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Palestine : Aujourd’hui plus que jamais, renforcer et élargir BDS




La campagne Boycott, désinvestissement et sanctions contre l’apartheid israélien est un exemple qui pose la question des responsabilités et complicités européennes vis-à-vis de l’occupation et de la colonisation de la Palestine. Ce mouvement est percuté par les problématiques françaises, il est urgent de le renforcer.

La campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) s’inspire de la campagne de boycott de l’Afrique du Sud de l’apartheid, État ségrégationniste alors appuyé par l’Occident. Ce mouvement a réussi à en faire un État paria et a ainsi contribuer à faire tomber le régime.

En Palestine ce régime a un nom  : le sionisme. Le nommer et le définir est un enjeu politique, contre les fantasmes complotistes antisémites d’un côté et contre ses partisans de l’autre, y compris de gauche qui y voient un mouvement d’affirmation nationale comme les autres.

Idée d’abord issue du protestantisme anglais appelée le « restaurationnisme » [1] sa généalogie s’est élaborée au sein de l’Europe du XIXe siècle imprégnée d’idées nationalitaires et coloniales.

Bien avant Theodor Herzl et l’affaire Dreyfus, des personnalités l’ont théorisée, comme Moses Hess dans Rome et Jérusalem en 1862 qui disait déjà qu’un État juif en Palestine serait une avant-garde de la civilisation chez les barbares. Le sionisme n’est pas une réponse à l’antisémitisme, c’est un mouvement d’essence coloniale et raciste dans ses présupposés de départ, qui se poursuit encore aujourd’hui en un suprémacisme jusqu’au-boutiste.

S’opposer à notre propre impérialisme

Le sionisme a toujours été un colonialisme de peuplement, aujourd’hui alimenté par les pays occidentaux, d’où proviennent certains colons et soldats  : de nombreux français font leur alya et leur service militaire dans Tsahal sans être inquiété. Des organisations comme le KKL (Fonds national juif, responsable du vol des terres et de leur redistribution à des Juives et Juifs exclusivement) sont ciblées par la campagne BDS notamment du fait de l’impunité dont elles bénéficient en France, exonérées d’impôts par un greenwashing honteux (faire pousser des arbres sur… les villages palestiniens détruits).

Le KKL est membre du Crif tout comme l’Agence juive, structure historique d’immigration vers la Palestine, ne faisant du Crif qu’une officine coloniale en rien représentative des Juives et Juifs de France. Les États-Unis ne sont pas le seul soutien déterminant d’Israël, l’Union européenne est le premier partenaire commercial d’Israël avec qui il a passé depuis 2004 des accords de libre-échange.

Des accords d’associations, suspendus en 2013, ont été réactivés le 17 juillet dernier, votés à l’unanimité par les 27 dans le contexte de la guerre en Ukraine. État surarmé dans une région géostratégique et énergétique essentielle, Israël menace régulièrement les populations de la région comme au Liban qui fut conjointement victime de l’État sioniste et de l’impérialisme français à plusieurs reprises.

L’impunité d’Israël est donc géostratégique, et le peuple palestinien le paye durement... Le rappel de ces responsabilités directes fait de l’apartheid en Palestine non pas une question de solidarité parmi d’autres mais aussi de lutte contre notre propre impérialisme.

Couper les cordons ombilicaux de la colonisation

Bien consciente de cet état de fait et du peu à attendre des gouvernements arabes voisins, la société civile palestinienne a décidé de lancer la campagne BDS en 2004. Depuis presque vingt ans elle exige la fin de la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem, de l’occupation et du blocus de Gaza, réclame l’égalité des droits pour les Palestiniens de 1948 (arabes israéliens) et le droit au retour des réfugiées.

Elle compte sur la solidarité internationale pour s’attaquer aux cordons ombilicaux économiques et culturels de la colonisation avec l’Occident. En France, la campagne BDS a ces derniers mois effectué plusieurs actions notamment dans le cadre du boycott sportif  : campagne contre la marque Puma, principal équipementier et sponsor de l’équipe nationale de football israélienne  ; perturbation cette année encore du Tour de France durant tout le parcours ainsi que du match de Ligue des champions du Paris Saint-Germain-Maccabi Haïfa au cours duquel une banderole de soutien à Gaza a été déployée au Parc des Princes.

La campagne BDS offre un moyen d’engagement internationaliste concret, pointant les collaborations capitalistes, dévoilant les ramifications coloniales de certains partenariats avec l’apartheid sioniste. Elle répond politiquement à l’argument raciste de l’« importation du conflit » dans l’hexagone  : si la France importe quelque chose, ce sont des produits des colonies ainsi que des techniques et matériels de répression.

Lancée en 2004 par la société civile palestinienne, la campagne BDS se doit d’être large et rassembler autant des organisations révolutionnaires que des organisations plus modérées. D’autres doivent pouvoir radicaliser politiquement la solidarité et articuler des convergences, mais en parallèle.
ALISDARE HICKSON

Ce dernier point n’est pas anodin  : pointer ces collaborations percute des questions franco-françaises, notamment la question du racisme, des discriminations et des violences policières, et d’autant plus que la solidarité avec la Palestine a fait les frais de campagnes idéologiques haineuses et de répression de ses militant durant les années 2010.

Cela a pu amener la campagne BDS à se diviser entre les tenants d’une ligne fidèle au Bureau national de coordination de la campagne (BNC) représentative des membres signataires de la société civile palestinienne et des groupes et militantes voulant affirmer une plus grande radicalité et une convergence avec d’autres luttes.

Le problème étant que la campagne BDS, campagne internationale pacifiste, se doit d’être large et rassembler autant des organisations révolutionnaires que des organisations plus modérées. Elle n’est pas une organisation mais une campagne, un outil pour frapper ensemble des cibles déterminées par les Palestiniens et n’a pas d’autre vocation.

Mais le fait que des groupes et des militantes veuillent étendre le domaine de la lutte au-delà démontre que la question de la Palestine et de sa solidarité s’inscrit dans un contexte français qui n’est pas neutre. Autrefois des organisations comme Génération Palestine pouvaient être le cadre d’un discours plus politique.

Aujourd’hui le collectif Palestine vaincra (qui a fait l’objet d’une tentative de dissolution par Darmanin), ou le réseau Samidoun [2] décident eux d’affirmer leur soutien à la résistance palestinienne, ce qui a causé des tensions avec le BNC.

La campagne BDS doit rester une lutte au service des Palestiniens, où se retrouver pour agir ensemble sur des objectifs précis et ciblés afin d’être efficace, en rassemblant largement. D’autres doivent pouvoir radicaliser politiquement la solidarité et articuler des convergences, mais en parallèle. Les divergences et frictions ne doivent pas entacher le dynamisme de la campagne.

La question palestinienne au cœur des luttes en France

Depuis cet été, la bande de Gaza est la cible d’attaques répétées tandis que Netanyahou est de retour après les élections législatives du 1er novembre dernier, mais la solidarité remporte des victoires  : aux États-Unis la population juive américaines commence à se détourner d’Israël, il faut pouvoir atteindre le même objectif en France. La solidarité ne doit pas baisser, il s’agit de renforcer la mobilisation et l’engagement des organisations signataires au sein de la campagne.

Nicolas Pasadena (UCL Montreuil)


EN ISRAËL, L’EXTRÊME DROITE EN POSITION DE FORCE

Les élections législatives anticipées du 1er novembre, les cinquièmes en un peu moins de trois ans, ont été marquées par le succès du cartel suprémaciste juif dirigé par Itamar Ben-Gvir, du parti Sionisme religieux et Bezalel Smotrich du parti Pouvoir juif, tous deux résidants dans des colonies, qui, avec 14 députés sur 120 à la Knesset (un record pour l’extrême droite) vont permettre à Benyamin Netanyahou (Likoud, 32 députés) de retrouver le poste de Premier ministre qu’il avait perdu en 2021.

Les tractations au sein de la coalition droite-extrême droite pour la formation du nouveau gouvernement sont en cours et le cartel suprémaciste réclame les ministères de la Défense et des Transports, au cœur de la politique d’occupation et de colonisation de la Palestine, que le Likoud n’est pas disposé à cesser.

Une telle coalition est en effet à haut-risque pour Netanyahou, vis-à-vis de l’allié étatsunien en premier lieu mais aussi des États signataires des accords d’Abraham (Émirats arabes unis et Bahreïn) qui entendent ouvrir la voie à une normalisation des relations des pays arabes avec Israël et la liquidation du soutien à la cause palestinienne sous l’égide de Washington.

Le Likoud pourrait à moyen terme lui préférer un gouvernement d’union nationale avec le centre droit du ministre de la Défense sortant  : Benny Gantz. Le succès de formations ouvertement racistes, historiquement favorables à l’expulsion des arabes hors d’Israël, successeures de la mouvance qui a appelée au meurtre du Premier ministre Yitzhak Rabin, artisan des accords de « paix » d’Oslo en 1993, assassiné en 1995 par un extrémiste religieux, illustre les fractures et les contradictions au sein de la population juive en Israël.
Après les résultats des législatives face à cette radicalisation à droite, le chroniqueur Zvi Barel écrivait dans le quotidien de gauche israélien Ha’aretz : « il n’est plus question de deux États pour deux peuples mais d’un État unique pour deux nations juives ». Le sort de la Palestine dépend avant tout de l’action de son propre peuple
mais de telles divisions au sein même d’Israël consacrent aussi l’échec du sionisme en tant
que projet de cohésion nationale.

[1Courant religieux chrétien voulant restaurer l’ancien royaume juif pour le jour du Jugement dernier, une stratégie toujours portée par la droite évangélique américaine.

[2Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens.

 
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