Antifascisme

Paniques morales : La réaction à la reconquête de l’école




Au cœur de la stratégie d’implantation locale qu’a adoptée le parti de Zemmour après ses échecs électoraux : combat contre « l’idéologie islamo-wokiste à l’école », et agitation des paniques morales made in USA. Former, dans chaque académie scolaire, des groupes de parents pour « surveiller » et « dénoncer » ce qu’ils trouvent de scandaleux à l’Éducation nationale. C’était la grande annonce de la rentrée de Reconquête. En actes donc  : la campagne « Protégeons nos enfants ».

Cette campagne, c’est d’abord un site internet, qui n’affiche pas de prime abord son lien avec le parti zemmourien. Il propose aux parents « anxieux », qui auraient le sentiment de « mener à l’abattoir » leurs enfants en les envoyant à l’école, « d’agir » en s’engageant comme « Parent Vigilant » ou en signant une pétition. Cette dernière s’ouvre sur une dénonciation de la dangereuse « idéologie déconstructiviste » de la « soupe LGBT » servie par des enseignants « militants d’extrême gauche wokes », qui réécrivent l’Histoire à la sauce gauchiste, dégenrent les toilettes et « ouvrent les écoles à des militants LGBT forcenés » qui « poussent les élèves » à « se torturer le cerveau » et demander « des injections d’hormones ».

Cette diatribe s’inscrit parfaitement dans la rhétorique déployée avec force actuellement, jusque dans ses fondements complotistes. C’est en effet l’idée qu’il faudrait « protéger les enfants » (d’une épidémie de transidentité alimentée par des lobbys puissants) qui sert de vitrine respectable et d’argument principal au mouvement transphobe. Elle est suivie d’une alerte de « l’islamisation des écoles », qui ose l’argument fémonationaliste des « petits garçons refusant de s’asseoir à côté des filles », juste après avoir dénoncé les « cours de récréation dégénérés ». La tribune illustre ainsi parfaitement la convergence idéologique du « complot trans » et du Grand Remplacement à travers la condamnation d’une « Éducation nationale consacrée au Grand Endoctrinement ».

Au-delà d’Internet, cette campagne a des répercussions concrètes, puisqu’elle a déjà donné lieu à des réunions publiques, comme à Haguenau, et des tractages dans plusieurs villes. Le tract transphobe connaît un succès tout particulier chez les « Parents Vigilants », et Isabelle Surply, conseillère régionale Reconquête de la Loire, s’est ainsi vantée, fin octobre, d’avoir fait retirer une subvention de 20 000 euros à une association LGBT intervenant dans les lycées, grâce notamment à une opération d’agitation réactionnaire sur les réseaux sociaux. Cette rhétorique est, en tout cas, largement déployée par les membres du parti, comme on a pu le voir à l’occasion des récents communiqués de presse annonçant la constitution des bureaux et fédération régionales à travers la France.

Stratégie des doubles pouvoirs

Tout cela n’est pas sans évoquer fortement le modèle américain. Après la défaite de Trump en 2020, l’extrême droite américaine s’est en effet engagée dans une stratégie revendiquée et théorisée de « doubles pouvoirs ». Elle pousse à la prise de contrôle des organes locaux et en particulier les sièges des districts scolaires, pour y lutter contre les mesures antidiscrimination et maîtriser les programmes. Cela s’est accompagné à la fois d’un véritable assaut législatif de mesures transphobes – ciblant les droits des mineurs trans et les travailleureuses LGBTI en contact avec les enfants – et d’actions d’intimidation physique, comme des rassemblements (parfois armés) devant des lieux de culture ou d’enseignement et d’alerte à la bombe dans un hôpital pour enfants et dans une école. Le tout alimenté par une guerre culturelle faite de paniques morales incessantes.

Tant qu’à faire dans l’import, Zemmour a fait confiance à des professionnels. C’est Nation Builder, une entreprise basée à Los Angeles et spécialisée dans l’organisation de mouvements de mobilisation populaires clef en main, qui se cache derrière le site et la campagne « Protégeons nos enfants ». Une société internationale d’astroturfing auquel ont d’ailleurs fait appel la plupart des grands candidats aux dernières présidentielles, de Macron à Mélenchon en passant par toutes les nuances de droite.

Fidèle tant à sa stratégie de « l’union des droites » qu’à ses réflexes de récupération, Reconquête a donc trouvé dans le militantisme transphobe un enjeu de mobilisation qui parle autant à la droite catholique ultraconservatrice qu’aux milieux conspirationnistes et aux identitaires.

Anaïs (UCL Montpellier)

 
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