Explosion des inégalités : Au nirvana des revenus du capital




À en croire une rumeur véhiculée par les dominants, la lutte des classes est dépassée et constitue un obstacle au maintien de la croissance qui, nous dit-on, profite à tous et toutes. Une étude de 2007 sur l’évolution des inégalités de revenus en France montre qu’il n’en est rien.

En juin 2007, Camille Landais, de l’École d’économie de Paris, publiait une étude, Les hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ? Disons-le tout de suite au vu de son contenu : le point d’interrogation final est superflu.

Selon l’étude, l’évolution de la répartition des revenus s’est faite, sur la période 1998-2005, en faveur des hauts revenus, et plus encore des très hauts revenus. Au sein des 5 % des foyers les plus riches, les revenus déclarés ont augmenté de 11 % depuis 1998 ; au sein des 1 % les plus riches, ils ont augmenté de 19 % ; au sein des 0,1 % les plus riches, de 32 % et au sein des 0,01 % les plus riches, de près de 43 % !

Tout pour le dieu-actionnaire

Si les super-riches ont pu s’enrichir encore plus ces dernières années, c’est d’abord parce qu’une part plus importante de leurs revenus est constituée de revenus du capital : plus-values, dividendes et revenus fonciers (donc des loyers...). Dans le même temps, les bas et moyens salaires, ainsi que les pensions, stagnent. Cet accroissement des revenus du capital ne peut se faire qu’au détriment des revenus du travail : la création de richesse a augmenté sur la période étudiée, mais elle a pour l’essentiel été accaparée par les capitalistes !

Une explication de ces évolutions, selon l’auteur de l’étude, « réside dans le fort développement des marchés financiers, et l’internationalisation des marchés de capitaux, qui induit sans doute une concurrence accrue parmi les entreprises pour l’attraction des capitaux ». En effet, le développement des marchés financiers à partir des années 1980 a facilité la circulation des capitaux et des investissements. Pour fidéliser leurs actionnaires et éviter d’être déstabilisées, les entreprises doivent donc leur promettre les dividendes les plus élevés possible, au détriment des salariés par nature, parfois même au détriment de toute logique industrielle. Les gros investisseurs que sont les banques se sont ainsi trouvés en position de force pour exiger une rentabilité démentielle : 15 % de retour sur investissement ou plus…

Exploitation renforcée

Une telle évolution a occasionné un regain de l’exploitation : compression de la masse salariale par la pression à la baisse des salaires, les licenciements, les délocalisations et les externalisations ; flexibilisation par le recours aux contrats précaires, intensification des cadences, détérioration des conditions de travail. Le résultat de tout cela est présenté dans cette étude : une forte baisse de la part salariale dans le partage de la valeur ajoutée et une augmentation des inégalités, au bénéfice des actionnaires ou de leurs employés (banquiers, traders, cadres dirigeants). En effet, outre les revenus du capital en forte hausse, les très hauts salaires ont aussi tiré leur épingle du jeu : ainsi, les 0,01 % de salarié-e-s les mieux payé-e-s ont vu leur salaire augmenter en moyenne de 51 % (sur 8 ans) !

Vincent Nakash (AL Paris-Sud)

 
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