Venezuela : La révolution ce n’est pas Chavez




Depuis quelques années Hugo Chavez est devenu, pour beaucoup de sevré-e-s de l’URSS, le nouvel homme fort de la contestation anti-américaine. Quel sens faut il alors donner à sa défaite lors du dernier référendum ? Et à quoi faut-il s’attendre ?

Venezuela
La révolution ce n’est pas Chavez

Avec sa révolution bolivarienne, le président vénézuélien, Hugo Chavez donne à voir au monde entier son alternative au capitalisme et aux États-Unis : une redistribution partielle des richesses aux plus démuni-e-s, qui sont la véritable base du régime, l’adoption d’une nouvelle constitution « bolivarienne », qui veut donner plus de pouvoir au petit peuple, une redistribution des terres, la mise en place d’un système de santé efficace (aidé en grande partie par les Cubains), l’amélioration des infrastructures éducatives, des tentatives pour diversifier l’économie afin de ne pas compter que sur la rente pétrolière : cela remplacerait presque le Cuba des grandes années. Pourtant Chavez a perdu son dernier pari de réforme constitutionnelle. Pourquoi, alors que tout allait si bien dans le meilleur des mondes socialistes ? Retour sur un tournant.

La défaite de Chavez est faible (environ 50,7 % pour le Non à la réforme, soit moins de 120 000 voix de différence entre les deux camps) et ne peut pas être analysée comme une victoire franche de l’opposition. Celle-ci n’a gagné que 200 000 voix par rapport aux dernières élections présidentielles et ce ne sont pas elles qui ont fait la différence dans les urnes.

Pas de révolution sans le peuple

Le refus de la base populaire chaviste, qui le soutenait depuis sa première élection, de valider cette réforme est la véritable clef de cet échec. En effet, 3 millions d’électeurs et d’électrices qui votaient Chavez depuis sa première élection à la tête du pays, ne se sont pas déplacé-e-s, portant l’abstention à un taux record au Venezuela de près de 45 % des inscrit-e-s. À l’inverse de ce que voudraient faire croire les opposants et les opposantes à Chavez, la base sociale du régime ne s’est pas retournée d’un coup, elle ne s’est pas rendue compte que le président était un affreux tyran. Elle a simplement marqué son opposition à une réforme qui s’était faite sans elle. La personnification très marquée du scrutin, pour ou contre Chavez, a sûrement desservi celui-ci, mais absolument pas de la façon dont voudrait le voir l’opposition réactionnaire. En disant que le référendum était un test pour voir la loyauté de la base envers son chef charismatique, les tenant-e-s de la réforme se sont mis à dos une partie du Parti socialiste uni du Venezuela, notamment son aile gauche, qui s’est largement abstenue.

Ainsi la grande responsabilité de la défaite est à mettre sur le compte de la personnification excessive du régime : la révolution au Venezuela ce n’est pas Chavez, c’est le peuple, c’est la base et vouloir faire de nouvelles réformes « révolutionnaires » sans cette base, c’est se la mettre à dos. Comme l’écrivait récemment le sociologue Javier Biardeau, « il faut enterrer l’imaginaire jacobin des révolutions dirigées depuis le sommet, par des avant-gardes ou des autocrates éclairés. Il est temps que la direction de la révolution se livre à une profonde réflexion » [1].

Le calme avant la tempête

Toute la question est maintenant de savoir ce qu’il va se passer au Venezuela. Il ne fait pas de doute que l’opposition de droite, soutenue par les États-Unis va tout faire pour renverser Chavez, par la force peut être. Il n’y a guère de doutes non plus sur le fait que les chavistes tenteront de faire repasser cette réforme sous une autre forme (une pétition signée par 15 % du corps électoral peut entraîner un réexamen de cette réforme). Aujourd’hui, près de deux mois après la défaite de Chavez, les choses sont étonnamment calmes, pas de vaste mouvement de contestation du président, pas de luttes sociales d’envergure menées par l’aile gauche du parti chaviste et la gauche de la rue. Gageons que ce n’est que le calme avant la tempête.

Valentin Frémonti (AL Aix)

 
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