Syndicalisme

David et Sylvie (CGT-santé) : « Les personnels ont compris l’arnaque du Ségur »




David est secrétaire adjoint du ­syndicat CGT du centre hospitalier régional d’Orléans (CHRO). Sylvie est secrétaire de l’union syndicale Santé et Action sociale du Loiret. Il et elle détaillent à Alternative libertaire la mise en place d’une santé à deux vitesses.

AL : Qu’est-ce qui a changé depuis l’ouverture du CHRO en 2015 ?

David : Avant les médecins étaient les donneurs d’ordre, les directeurs faisaient uniquement la jonction avec les agences régionales de santé (ARS). Puis les directeurs ont été mis au même niveau que les médecins… sauf que ce sont eux qui ont la main sur le porte-monnaie. Or, leur rôle, c’est de faire du chiffre. Cela a entraîné des départs de médecins.

Sylvie : C’est aussi ce qui a conduit, ailleurs sur le département, à la fermeture de petits hôpitaux jugés pas assez rentables. Les patientes sont donc redirigés vers le CHRO. Mais en même temps, le temps d’hospitalisation y diminue, pour rentabiliser les lits au maximum et réduire le personnel. Ainsi, sur le département, on a perdu environ 15 % du personnel, essentiellement du fait des établissement qui ont fermé.

David : Une partie des réductions de personnel se fait via des externalisations. Ainsi, la totalité du ménage, en dehors des salles de bloc, a été confiée à Elior. Cela pose de vrais problèmes de sécurité sanitaire car la désinfection nécessite une formation bien spécifique. Or on demande aux personnels d’Elior de faire du chiffre en nettoyant les chambres le plus vite possible. Le temps d’action des produits est négligé, on leur demande de faire une chambre avec une seule ­lingette au lieu de trois, etc.

Quel est l’objectif des ARS ?

Sylvie : Le but, à terme, est de séparer l’hôpital en deux : d’un côté les services de pointe, comme la réanimation ; de l’autre une médecine au rabais, pour celles et ceux qui ont peu de moyens. Or les médecins ont le droit d’exercer 40 % de leur activité à titre privé, en reversant une commission à l’hôpital. Typiquement, un médecin va proposer un rendez-vous régulier dans six mois…. ou bien dans quinze jours, mais en consultation privée ! C’est ça la médecine à deux vitesses.

David : Ça mène à des situations aberrantes, tel le scandale récent autour de deux cardiologues, dont l’un a battu le record de France des interventions : 1.250 en 2018 ! Il surévaluait la gravité des lésions observées et en multipliait ainsi les opérations de pose de stents. En amont il y a le choix de l’ARS de ne pas développer de vrai service cardio, en privilégiant la petite chirurgie (pose de stents et de piles), les opérations plus compliquées étant renvoyées à Tours, à Paris ou au privé.

Quel est l’état d’esprit des personnels actuellement ?

David : Le Ségur de la Santé a ­beaucoup divisé. On revendiquait 300 euros pour compenser le gel des salaires ; on en obtenu 183  [1]. Les personnels, le nez dans le guidon, n’ont vu que ça. Mais ils ont compris l’arnaque du Ségur à l’arrivée des feuilles de paie. Les 183 euros ne sont pas du salaire : c’est une prime, qui peut être retirée à tout moment. C’est proratisé en cas d’arrêt de travail. Et puis il y a 32 autres articles : annualisation du temps de travail, donc remise en cause des RTT, baisse du temps de repos de douze à onze heures, etc.

Propos recueillis par Grégoire et Rémi (UCL Orléans)

CC logo : Leclerc Patrice / Photothèque du mouvement social

 
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