Allemagne : grève des fonctionnaires et crise du syndicalisme social-démocrate




Six semaines de grèves dans les services publics, des élections professionnelles dans tout le pays, des grèves dans les hôpitaux, des élections régionales favorables à la droite, mais aussi de la sympathie pour le mouvement social en France, car en Allemagne aussi, le patronat sort des propositions pour faciliter le licenciement.

L’Allemagne au mois de mars 2006. La grève dans les services publics contre l’augmentation du temps de travail continue toujours, mais il y a un problème pour dynamiser et élargir cette lutte. D’une part, le syndicat Ver.di n’arrive pas à traverser les frontières régionales, donc, il y a peu ou presque pas de solidarités entre le Bade Würtemberg, bastion de la grève des services publics, et les autres régions. C’est une grève qui a beaucoup moins d’écho que le mouvement en France. Car, sur le mouvement anti-CPE, tous les médias en parlent, alors que de la grève du service public, il est peu question. Dans le meilleur des cas, on montre les sacs poubelles dans la rue, c’est tout.

Mais le vrai grand problème de cette grève, c’est qu’il n’y aucune force offensive permettant de lui insuffler une dynamique et de socialiser la lutte. C’est-à-dire qu’il faudrait mettre en avant le fait de lutter pour une vraie réduction du temps de travail comme un symbole de solidarité entre les chômeur(se)s et les salarié(e)s. Mais il y a aussi d’autres points qui jouent un rôle dans cette solidarité manquante.

L’image ambiguë du service public

Le service public en Allemagne est souvent regardé comme un bastion des fonctionnaires. Et souvent, ces gens dans la vie quotidienne sont vécus comme des employé(e)s arrogant(e)s. Prenons l’exemple de l’Agence pour l’emploi - un organisme d’État avec presque 90 000 employé(e)s. Il est là pour s’occuper des chômeur(se)s et de plus en plus pour fliquer ces dernier(e)s. Lors des actions des chômeur(se)s devant les immeubles de l’agence, il y a peu de solidarité visible et surtout pas une attitude offensive de la part des employé(e)s pour critiquer ce rôle de police sociale. Ils/elles se contentent de dire : « C’est la politique qui est responsable, pas nous. Nous, on est des exécutant(e)s ».

C’est cela, l’esprit de beaucoup d’employé(e)s dans un tel service. Il y a des voix contraires qui se solidarisent, mais montrer ouvertement sa solidarité avec le mouvement des chomeurs comporte de grands risques. C’est pareil également avec tous les services publics pour l’immigration et pour la police. On a des problèmes ici à avoir une attitude totalement positive envers le service public en général, alors que ses fonctionnaires bafouent les droits humains. Par ailleurs, les cheminot(e)s ne sont pas encore présent(e)s comme en France dans l’imaginaire allemand tel(le)s des travailleur(se)s du service public.

De nouvelles dynamiques syndicales

C’est totalement différent lorsque le personnel hospitalier fait grève afin de montrer au public la mauvaise situation des soins et les conséquences pour les malades. « Après trente heures de service, le malade devient l’ennemi » est un des mots d’ordre phare contre le temps - très long - de travail à l’hôpital. Là, il y a une véritble popularité de ces mouvements et je pense aussi que ces derniers sont les plus massifs parce qu’ils posent la question de l’utilité sociale du travail, de même que les médecins formulent une critique très claire de la libéralisation de la médecine. Et c’est surtout cette critique ouverte qui fait la dynamique du mouvement et le lien social avec la population. Il est intéressant de voir que l’appareil du syndicat IG Metall a peur d’inviter des médecins grévistes dans les assemblées des travailleur(se)s des usines de la métallurgie.

Et c’est cela la ligne d’intervention de la gauche sociale. Il s’agit de créer des liens de solidarité entre les grévistes du service public et les travailleurs-ses du privé. Mais c’est exactement cette orientation que les bureaucraties syndicales n’aiment pas tellement, à l’image de notre mot d’ordre : Résister, c’est créer des liens de solidarités entre nous tou(te)s.

Der Spiegel, hebdomadaire allemand et Le Parlement, bulletin du Bundestag (le parlement fédéral) ont caractérisé la situation dans les entreprises d’une certaine manière avant les élections professionnelles : les grandes organisations syndicales ne sont pas très populaires, mais agir syndicalement est devenu très in (très attractif).

Et après, ils donnent dans leurs articles des exemples des initiatives des travailleur(se)s qui se sont constitué(e)s en tant que réseau pour débattre et agir syndicalement. Pour en savoir plus, il y a deux réseaux qui rassemblent toutes ses activités en créant des idées pour ceux qui veulent faire la même chose dans leur entreprise : www.labournet.de et www.netzwerkit.de.

Progrès de l’opposition syndicale

Partout, ou l’opposition syndicale s’est présentée aux élections professionnelles, il y a eu succès (souvent petit mais parfois grand). Ainsi il y a vraiment eu une surprise éclatante chez Mercedes à Kassel. La majorité des voix a été obtenue par un copain italien - le Sicilien - comme disent les Allemand(e)s - un travailleur connu pour sa radicalité dans les luttes et sa liaison etroite avec le mouvement social en Italie. C’est certainement, la première fois que cela s’est passé dans une grande entreprise en Allemagne.

Les médias racontent beaucoup de choses sur les événements en France. Au travail, dans le bistro, voilà comment on parle : « C’est ça, il faut faire comme les Français ».

Willi Hajek, Berlin, le 27-03-06

 
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