Antifascisme

Callac : Faskourien er-maez (dehors, les fascistes)




Un projet d’accueil d’exilées soulève les passions à Callac dans les Côtes d’Armor. L’extrême droite essaye d’en faire un exemple de guerre civilisationnelle mais le « Trégor rouge » résiste.

Le projet Horizon est un projet social d’accueil, d’insertion et de développement local qui doit ouvrir ses portes dans un ancien collège de Callac (Côtes d’Armor). Le lieu accueillera des associations et des services publics (pôle enfance jeunesse, coworking, cinéma, assistantes maternelles, crèche). Et, parmi toutes les actions proposées, un projet d’accueil et d’insertion de personnes réfugiées.

Une opposition très très à droite

L’opposition au projet Horizon s’exprime d’abord sur Internet en avril dernier, notamment via le site identitaire Breizh-info.com, puis s’organise rapidement en juin à travers la constitution d’une association.

Pour donner le ton, celle-ci est présidée par Catherine Blein, exclue du RN après un tweet un peu trop voyant faisant l’apologie d’un attentat d’extrême droite (qui lui a valu ensuite une condamnation) et aujourd’hui membre de Reconquête. La mobilisation est d’ailleurs rapidement accaparée par le parti de Zemmour.

Principal organisateur d’une première manifestation le 17 septembre, Reconquête a ensuite dépêché à Callac son vice-président Guillaume Peltier pour un «  ciné-débat  » le 19 octobre, puis son président d’honneur, le médiatique Gilbert Collard, à une nouvelle manifestation le 5 novembre.

Ce jour-là, à côté de Reconquête, on trouve aussi plusieurs personnalités telles que les très islamophobes et complotistes Christine Tasin (Résistance républicaine) et Pierre Cassen (Riposte laïque) mais aussi deux signataires de la tribune dite «  des généraux  » Jean-Pierre Fabre-Bernadac (ancien du service d’ordre du FN) et le général André Coustou (administrateur de l’association d’extrême droite Maires pour le bien commun), des identitaires des Jeunesses angevines, des militants intégristes de Civitas, des pétainistes du Parti de la France, des fascistes bretons, etc.

Quant au RN, s’il a bien entendu pris position contre le projet, il se tient prudemment à l’écart de l’agitation, ne pouvant se permettre d’être à la traîne de Reconquête et de mettre en péril son travail de dédiabolisation en s’associant à des groupes trop sulfureux. Enfin, la pression de l’extrême droite s’exprime aussi de manière plus «  clandestine  ».

De nombreuses menaces de morts ont été proférées contre des élues et des tags xénophobes en breton ont fleuri dans la commune. Comment expliquer un tel investissement  ? Le fait est que le projet Horizon est l’exemple type du «  problème à résoudre  » pour l’extrême droite.

Déformant la réalité du projet, elles et ils l’instrumentalisent et y raccrochent toutes leurs obsessions pour nourrir le récit complotiste et fallacieux du grand remplacement  : guerre civilisationnelle, préférence nationale. Mais aussi complot d’élites mondialisées imposant l’immigration, personnifié ici par la famille Cohen (financeur du projet) et démontrant, au passage, que cette «  théorie  » fumeuse a aussi une base antisémite [1] .

La Bretagne a pour réputation d’être une terre de solidarité, et elle ne vient pas de nulle part. En ce qui concerne Callac, les familles de réfugiées (38 personnes) déjà présentes ne dérangent personne, au contraire.

Pour une Bretagne ouverte et solidaire

Le financement privé du projet, via la fondation Merci, est critiquable et soulève la question du désengagement de l’État concernant l’accès aux services publics en zone rurale et, plus spécifiquement, vis à vis de l’accueil des exilées. Mais il répond à une urgence sociale et c’est à ce titre que nous le défendons, tout en militant pour le développement d’une solidarité publique à même de répondre aux besoins en lieu et place de cette charité bourgeoise.

La Bretagne a pour réputation d’être une terre de solidarité, et elle ne vient pas de nulle part. À Callac, les familles de réfugiées déjà présentes ne dérangent personne, au contraire.

Plutôt que de chercher à savoir à qui vont les miettes d’argent public, reprenons les richesses qu’on nous a volées et qui sont concentrées dans les poches d’une ultra-minorité de capitalistes. Plutôt que diviser notre camp social et nous battre entre nous pour un emploi, un logement ou une place dans une école, unissons-nous pour faire en sorte que tout le monde y ait accès et dans des conditions de vie dignes.

Les responsables des problèmes sociaux et environnementaux se trouvent dans les salons cossus du gouvernement et dans les conseils d’administration des capitalistes, pas chez celles et ceux qui fuient la misère, la guerre et les dérèglements climatiques dont ces mêmes bourgeoises et bourgeois cherchent à tirer profit.

Répondant à l’appel d’habitantes et habitants de Callac et de ses environs, la riposte antifasciste unitaire a été au rendez-vous pour s’opposer massivement à l’extrême droite, rassemblant de nombreux collectifs, syndicats, organisations diverses, élues et individus.

La dernière manifestation a mobilisé près de 800 personnes (300 du côté facho) en articulant prises de parole variées, fest-deiz (fête bretonne) et départ en cortège plus offensif. Cependant, ce genre d’action de l’extrême droite risque de se développer ailleurs.

Les propos de Gilbert Collard sont clairs à ce titre  : « si on obtient gain de cause cela voudra dire que, un peu partout en France on retrouve le droit à la parole.  » À nous de construire une riposte immédiate, massive et unitaire capable d’enrayer la dynamique fasciste.

Autodéfense au rendez-vous, contre-attaque à construire

Posons-nous aussi des questions stratégiques. Beaucoup de nos actions ont lieu en réaction à celles de l’extrême droite, comme le montre l’exemple de Callac. On entend beaucoup leurs idées, on y réagit beaucoup, mais quand est-ce qu’on nous entend nous  ? Certes ces actions prennent déjà beaucoup de temps et d’énergie et sont indispensables.

Mais quel genre de mouvement souhaitons-nous  ? Comment renverser ce rapport de force pour faire avancer nos idées et ne plus subir les leurs  ? Une chose est certaine  : c’est quand nous sommes à l’offensive sur les questions de justice sociale que l’extrême droite est inaudible. Des batailles sociales se profilent justement, l’occasion pour nous de reprendre la main dans ce climat anxiogène.

Groupe UCL Finistère

[1« Antisémitisme et “grand remplacement” en centre Bretagne », communiqué des Juifs et Juives révolutionnaires, 23 octobre 2022.

 
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