Foot à 7 : Un autre foot est possible




À l’occasion du Mondial 2006, un article critique [1] sur le football avait suscité la réponse d’une lectrice affirmant qu’il pouvait rester un jeu, « pour le plaisir », sans agressivité. Constatant que, face au foot-fric, il nous manquait une alternative, un sport « pratiqué par des hommes et des femmes, où chacun-e met ses compétences au service du groupe », nous nous sommes intéressés à l’une de ces tentatives d’altersport : le foot à 7.

Le foot à 7 est issu de la pratique et de la réflexion sur le sport en général au sein de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), une organisation créée en 1934, dans la foulée des premiers clubs ouvriers du début du siècle. La FSGT propose une approche différente du sport et refuse de le voir comme une activité à part, coupée de la société de classes. Elle tente donc de promouvoir une vision du sport basée sur le plaisir collectif plutôt que sur la gloire individuelle, sur la coopération plus que sur la concurrence. Le football n’est qu’une des nombreuses activités de la FSGT, mais après réflexion, en fédérant des innovations expérimentées dans différentes régions, elle est parvenue à élaborer une nouvelle version, toujours évolutive, du foot.

Un autre foot…

Ce football se joue avec des équipes masculines ou féminines de 7 (plus des remplaçantes ou des remplaçants en nombre indéterminé) sur une moitié de terrain de foot classique (dans la largeur), les matchs durant deux fois 25 minutes. Le nombre de remplacements est illimité. Cette configuration permet de faire jouer un maximum de joueurs ou de joueuses, chacun à son rythme, quelles que soient leur condition physique.

Sans hors-jeu et sans tacle, ce foot est tourné vers le beau jeu, vers le plaisir du jeu, sans agressivité et sans les habituelles considérations tactiques visant à arrêter ou à casser le jeu de l’équipe adverse. Les touches se faisant au pied, tout est fait pour assurer la continuité du jeu, dans un souci de plaisir maximum.

Sans arbitre, les joueurs et joueuses gèrent collectivement la partie et se responsabilisent. Les équipes se concentrent sur le jeu et se passent des simulacres et manipulations visant à tromper l’arbitre.

Ce projet de foot alternatif à 7 permet de se recentrer sur ce qui peut attirer dans le foot : le beau geste, le beau jeu, résultats de la collaboration de deux équipes, et l’effort physique qui permet d’entretenir sa santé. Marquer des buts et gagner des matchs ne sont que des prétextes pour tenter et réussir de beaux gestes. L’état d’esprit sur le terrain est complètement différent, les joueurs ou les joueuses s’y sentent bien, quel que soit leur niveau, leur condition physique. Tout est fait pour que chacun ou chacune puisse prendre part au jeu avec le maximum de plaisir. S’il n’y a aucun autre enjeu que la qualité du jeu, on gère mieux ses émotions, sans débordement, et sans l’autorité habituelle de l’arbitre. Le terrain devient un lieu de convivialité et non plus de confrontation.

…pour une autre société.

Ces innovations s’étendent puisque la FSGT se lance, depuis quelques années, dans un autre foot à 11, avec double arbitrage, remplacements tournants, carton blanc (sortie temporaire, le temps de calmer les esprits), suppression du carton jaune, et quelques autres innovations.

La pratique de ce foot à 7 permet de constater que l’arbitre n’est pas du tout nécessaire : les règles du jeu sont acceptées, appliquées et contrôlées par toutes et tous, car elles ne servent plus à distinguer un vainqueur d’un vaincu. Le changement des règles est tourné vers cet objectif du plaisir partagé et donc ces règles sont toujours ouvertes à toutes possibilités d’innovations. Le foot à 7 nécessite aussi, en dehors du terrain, une réflexion collective et une gestion collective des rencontres, ce qui implique les joueurs ou les joueuses dans l’élaboration de leur sport. Ils n’en sont plus de simples exécutant-e-s. Le débat est donc ouvert en ce qui concerne les résultats des matchs et les classements, auxquels beaucoup de personnes restent attachées. Les structures sportives peuvent de fait devenir des lieux d’expérimentation d’une autre façon de fonctionner ensemble, démocratiquement, avec un but qui n’est plus d’écraser un adversaire, mais de collaborer avec lui.

Ces innovations conservent toutefois quelques limites, comme s’il y avait des règles plus importantes que d’autres, moins techniques, qu’on ne pourrait remettre en cause, à commencer par le championnat et son classement. De même, les équipes restent généralement non mixtes. Il y a encore beaucoup d’innovations à imaginer, à expérimenter, pour faire vivre un autre sport, plus conforme aux valeurs que nous défendons.

Renaud (AL Alsace)

[11. Voir Alternative libertaire n° 153, l’article critique sur le football paru à l’occasion de la Coupe du monde, et Alternative libertaire n° 155, la réaction d’une lectrice, insistant sur le fait que le foot ne servait pas uniquement la propagande capitaliste et pouvait rester un jeu, « pour le plaisir », sans agressivité.

 
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