Contre-sommet du G8 de Rostock : Désobéissance généralisée




Du 6 au 8 Juin, se tenait à Heiligendamm la rencontre du G8, qui réunit les chefs d’État des huit pays les plus puissants. Un contre-sommet était donc organisé par des militant-e-s du monde entier, qui a prouvé l’opposition croissante aux politiques néo-coloniales et néo-libérales, à travers des manifestations et des actions diverses. Retour sur cette semaine mouvementée, au sein d’un groupe de jeunes activistes berlinois.

La station balnéaire allemande qui accueillait le G8 [1] était, pour l’occasion, entourée par un mur de barbelés haut de deux mètres et demi sur un périmètre de 5 km. En effet, des manifestations et des actions de toutes sortes ont eu lieu en nombre durant cette semaine de résistance. La « grosse manif », prévue pour le 2 Juin, a rassemblé 60 000 à 80 000 personnes du monde entier (ONG, syndicats, organisations politiques…). Les affrontements, qui ont eu lieu en fin de manifestation, ont permis aux médias dominants de répandre des contrevérités : les manifestant-e-s seraient des casseurs et n’auraient pas de revendication.

Ce qui est en jeu pour les participantes et les participants au contre-sommet, c’est de montrer que les huit chefs des États les plus riches ne sont pas légitimes pour décider de l’avenir du monde, d’autant plus qu’ils mènent partout des politiques néo-coloniales et de casse des droits sociaux.

Les actions se sont multipliées dans la semaine, jusqu’à réussir à bloquer tous les accès terrestres vers Heiligendamm, le mercredi 6 juin, provoquant chez les militant-e-s un enthousiasmant sentiment de victoire.

Le G8, et la suite

Si leur réunion est terminée, notre mobilisation, elle, continue. Une partie des jeunes du monde entier qui ont participé à cette semaine d’actions n’est pas encore revenue au pays. À Rostock, et surtout dans les camps autogérés alentour, les jeunes ont noué des contacts entre eux, comme cette canadienne qui se retrouve après le sommet avec ses copains dans un grand squat de Berlin Kreuzberg, le Koepi. Cette maison a été squattée assez longtemps, mais depuis le mois de mai 2007, elle a été vendue aux enchères. Le tribunal a donné le signal à la police d’expulser les occupant-e-s, mais celle-ci préfère attendre le moment favorable.
Dans la maison, c’est un peu l’auberge espagnole. Des jeunes du monde entier dorment à quinze dans des salles transformées en dortoir. « On vit ensemble, on se respecte et on se parle », raconte Nasdaran, la jeune canadienne.

Le lendemain, tous les habitant-e-s de la maison sont dans la rue pour défendre le squat sous ce slogan : « le Koepi reste un investissement risqué ». Les gardes mobiles ne se sentent pas bien à l’aise dans ce grand quartier de Berlin où la population est plutôt solidaire avec les jeunes et prête à soutenir les manifestant-e-s en cas de problème.
Le soir, à dix heures en pleine nuit, après la marche réussie de l’après-midi, les jeunes se risquent à une nouvelle sortie dans les rues, cette fois spontanée et sans permission de l’autorité publique. Cette ferveur des actions imprévues de désobéissance est la conséquence directe et la réponse des militants aux harcèlement et à la répression de la part des autorités.

Les flics à la traine

Pour Nasdaran, « Rostock, c’était très bien organisé. Dans les groupes, il y avait toujours une bonne structuration. Nous avons surpris la police par notre mobilité pour bloquer les routes vers Heiligendamm et nous avons de plus en plus senti pendant la semaine que nous avions l’initiative. Les flics étaient toujours derrière nous pour nous suivre. Le soir, dans les villages autogérés, chacun-e prenait vraiment ses responsabilités, il y a eu des assemblées. Nous avons vécu une semaine où la sociabilité était différente de la vie normale. »

Nasdaran est emblématique d’une jeunesse qui s’engage. Elle milite dans une radio locale à Montréal, et participe en même temps à comité contre la guerre en Afghanistan. Elle se dit anarcho-communiste parce qu’elle veut lutter et participer à une organisation où il n’y a pas de chef, vivre des rapports égalitaires et différents de la vie courante.

Sulpice, un autre activiste qui a participé à la préparation du contre-sommet, originaire du Cameroun, milite dans un comité de réfugié-e-s contre les expulsions : « Dès le début, dans les réunions préparatoires, il y a eu un grand effort de coopération, peu d’attitudes sectaires, pas de luttes pour la direction du mouvement. C’est pourquoi, quelques semaines auparavant, l’État a essayé de semer la panique par des perquisitions dans les centres de préparation du contre-sommet, dans les maisons squattées comme le Koepi à Berlin Kreuzberg ou à Hambourg et dans les logements des militant-e-s connu-e-s. »

« Mais ces descentes ont plutôt attisé la détermination des participant-e-s. Nous avons perdu notre peur, nous sommes toutes et tous fiché-e-s – tout le monde le sait, ils peuvent nous arrêter – mais autour de nous, il y a beaucoup de camarades pour nous défendre. Et la violence : il faut comparer celle des cailloux et des pierres avec la violence sociale que représentent les dirigeants du G8 », insiste Sulpice.

Jochen, militant du syndicat IG-Metall Berlin, milite quant à lui dans le cercle international du syndicat. Ils sont allés ensemble en bus à Rostock pour participer a la grande manifestation du 2 juin.

Un ancien bastion de résistance

Surpris par la diversité et par l’originalité des cortèges synidicaux, ils ont eu l’impression que la population de cette ville ouvrière de la côte baltique était très intéressée. Un monde jusqu’ici assez peu connu est apparu aux habitants. Il faut savoir que cette ville a une place dans l’histoire du mouvement ouvrier. Les ouvriers et les ouvrières des chantiers navals, en RDA, formaient un bloc assez engagé contre le régime soviétique. Il n’y a pas longtemps, un livre est paru sur l’autonomie des ouvriers des chantiers navals de Rostock qui ont toujours résisté au régime bureaucratique d’Allemagne de l’Est.

Dans le quotidien local Ostseezeitung, toute la semaine, les articles étaient plutôt favorables aux nouveaux occupants de la ville. Il faut dire que les salarié-e-s de ce journal sont dans une lutte permanente pour leur survie.

Une convergence ratée

Après toutes ces impressions encourageantes, une réalité décevante : le relais entre les travailleuses et les travailleurs en grève et les manifestant-e-s. Depuis plus de deux semaines, le personnel de Deutsch-Telekom est en grève contre la perte de son statut, contre la casse de l’entreprise et les diminutions de salaire. Dans les assemblées de grévistes, il y a eu des propositions pour mener des actions concrètes contre le G8 : couper le courant à Heiligendamm, refuser de mettre en ligne les installations pour le sommet, etc.

Mais au final, aucune de ces actions n’a eu lieu, car cette grève, à laquelle participent des milliers de travailleurs, en est encore au stade d’une grève allemande gérée par la bureaucratie qui veille sur chaque signe d’action non contrôlée. Et jusqu’à aujourd’hui, il n y a pas de gréviste qui a réussi à briser ces limites pour agir directement.

En tout cas, Sulpice pense que « c’est dommage que Heiligendamm ne soit pas en France, car là il y aurait eu des coupures de courant. »

Willi Hajek, de Berlin

[11. Voir Alternative libertaire n°163, juin 2007

 
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