nous permettre de massifier la question de la grève féministe.

Paris, le 7 février 2023
Photo : Daniel Maunoury

Les mots d’ordre

Il faut mettre en avant la revendication unifiante du retrait de la réforme (« 64 ans c’est non ! ») davantage que les revendications qui peuvent aller plus loin, et qu’on a raison de diffuser, mais qui ne pourront avoir aucune réalité si on ne gagne pas sur cet objectif simple.

En revanche, pour généraliser la grève, en particulier dans le privé, n’hésitons pas à associer à la défense des retraites des revendications insatisfaites, comme sur les conditions de travail, les salaires grignotés par l’inflation, ou encore la défense de l’assurance chômage.

Au niveau des idées, faisons le lien à chaque fois que c’est pertinent entre les luttes (féminisme, écologie, loi Darmanin etc.), poussons sans dogmatisme et sans être hors sol aux logiques collectives qui rompent avec l’idéologie capitaliste.

L’intervention des communistes libertaires

Leur rôle est double.

D’une part il leur faut être pleinement actifs et actives dans leurs syndicats et autres contre-pouvoirs associatifs pour convaincre leurs collègues, organiser la grève et sa reconduite, être force de propositions, bousculer le ronron syndical là où il existe. Il s’agit de favoriser l’auto-organisation la plus large, et d’agréger au-delà des noyaux militants convaincus. Dans les localités où la grève reconductible ne prend pas, il faudra être créatif et suggérer des actions durables, répétées, de blocage collectif des zones d’activité économique.

D’autre part, il faut être audible en tant que courant communiste libertaire. Car si la grève s’étend et dure, les remises en cause plus globales du modèle de société capitalistes peuvent rapidement émerger et s’approfondir. Il s’agit d’être présente pour convaincre qu’un avenir sans État, sans patronat, sans domination peut se construire dès aujourd’hui !

Commission Travail de l’UCL


Des tracts UCL pour la bataille des retraites

Tract BD inflation-retraites

Paris, le 7 février 2023
Photo : Daniel Maunoury
 
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