Cinéma : Loin du clap de fin !




Une convention collective protégeant enfin les techniciens du cinéma de la norme du moins-disant salarial ? Oui, disent les syndicats majoritaires. Non, leur répondent les réalisateurs et petits producteurs qui voient dans la convention un durcissement de la concurrence et une menace pour la création… Décryptage.

Si plusieurs textes légifèrent sur les accords salariaux avec les techniciens du cinéma (le « minimum syndical  »), ils ne sauraient pallier le défaut injustifié d’une véritable convention collective (alors que 97 % des salarié-e-s français sont couverts). Cet abandon au dogme libéral du laissez-faire prescrit le gré à gré comme principe déterminant le caractère inégal des compromis salariaux. Si les techniciens et techniciennes des grosses productions font respecter le minimum syndical, les petites productions sont contraintes pour boucler leur budget de pratiquer des tarifs souvent en-deçà de ce minimum (de - 20 % à - 50 %). Signé en janvier 2012 par la quasi-majorité des syndicats de techniciens (CGT, FO, CFTC, CGC et le SNTPCT [1]) et du côté patronal par l’Api (l’Association des producteurs indépendants), le texte de la convention collective établit surtout un nouveau salaire minimum garanti. Une annexe dérogatoire prévoit que les films sous-financés ayant coûté moins de 2,5 millions d’euros échappent au dispositif (dans la limite de 20 % des films produits sur une période de cinq ans).

Minimum syndical

Si la profession s’accorde à reconnaître un défaut de régulation, l’habitude de la compression des coûts ajustée sur la rémunération des techniciens est défendue comme une obligation économique par les producteurs de films à petit budget. Sauf que l’absence d’une convention collective conduira les technicien à être considérés à terme comme des auto-entrepreneurs free-lance [2]. La régulation conventionnelle et la stabilité salariale obtenues au nom de la protection des plus faibles produiraient-elles un effet pervers, bénéficiant à l’Api, qui représente les plus grosses sociétés (UGC, Gaumont, Pathé, MK2) dont les intérêts capitalistes les portent à faire davantage d’exploitation et de distribution que de production ?

La convention est piégée par les contradictions de l’industrie. Tel est le message lancé le 28 mars dernier par les signataires de la pétition (parmi lesquels des réalisateurs de gauche comme Laurent Cantet et Robert Guédiguian). Cette pétition appelle à suspendre l’application d’une convention qui, signée par un seul syndicat patronal représentant 5 % de la profession, ne témoignerait en rien de la fragilité de leur situation. L’argument du salaire minimum garanti destructeur d’emplois demeure pourtant un incontournable du néolibéralisme. La politique du moins-disant salarial opposant petits producteurs et techniciens n’est donc pas la bonne solution. Le problème consiste surtout dans une économie globalement dysfonctionnelle, de la baisse de financement des télévisions gratuites à la mauvaise ventilation des 750 millions d’aides publiques (Centre national du cinéma et régions) généralement captées par les grosses productions commercialement formatées. La nomination d’un médiateur chargé de mener une étude sur l’impact du dispositif et la prévision pour janvier 2013 de la baisse de la TVA sur les billets de cinéma (passant théoriquement de 7 à 5 %) représentent des éléments susceptibles de recadrer le débat vers la refondation plus égalitaire du système de financement [3].

Franz B. (AL Seine-Saint-Denis)

[1Le Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinéma et télévision, qui constitue la première organisation syndicale de la branche, devant la CGT.

[2Comme l’affirme Denis Gravouil, secrétaire général du Syndicat des professionnels des industries de l’audiovisuel et du cinéma (SPIAC-CGT) dans BIMI, avril 2013, n° 813, p. 7.

[3Pour une analyse plus détaillée, voir le site d’AL 93 : http://www.libertaires93.org/

 
☰ Accès rapide
Retour en haut