Politique

Interdictions de manifester : la solidarité pour la Palestine dans le viseur de l’Etat




La réaction politique et militaire de l’État israélien suite à l’effroyable attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas suscite, elle aussi, une vague de mobilisation en faveur du peuple palestinien, privé du droit à vivre sur le territoire de la Palestine depuis plus de 70 ans. En France, selon une « jurisprudence » établie sous Hollande, l’expression du soutien à la cause palestinienne est criminalisée et les manifestations tout simplement interdites.

L’attaque du 7 octobre dernier coordonnée par le Hamas a suscité l’effroi, le massacre de plus d’un millier de civiles nous révolte et nous les déplorons. Disons le très clairement, le Hamas est un mouvement nationaliste et religieux à propos duquel nous nous faisons aucune illusion quant à sa non-volonté de libérer et d’émanciper les classes populaires et plus encore les femmes et minorités de genre palestiniennes. Mais l’attaque du Hamas, tout aussi bien que le soutien ou l’adhésion qu’il suscite auprès de Palestiniennes, ne saurait s’expliquer sans la nature coloniale et séparatiste de l’État d’Israël depuis son origine, et le bilan catastrophique des politiques menées par Netanyahou depuis son accession au poste de Premier ministre en 2009.

La réaction de l’État d’Israël, aux mains d’une coalition d’extrême droite composée de religieux ultra-orthodoxes et de suprémacistes juifs, l’opération « Épées de fer », s’est évertuée à dépasser dans l’horreur les attaques des groupes armés palestiniens. Au moment où ces lignes sont écrites plus de 9.500 morts civiles sont à déplorer dans la seule bande de Gaza. L’enclave est totalement coupée du Monde, aucune aide extérieure ne lui a été apportée pendant plusieurs jours et celle-ci n’arrive désormais qu’au compte-goutte après assentiment de l’oppresseur. Les accès à l’électricité, au gaz et à l’eau sont coupés. Yoav Gallant, le ministre isarélien de la Défense, justifie et assume ce blocage inhumain : « Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence ». L’Organisation des Nations unies, ainsi que l’Union européenne, considèrent que le « siège complet » de la bande de Gaza est prohibé par le droit international humanitaire et s’y opposent... en vain. Le gouvernement israélien ordonnant même le 13 octobre dernier à plus d’un million de Palestiniennes de se déplacer du nord au sud de Gaza en 24 heures.

L’acharnement répressif de l’État français.
MARTIN NODA / HANS LUCAS

Manifestations interdites, manifestantes interpellées

L’opinion publique n’étant bien souvent pas au diapason des dirigeants prompts à afficher un soutien sans faille à Israël, à l’instar de Biden ou Macron, partout dans le Monde, des rassemblement et manifestations de soutien aux Palestiniennes se sont organisées. Mais en France celles-ci se voient immédiatement interdites. Darmanin, dans un télégramme adressé à l’ensemble des préfets, le 12 octobre dernier, demande l’interdiction systématique de toutes les « manifestations propalestiniennes, parce qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public ». La pénalisation des participantes à ces manifestations était également de mise puisque la note précisait « l’organisation de ces manifestations interdites doit donner lieu à des interpellations ».

Le ministre de l’Intérieur, ancien proche de l’antisémite Action française, plus ancienne organisation d’extrême droite en France, celui là même qui trouve Marine Le Pen – dont le parti a été fondé par d’anciens SS et miliciens –, trop molle à propos de la question migratoire, ose se faire le défenseur des « Français de confession juive ». Dans un amalgame crasse, il ordonne même au préfets que : « Les auteurs étrangers [d’éventuelles infractions] doivent systématiquement voir leurs titres de séjour retirés et leur expulsion mise en œuvre sans délai ». Ses services reconnaissant le même jour que si une augmentation des actes antisémites existait belle et bien depuis le 7 octobre, « aucun incident grave » n’était alors à déplorer. Darmanin n’hésitant pas ici à jouer au pompier pyromane, réactivant l’association migrante et sous entendu de confession musulmane = antisémite. Dans un délire hallucinant, Darmanin fait de Minority Report non plus une fiction mais un son programme politique et anticipe sur des prossibles actes antisémites commis par des personnes probablement étrangère (forcément étrangères) avant même qu’ils aient été commis... le problème étant que ces délires racistes ont force de loi.

Le soutien à la Palestine ne peut plus s’afficher

La criminalisation du soutien à la cause palestinienne est une sorte de tradition ici. Sous Hollande déjà, le gouvernement Valls interdit en juillet 2014 une manifestation de soutien au Palestiniennes de Gaza bombardées par l’armée israélienne. La cause, des échauffourées ayant eu lieu la semaine présédente entre des soutien à la cause palestinienne et la LDJ (Ligue de défense juive), organisation d’extrême droite néosioniste, branche française de la Jewish Defense League impliquée dans de nombreux actes de violence, allant même jusqu’aux meurtres et attentats. À nouveau en 2021, une manifestation pro-palestinienne était interdite à Paris. S’ensuivirent à nouveau des heurts avec la police et de nombreuses interpellations.

S’il est vrai que certaines, une minorité, s’emparent de la juste cause palestinienne pour déverser leur haine antisémite, que d’autres par un amalgame essentialisant confondent État israélien, Israéliennes et personnes de confession juive, le soutien au peuple Palestinien est une cause juste que nous devons continuer de soutenir sans faille, sans s’interdire néanmoins d’en être critique si nécessaire. L’UCL s’inscrit dans cette tradition libertaire qui ne transige pas avec l’antisémitisme d’où qu’il vienne. L’UCL s’inscrit de la même manière dans cette tradition libertaire d’un soutien absolu à la cause palestinienne. L’un n’étant absolument pas exclusif de l’autre comme certains voudraient nous le faire croire.

Tentative de rassemblement en soutien au peuple palestinien le 14 octobre à Paris.
MARTIN NODA / HANS LUCAS

Aujourd’hui comme en 2014 et en 2021, la majorité des manifestantes entendent exercer leur droit légitime à l’expression de leur solidarité face au sort fait au peuple Palestinien depuis près de 80 ans maintenant. Le droit à chacune de vivre sur la terre de ses ancêtres ne peut être nié à personne. C’est ce soutien que l’on cherche à nouveau à faire taire avec les interdictions de manifestations. La criminalisation de la solidarité est tout simplement abjecte, elle est un signe supplémentaire de la fascisation de l’appareil d’État.

Darmanin : toujours un pas d’avance sur l’extrême droite

Un exemple parmi tant d’autres de cette pente fascisante et raciste qui s’installe lentement, mais sûrement, à tous les niveaux du pouvoir : l’arrêté d’interdiction de la Préfecture de Savoie concernant le « Rassemblement de soutien de la Palestine et appel à la paix » déposé par l’association France Palestine Solidarité (AFPS) Chambéry. Outre les impératifs liée à la « menace terroriste particulièrement aiguë » et autres considération toutes aussi abusives les une que les autres (dont des propos « anti-sionistes » proférés semble-t-il automatiquement assimilés à des propos antisémites) il est fait mention d’un risque exceptionnellement grave, la présence lors d’une précédente manifestation interdite de : « nombreux membres issus de la communauté musulmane et d’individus liés à l’extrême-gauche et ultra-gauche ». Ainsi la présence lors d’une manifestation ou d’un rassemblement de personnes « issues de la communauté musulmane » serait un motif légitime à interdiction !

Avec une droite comme ça plus besoin d’extrême droite.

Face à la répression des expressions de solidarité, l’UCL soutien pleinement le NPA visé par une enquête pour « apologie du terrorisme » pour un communiqué publié le 7 octobre. Disons-le clairement, parce que le NPA est un partenaire que nous croisons régulièrement dans les luttes, nous ne nous associons absolument pas à ce qui a été écrit dans ce communiqué. Pour autant faire du NPA une organisation qu’il serait nécessaire de dissoudre, pour apologie de terrorisme, est tout simplement absurde. Cette menace s’inscrit dans une volonté politique de faire taire les mouvements remettant en cause la politique menée par l’État français ici et à l’international.
L’interdiction d’expression d’une dissidence s’est également étendue à Mariam Abou Daqqa, militante du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), actuellement en France pour plusieurs conférences, assignée à résidence le 16 octobre dernier en attente d’une possible expulsion.

Les militantes communistes libertaires et au-delà doivent aujourd’hui se mobiliser pour que cesse cet état d’exception qui ne dit pas son nom et exiger la fin des poursuites contre le NPA pour « apologie du terrorisme », la libre-circulation de la militante palestinienne Mariam Abou Daqqa, l’arrêt des poursuites, ainsi que l’annulation des peines et amendes déjà tombées, pour les personnes ayant manifesté leur soutien à la cause palestinienne. Les militantes communistes libertaires doivent également porter leur voix pour lors de ces manifestations et rassemblement pour l’arrêt des bombardements, la fin de l’apartheid, du colonialisme, et le respect des droits du peuple palestinien.

David (UCL Savoies)

 
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