Licenciements chez Besins : la lutte doit payer




L’intersyndicale des laboratoires Besins International à Montrouge (92) a lancé le mercredi 30 novembre 2005 un mouvement de grève illimitée pour protester contre un plan de restructuration, prévoyant la suppression de 28 postes et ce, malgré la très bonne santé économique et financière de l’entreprise.

L’industrie pharmaceutique est subventionnée par l’Etat via la Sécurité sociale : que les médicaments soient bons ou mauvais, ils sont de toutes façons remboursés, et les prix des médicaments sont garantis par l’Etat. Besins est l’un des derniers laboratoires familiaux de l’industrie pharmaceutique, (300 salarié(e)s en Belgique et en France). Un chiffre d’affaires de 101 millions d’euros en 2004. 23,4 millions d’euros de dividendes distribués à l’actionnaire unique, soit plus du double des frais de personnel. Trop de profits ? Voilà le drame. Il faut donc licencier.

Le licenciement de 28 ouvrier(e)s et technicien(ne)s, soit la moitié des effectifs de la production, n’a que deux causes : le dumping fiscal et la pression pour faire baisser les salaires sur place (150 salarié(e)s à Montrouge et 15 à Cachan). La production destinée à plus de 100 pays sera transférée vers la Belgique, ce paradis fiscal inattendu, qui ne connaît ni l’impôt de solidarité sur la fortune, ni les droits de succession sur les entreprises. La direction veut licencier en priorité toutes les ouvrières et ouvriers qui avaient eu une promotion ; ces promotions ne concernaient pas personnellement la majorité des ouvriers, mais les quelques promus par la formation professionnelle faisaient honneur à tous ; la direction tend aux ouvriers le miroir dans lequel ils se voient tels qu’ils sont : la classe maudite, sans autre issue que la révolte.

Depuis l’origine, la direction instrumentalise les délinquants contre les syndicalistes authentiques. Elle compose aussi avec les provocateurs racistes. Pendant des années, elle a recruté sur un critère d’appartenance à une religion déterminée ; aujourd’hui, la direction qualifie cette religion de secte. Pour les salarié(e)s, la secte, c’est celle de prétendus dirigeants lunatiques qui mettent en scène leurs changements de cap pour se donner les apparences du pouvoir. Après 20 ans de lutte intransigeante des syndicalistes pour la suppression des différences de statuts entre les catégories de personnel, et contre les discriminations de toutes sortes, le corps à corps entre délégué et patron a atteint ses limites : le « tout-délégué » a conduit à l’autoritarisme, aux calculs personnels, à l’esprit de boutique, et finalement à la paralysie.

Il a fallu tout réinventer

La première grève - très spontanée - depuis 150 ans d’existence de l’entreprise, a duré 7 jours en 2002, pour les salaires. De cette grève est née la première vraie section syndicale ayant une vie démocratique, la CFDT Besins. Au cours de la grève actuelle, qui a commencé le 30 novembre dernier, les grévistes ont dû dégager des revendications communes aux salarié(e)s nouveaux et aux anciens, aux salarié(e)s qui veulent rester et à ceux et celles qui envisageaient de partir si les indemnités de licenciement étaient suffisantes. Les grévistes ont essayé d’atténuer le défaut de la convention collective, qui prévoit une échelle des indemnités de licenciement très inégalitaire : de 0 à 20 mois d’indemnités, en fonction de l’ancienneté et aussi de l’âge. Au départ, la direction proposait de 2 à 7 mois d’indemnités supplémentaires à celles de la convention collective, et aussi de 1 à 3 mois en plus pour les départs volontaires. Ce système aggravait le fossé entre nouveaux(elles) et ancien(ne)s. Les grévistes ont donc demandé 40 mois supplémentaires pour tous.

Aujourd’hui, la direction propose de 12 à 16 mois, plus 3 mois pour les volontaires. Une deuxième revendication, non satisfaite, c’est l’égalité de traitement entre volontaires, contre le piston ou les règlements de compte. Une troisième revendication, non satisfaite, c’est le maintien du salaire en cas de reclassement interne à un poste ne nécessitant qu’un niveau de qualification inférieur, ou bien, en cas de reclassement interne à un poste supérieur, l’attribution du salaire moyen effectif, au lieu du salaire minimum de la convention collective comme le voudrait la direction.

Les grévistes s’organisent

La section syndicale SUD Chimie a été fondée un jour avant la grève actuelle. Le délégué syndical SUD a été élu le premier jour de la grève par tous les grévistes, non syndiqué(e)s et syndiqué(e)s de toutes étiquettes (SUD, CFDT, FO, CFTC,...). Les décisions en rapport avec la grève sont votées par les grévistes. Un transfert de fonds de la caisse de SUD Besins à la caisse de grève a été voté par deux collèges successifs : le premier collège est composé de tous les grévistes, (syndiqués SUD ou non), qui votent pour donner un avis ; le second collège est composé de tous les syndiqués SUD, (grévistes ou non), qui votent pour la décision. Les grévistes ont élu trois porte-paroles, (les délégués SUD et CFDT, et un autre des fondateurs de SUD). La direction a fait immédiatement annuler la désignation du délégué syndical SUD au tribunal d’instance et a fait convoquer les trois fondateurs(trices) de SUD par le commissariat de police. Les grévistes bénéficient d’un important soutien moral et financier, de Solidaires-92, de SUD Chimie, et aussi d’ATTAC Montrouge. Mauvaise nouvelle pour la direction : les adhérent(e)s à la CNT de l’entreprise ont décidé récemment de se manifester.

La direction prévoit a prévu d’étaler l’envoi des lettres de licenciement de fin février à fin juin, en tout cas après le départ progressif des machines. Les grévistes doivent rester mobilisés. L’inspection du travail veille. Les grévistes ont demandé à rencontrer de nouveau la direction belge et cherchent des relais dans les medias, peu réceptifs pour le moment, ainsi que des contacts avec les salarié(e)s de Belgique.

Des grévistes de Besins


Pour un complément d’information, voir :
 Un article intéressant sur www.montbouge.net (avec un B)
 Le site Internet des grévistes : grevesbesins.site.voila.fr
 Ça m’intéresse, n°299, janvier 2006, pages 28 à 31 : « A qui profite le trou de la Sécurité sociale ? »

 
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