Orientation communiste libertaire

La rébellion zapatiste, historique et actuelle




Depuis plus de vingt-cinq ans, le mouvement néozapatiste, dans le sud du Mexique, lutte contre le néolibéralisme et pour l’humanité. Il l’a fait par les armes. Il le fait surtout avec une stratégie de « double pouvoir » contournant l’État sur des territoires libérés, en érigeant une société alternative. Les communistes libertaires réaffirment leur soutien à ce contre-modèle, qui appelle un soutien international.

Le soulèvement zapatiste du 1er janvier 1994 a mis en lumière des problématiques sociales et politiques propres aux peuples indigènes du Mexique comme d’ailleurs. Usage du territoire, représentation politique, perte des cultures, discrimination raciale, ces thèmes se sont retrouvés sur le devant de la scène mexicaine et internationale, et le soulèvement a provoqué ou renforcé de nombreux autres mouvements indigènes. Il a aussi suscité une vague de solidarité internationale.

Les relations développées avec la société civile mexicaine et internationale, ainsi que l’intense préparation politique des zapatistes pendant les dix ans précédant le soulèvement ont débouché sur un mouvement avec une forte capacité organisationnelle, un large soutien populaire et un discours inspirant pour de nombreuses luttes. Le discours féministe, anticapitaliste, les pratiques horizontales et les revendications d’autonomie ont participé, entre autres, à populariser ce mouvement dans les milieux libertaires du monde entier.

édifier une contre-société

Dès la fin des combats de 1994, l’EZLN a tissé des liens avec la société civile mexicaine et les mouvements altermondialistes au travers des marches du Chiapas jusqu’à Mexico, ou des rencontres internationales sur leur territoire. Dans le même temps, les zapatistes ont organisé leur autonomie dans les «  territoires récupérés  » lors de l’insurrection. Après deux années d’intense travail avec la société civile mexicaine et internationale (autour de la 6e Déclaration de la forêt Lacandone) en 2006-2007, ils et elles se sont concentrées sur le développement de leurs capacités productives, politiques, sociales.

Militantes et militants zapatistes du Chiapas, solidaires des soulèvements populaires d’Oaxaca et de San Salvador Atenco, en 2006.
CC JIZ AGIRRE

Le «  pouvoir  » de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) a été transmis à des instances civiles, les juntas de buen gobierno, et de nombreux projets d’éducation, de santé, d’agriculture, de communication ont été mis en place ou renforcés. Les conditions de vie des communautés zapatistes se sont améliorées, malgré la répression constante du mouvement de la part des gouvernements local et fédéral. Les médias et nombre de mouvements politiques hostiles aux zapatistes ont profité de ce moment de moindre visibilité pour déclarer la disparition du mouvement. Mais de nouvelles phases de mobilisation, depuis décembre 2012, leur ont donné tort.

Le 21 décembre 2012, environ 40 000 bases de apoyo (bases de soutien) zapatistes ont défilé silencieusement dans les cinq villes que l’EZLN avait pris par les armes le 1er janvier 1994. Le communiqué émis ce jour-là disait seulement «  Vous avez entendu ? C’est le bruit de votre monde qui s’écroule. C’est celui du nôtre qui resurgit. Le jour où le jour fut, c’était la nuit. Et ce sera la nuit le jour où ce sera le jour.  »

retour sur la scène politique

L’EZLN a commencé à émettre des communiqués à un rythme soutenu, expliquant le relatif silence des années précédentes et la volonté de reprendre le travail de communication national et international, la nomination d’un nouveau subcomandante, et l’entrée dans une nouvelle phase de leur mouvement  : «  Le temps du oui  ». C’est-à-dire une phase de construction active d’une ­autre société et non plus de simple opposition ou de résistance à la société existante. Le moment d’entrée dans cette nouvelle phase de mobilisation répond à un contexte particulier. D’une part, la violence s’est généralisée.

Le Mexique est devenu dans ces années l’un des pays les plus violents au monde, avec le déclenchement de la «  guerre contre le narcotrafic  » sous le mandat du président Calderon (2006-2012) du Parti d’action nationale (PAN, droite conservatrice catholique), et de la présidence du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, nationaliste libéral).

Cette guerre a fait plus de 100 000 morts, dont bon nombre de «  dommages collatéraux  ». Cette violence s’est ajoutée à la corruption et à l’autoritarisme de la classe politique mexicaine, détruisant encore plus le tissu social du pays, et masquant la répression (assassinats, disparitions, emprisonnements) dont souffrent les mouvements sociaux et indigènes.

Enfin, les classes dirigeantes nord-américaines ont actualisé leur agenda néolibéral  : intégration commerciale profitant aux multinationales, extraction sauvage des ressources naturelles, pillage des ressources biologiques, privatisations (éducation, énergie, etc.) aux conséquences socio-économiques désastreuses pour la majorité de la population, et notamment pour les peuples indigènes dépossédés de leurs territoires et de leurs cultures.

En 2017, l’EZLN a proposé au Conseil national indigène la présentation d’une candidature indépendante indigène à l’élection présidentielle. Si cette proposition a permis une forte mobilisation des communautés indigènes et des soutiens des zapatistes, le système électoral mexicain a empêché l’aboutissement de cette candidature.

La colonisation par mégaprojets

L’élection, en 2018, du candidat de la «  gauche  » Andrés Manuel Lopez Obrador n’a en rien amélioré la situation des communautés indigènes, bien au contraire. Les attaques de groupes paramilitaires, que les autorités gouvernementales travestissent en affrontements intracommunautaires, ont repris. Et les mégaprojets comme le «  train maya  » menacent l’existence même des communautés indigènes sous couvert de développement local.

La politique de colonisation par le biais d’infrastructures progresse au Chiapas. Des mégaprojets électriques, par exemple, sont développés avec des multinationales occidentales, ce qui peut être une invitation à agir, en Europe, contre ces multinationales, en solidarité avec les zapatistes. Face à ces menaces, les zapatistes ont répondu en réorganisant leurs territoires, en augmentant le nombre des caracoles (regroupements régionaux des communautés), en améliorant leur fonctionnement dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

Depuis octobre 2020, l’EZLN a publié une série de communiqués avec une proposition  : partir à la rencontre des mouvements sociaux du monde entier pour écouter, échanger, dialoguer, comparer les luttes menées sur les cinq continents. Cette proposition a été reprise par de nombreuses organisations et le tour du monde zapatiste débutera en Europe entre juillet et octobre 2021. L’UCL s’est engagée à épauler la délégation zapatiste en France, en cosignant le communiqué du 1er janvier 2021.

Le soutien de l’UCL

L’expérience des zapatistes, leur pouvoir de mobilisation national comme international et leur volonté réaffirmée de travailler avec d’autres mouvements – la gauche kurde au Rojava, entre autres – en font aujourd’hui des acteurs et actrices incontournables des dynamiques révolutionnaires internationales.

Pour cette raison, il est primordial de développer les relations entre l’UCL et le mouvement zapatiste, en accord avec notre volonté de développer des contacts et initiatives au niveau international.

Des militantes et militants de l’UCL sont, ou se sont, engagés dans cette solidarité, par le biais syndical ou dans des groupes de soutien. Mais l’UCL en tant que telle doit apporter son soutien au zapatisme en tant que mouvement révolutionnaire de résistance aux oppressions et de construction d’une autre société. Elle le fera

  • en coorganisant des activités de solidarité  ;
  • en relayant leur lutte  ;
  • en mettant en perspective de leur mouvement par rapport à d’autres expériences autogestionnaires et à d’autres projets de société, comme le projet communiste libertaire.
  • en se mettant en lien et en se coordonnant avec les groupes ou organisations ayant une activité de longue date dans le soutien à la lutte zapatiste.

ORIENTATION FÉDÉRALE

Un processus de synthèse
Lors de leur congrès d’unification de juin 2019, Alternative libertaire et la Coordination des groupes anarchistes ont décidé de ne pas faire table rase de leurs orientations et élaborations passées, mais de les synthétiser et actualiser progressivement.
Ce texte a été adopté à la coordination fédérale de l’UCL des 13-14 février 2021.


 
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