Écriture inclusive : Avoir bon genre à l’écrit




Féminiser sans jargonner, c’est possible. Depuis vingt-cinq ans, le mensuel Alternative libertaire expérimente et fait évoluer ses pratiques.

La publication en septembre, par Hatier, d’un manuel scolaire féminisé, a fait surgir un débat public sur l’écriture inclusive. Souvent pour la dénigrer (Le Point, Valeurs actuelles, Le Figaro…), parfois pour l’interroger (Libération, L’Obs, Le Monde, Le Parisien…). L’équipe du mensuel Alternative libertaire, qui pratique assidûment la chose, a son opinion sur la question.

Si la féminisation des textes ne peut constituer l’alpha et l’oméga d’une politique antisexiste, elle nous intéresse en ce qu’elle rééquilibre une langue française qui, traditionnellement, donne la primauté au masculin.

Depuis des décennies, plusieurs méthodes de féminisation coexistent. La plus connue consiste à additionner à chaque mot, des « e », des « ice » et des « euse » entre traits d’union, entre parenthèses, ou entre points, voire entre points médians. C’est le choix opéré par Hatier, qui écrit par exemple   : «  Grâce aux agriculteur.rice.s, aux artisan.e.s et aux commerçant.e.s, la Gaule était un pays riche. »

Le mensuel Alternative libertaire féminisait de la sorte dans les années 1990-2000, avant d’adopter la féminisation par périphrase et/ou répétition, une méthode inspirée par l’Office québécois de la langue française, pionnier en la matière.

Pourquoi cette évolution  ? En raison d’un double constat. Primo, la méthode de l’addition ne concerne que la culture de l’écrit ; elle est donc passablement élitiste, et même un poil hypocrite puisque non reproductible à l’oral. Secundo, elle peut être perçue comme un métalangage militant, donc excluant pour un lectorat non initié.

Le mensuel Alternative libertaire, qui aspire à une écriture à la fois inclusive et attrayante, a donc échafaudé sa propre méthode, hybride  : emploi de la périphrase et/ou répétition  ; ajout d’un e précédé d’un unique point lorsque la différence masculin-féminin n’est pas audible  ; possibilité d’accord de l’adjectif avec le mot le plus proche.

« Féminiser sans jargonner, c’est possible. »

Jongler avec les possibilités pour éviter les ambiguïtés

Ainsi on n’écrira pas «  Les travailleur-euse-s turc-que-s, grec-que-s et arménien-ne-s sont décidé-e-s à faire front  » mais, par exemple, «  Les travailleurs et les travailleuses turques, grecques et arméniennes sont décidées à faire front » (répétition et accord de l’adjectif avec le mot le plus proche). On n’écrira pas non plus «  Rendu-e-s inactif-ive-s par la médiation des représentant-e-s gouvernementaux-ales, les ouvrier-e-s, et les employé-e-s tournaient en rond  », mais plutôt «  Condamnés à l’inaction par la médiation gouvernementale, les ouvriers, les ouvrières et les employé.es tournaient en rond  » (périphrase, répétition et ajout de point).

Pour conclure  : la logique qui nous guide est non pas d’appliquer aveuglément une règle intangible, mais de jongler avec les possibilités pour éviter les ambiguïtés, les lourdeurs ou le galimatias. On n’est pas des robot.es  !

Commission journal d’AL

 
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