Entretien

Yann Levy, photographe des marges




Ancien travailleur social devenu photographe professionnel et activiste libertaire, Yann Levy participe au fanzine de contre-culture Barricata. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la sortie de son livre Marge(s), aux éditions Libertalia.

Comment es-tu venu à la photo ?

En 1999, j’ai commencé par prendre des photos dans des concerts à Rennes. Tout d’abord, les concerts que nous organisions au bar Le 1929, puis à l’UBU. J’ai effectué ma première exposition avec le graphiste POCH. J’ai beaucoup travaillé avec le groupe Tagada Jones et le label Mass production, j’ai réalisé des pochettes d’album.

Dans ton livre, il y a beaucoup de photos d’Israël-Palestine ? Tu as effectué plusieurs voyages en Palestine ?

Les deux premiers voyages en 2003-2005 et le dernier en octobre 2009. En 5 ans, tout a changé. À cause du mur, il y a une désagrégation de la société palestinienne. Ce qui prenait 10 minutes, prend la journée avec le mur. Cela entraîne une société fragilisée sur tous les plans : sanitaire, social, éducatif… mais aussi affectif : des familles, des voisins sont séparés par le mur. Des gamins qui habitent à quelques kilomètres de la mer, ne peuvent pas y aller, à cause du mur, ils n’ont jamais vu la mer. Il n’y a plus de contact entre Palestiniens et Israéliens. Les check-points eux mêmes se sont déshumanisés. Ainsi, le check point d’Al-Jalama, qui est géré par une société privée. Un système de tourniquets, de grilles, de fenêtres pour montrer le laissez-passer. La colonisation ne s’est jamais arrêtée. C’est comme un jeu de go : on met en place des avant-postes, on relie ces avant-postes, enfin on annexe le territoire. Ce qui a changé côté israélien, c’est l’émergence de groupes radicaux de gauche, comme par exemple les Anarchistes contre le mur qui étaient embryonnaires avant.

Dans ton livre, il y a de nombreuses photos de sports de combats, qui sont souvent mal perçus dans nos milieux parce que jugés virilistes…

C’est normal qu’il y ait des photos de boxe dans le livre, cela appartient à la culture populaire. Je trouve cela stupide d’opposer le sport et les idées libertaires. Faire du sport, c’est se réapproprier son corps, ne pas le subir. Le sport aide à réfléchir. Dans une compétition tu ne te bats pas contre un adversaire, c’est un combat contre toi-même. Sur le virilisme, je ne vois pas pourquoi savoir se battre, c’est-à-dire savoir se défendre, serait un truc réservé aux hommes. Au contraire, je suis pour l’autodéfense féminine.

Une chose qui m’a marqué dans le livre c’est la tendresse de certaines photos de boxe.

Bien sûr, il y a beaucoup de tendresse avant un match. Cela permet des rapprochements. Comme par exemple en Irlande du Nord où un catholique et un protestant ont monté un club ensemble. Où, à part dans le sport, peut-on voir ce genre de rapprochement ?

Propos recueillis par K.B. (AL Paris-Sud)

• Pour en savoir plus sur Yann, http://yannlevy.fr

• Yann Levy, Marge(s), Libertalia, 200 pages, 29 euros.

 
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