Féminicides : Violences conjugales, le nouvel enfumage gouvernemental




Le 7 juillet 2019, Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a annoncé la tenue d’un Grenelle contre les violences conjugales. Le moment de faire le point sur les actions du gouvernement en matière de défense des femmes.

Les violences conjugales demeurent largement impunies en France. Début juillet, des centaines de personnes se sont rassemblées contre les assassinats de femmes – féminicides –, à Perpignan, Paris, Saint-Denis. Le 11 juillet dernier, les femmes de Saint-Denis se sont rendues devant le commissariat général réclamer justice et vérité.

Une semaine auparavant, Leïla, jeune femme de 20 ans, était retrouvée morte, battue à mort par son conjoint. La veille de sa mort, elle était allée porter plainte au commissariat. Les policiers ont refusé le dépôt de plainte, l’obligeant à déposer une main-courante, dont l’inutilité est de notoriété publique. Les participantes au rassemblement de Saint-Denis dénoncent la complicité des services de l’État dans ce crime.

Quelques jours auparavant, soumise à la pression des multiples mobilisations féministes, la secrétaire d’État Marlène Schiappa avait annoncé l’organisation d’un sommet exceptionnel, à la rentrée, sur la question des violences conjugales. Les effets d’annonces dissimulent bien mal une baisse des budgets alloués à la protection des femmes, alors que chaque année, une femme sur dix subit des violences conjugales.

Depuis l’annonce du Grenelle  : précarisation et violences

Le gouvernement a depuis lors réduit les subventions pour le Planning familial, l’une des principales associations de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette baisse peut aller jusqu’à 30 % dans certains départements comme le Rhône, où la subvention de l’État pour 2019, versée par la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE) de la préfecture de région Auvergne-Rhône-Alpes, sera amputée de 43 438 euros cette année.

La casse effective de l’assurance chômage menée tambour battant pousse de nombreuses femmes hors du champ de l’indemnisation. Les femmes sont les plus touchées par la précarité  : elles représentent 52,1 % de la population pauvre. Déjà 80 % des travailleurs pauvres sont des femmes. Les femmes se voient imposer des temps partiels (1,2 million de femmes travaillent en temps partiel subi contre 472 000 hommes, soit trois fois moins), sont moins payées que les hommes (34,4 % de moins à diplôme égal). Cette précarité aggravée les exposera encore plus aux violences conjugales, qu’elles ne pourront fuir faute d’argent.

Le gouvernement a également confirmé le contenu de la réforme des retraites. Elle détruira les caisses de retraite, les faisant passer d’un système solidaire à un système calqué sur les assurances privées, avec pour conséquence un abaissement général du niveau de pensions des femmes. Aujourd’hui les femmes perçoivent une retraite 42 % moins élevée que les hommes. Baisser les pensions des femmes ne peut que les fragiliser encore davantage, les plaçant dans une situation de dépendance financière à l’égard de leur compagnon et les rendant plus vulnérables face aux violences.

Des places d’hébergement pour les femmes et notamment les femmes victimes de violences machistes, continuent d’être fermées. C’est le cas du Palais de la femme à Paris où les résidentes luttent depuis 2016 pour l’amélioration de leurs conditions d’hébergement, le maintien du nombre de places et un relogement pérenne et sûr. Rejointes au mois de juin par le mouvement des gilets jaunes, leur lutte s’est intensifiée et se popularise.

À l’heure actuelle, il n’existe pas de statistiques officielles des féminicides sur l’ensemble du pays. Le décompte, comme dans le cas des victimes de violences policières, ne s’effectue qu’en effectuant un minutieux relevé des articles de presse.

Le féminicide, un crime systémique

Le féminicide est le meurtre d’une ou plusieurs femmes ou filles en raison de leur genre. Le féminicide procède du patriarcat, un système politique et économique qui organise l’exploitation des femmes par les hommes. Le féminicide est l’expression la plus violente de la domination structurelle des hommes sur les femmes. Dans le droit de nombreux pays d’Amérique latine, le féminicide constitue une circonstance aggravante de l’homicide, ou un crime spécifique reconnu. Le terme est forgé au vingtième siècle à la suite de l’assassinat en République dominicaine de trois opposantes – connues désormais sous le nom des Mariposas – au dictateur sanguinaire Trujillo. Si le terme est relativement récent, les assassinats de femmes en tant que telles constituent une réalité aussi ancienne que le patriarcat.

L’Onu distingue onze cas de féminicides. Parmi eux, on peut citer les meurtres à la suite de violences conjugales, les tortures et massacres misogynes, assassinats au nom de «  l’honneur  », mises à mort des femmes et des filles en raison de leur orientation sexuelle, meurtres après accusation de sorcellerie…

Le patriarcat produit la culture sexiste qui contribue à la perpétuation des violences machistes. L’ensemble des préjugés qui attribuent des qualités ou des défauts «  innés  » à chaque genre, ou sexisme, permet de valoriser les comportements violents chez les jeunes garçons (associés à la virilité) et les comportements passifs et soumis chez les jeunes filles. La validation sociale de cette violence implique pour les garçons et les hommes un état de domination physique naturalisé des hommes sur les femmes. Cette reproduction des stéréotypes de genres a engendré pendant des années un silence assourdissant des assassinats de femmes par les hommes, silence qui commence à peine à se rompre.

Les crimes machistes sont souvent traités comme des faits divers et banalisés. On ne compte plus dans les médias les crimes passionnels, tragédies amoureuses, ou meurtres romantiques qui camouflent des assassinats de femmes. Certains médias portent une lourde responsabilité à cet égard.

Les responsabilités de l’État sont accablantes

Selon les données de la Banque mondiale, en 2016 la violence machiste (viol et violence conjugale) à l’échelle mondiale représente pour une femme âgée de 15 à 44 ans un risque plus grand que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis.

En France depuis le début de l’année, les féminicides se multiplient sans réaction concrète et efficace des pouvoirs publics. Depuis le début de l’année, une femme tombe sous les coups de son conjoint tous les deux jours, ce qui est pire que l’an dernier. La majorité des femmes qui ont été assassinées cette année avait déposé plainte. Depuis que Macron est au pouvoir, ce sont plus de 520 femmes qui ont été tuées par leur conjoint.

L’État entend y remédier par un budget de 70 millions d’euros contre les violences faites aux femmes, soit la somme dérisoire d’un euro par habitant⋅es. L’ensemble du budget de l’État pour les droits des femmes est de 0,06 % de son budget total quand celui de l’armée française s’élève à près de 15 % des dépenses de l’État.

Indifférence policière, budgets dérisoires des institutions étatiques, tarissement des ressources allouées aux associations… Il semble bien qu’en matière de féminisme et de lutte contre le patriarcat, l’État n’est pas la solution mais bien une partie du problème.

Louise (UCL Saint-Denis) & Lucie (Amiens)


LE CONTRE-GRENELLE DES FEMMES GILETS JAUNES

« Nous voulons des actes, des moyens et du budget, pas du blabla. »

Suite à l’annonce du Grenelle contre les violences conjugales par Marlène Schiappa, les femmes gilets jaunes appellent à deux journées d’actions, les 3 et 8 septembre 2019. Cet appel, à l’initiative du groupe gilets jaunes de Saint-Denis, porte des revendications sur la lutte contre les violences masculines contre les femmes et féminicides, ainsi que sur la violence policière. « Nous condamnons le silence de Madame Schiappa quant à la mort de Zineb Redouane, tuée par la police, ainsi que les nombreuses blessures de guerre subies par les femmes gilets jaunes et ou précarisées, à Paris, dans les banlieues, et partout dans le pays depuis 11 mois  !  ».

Elles demandent également la réquisition urgente des logements vides pour les femmes isolées et leurs enfants, ainsi que le maintien des hébergements d’urgence réservés exclusivement aux femmes victimes de violences. Gilets jaunes, leurs revendications restent ancrées dans des questions sociales et dénoncent notamment le nouveau calcul de l’allocation adulte handicapé (AAH) qui prendra en compte les revenus du conjoint, condamnant les femmes handicapées à demeurer dépendantes financièrement de leur conjoint, et demandent aussi la suppression
de la TVA pour les produits de première nécessité, la mise en place
de services sociaux de proximité, des conditions de travail, des salaires
qui permettent de vivre dignement, la mise en application immédiate de la PMA pour toutes (retardée depuis janvier 2019)…

«  Les féministes, celles qui se battent pour leurs droits, et qui éprouvent la lutte dans leurs chairs, c’est nous, pas Schiappa  ».

Les femmes gilets jaunes de Saint-Denis le disent  : elles sont présentes sur les ronds-points et blocages depuis le début du mouvement. Elles souhaitent pouvoir accéder à leurs droits et en obtenir davantage. En première ligne dans les luttes, elles ne laisseront pas le gouvernement Macron laminer leurs corps, leurs droits et leurs mouvements sociaux.

 
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