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Mexique : L’éolien industriel d’EDF au mépris des peuples




Dans l’Isthme de Tehuantepec (État d’Oaxaca) la communauté indigène zapotèque d’Unión Hidalgo combat un projet éolien d’EDF et a lancé une action en justice en France contre l’entreprise.

Depuis 2014, la communauté d’Unión Hidalgo fait face à l’industrie éolienne européenne. En 2015, EDF a commencé à planifier un parc éolien de 4 400 hectares  ; aujourd’hui, une action en justice contre cette entreprise est en cours au Tribunal de Paris. Ce procès est historique car c’est la première fois qu’une communauté indigène des Amériques entreprend une action de ce type en Europe.

Situé sur la côte pacifique, l’isthme de Tehuantepec est une région géopolitique et économique clé au Mexique. Du fait de ses ressources et de sa situation géographique, de nombreux mégaprojets se concentrent dans cette zone  : mines, barrages hydroélectriques, raffineries, gazoducs, autoroutes, voies ferrées et port. Mais l’isthme est surtout connu pour la puissance de ses vents et plusieurs entreprises espagnoles, françaises et allemandes y ont installé pas moins de 1 800 éoliennes, les présentant comme une solution pour une «  transition écologique propre  ».

Cependant, les conséquences de l’éolien industriel sont lourdes. Sur le plan écologique, l’huile des turbines pollue les eaux et les terres, les fondations en béton perturbent la circulation des eaux souterraines, de nombreuses espèces d’oiseaux et d’animaux disparaissent. Sur le plan social, les terres communales sont privatisées, les populations locales sont divisées, les entreprises achètent le consentement d’une partie de la population et stigmatisent et menacent leurs opposantes. Par ailleurs, les terres concernées sont majoritairement occupées par des peuples indigènes qui disposent, selon la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), du droit à la consultation préalable, libre, informée et culturellement adaptée. Or la plupart des projets éoliens ne respectent pas ce droit.

Sur fond de crise climatique et d’une nécessaire transition énergétique, les énergies dites «  propres  » reproduisent des schémas de domination coloniale, extractiviste et capitaliste  : appropriation des terres et pillage des ressources des peuples autochtones. Ce sont les peuples indigènes qui, historiquement, ont le plus préservé et ont le moins consommé leurs ressources qui paient les conséquences de cette transition. EDF est présente au Mexique depuis 2001 et dispose actuellement de trois parcs éoliens en opération (189 éoliennes)  ; tous sont situés dans l’Isthme, dans des zones majoritairement indigènes, pourtant, les consultations organisées par EDF n’ont pas respecté toutes les conditions établies par l’OIT.

Une tournée pour populariser ces luttes

Le dernier projet d’EDF, appelé Gunaa Sicarú («  jolie femme  ») est un parc de 96 éoliennes sur 4 700 hectars de terres communales de la communauté Unión Hidalgo. Celle-ci s’est déjà vue imposé un parc éolien espagnol il y a huit ans, grâce à des pratiques qu’a reproduit EDF pour son propre projet  : signature de contrats sans consulter l’ensemble de la communauté, absence de rapports sur les impacts environnementaux et sociaux, division de la communauté en payant des habitantes pour soutenir le projet et en stigmatisant et en menaçant de mort les opposantes, absence de prise en compte des femmes dans les processus informatifs, etc.

Dans ce contexte, les habitantes opposées au projet ont commencé à s’organiser, pour exiger des réponses à leurs questions et le respect de leurs droits. Face à l’absence de réponse de la part d’EDF, et avec le soutien de l’organisation mexicaine ProDESC et du Centre européen pour les droits constitutionnels et humains, la communauté a commencé à mener des actions légales, au niveau national, puis à l’OCDE, et enfin, en octobre 2020, à la cour de Paris. Les différentes plaintes demandent la suspension du projet jusqu’à ce qu’EDF respecte ses obligations en termes de droits humains et du droit des peuples indigènes à la consultation. Le procès, reporté plusieurs fois à cause de la pandémie, aura finalement lieu le 7 septembre.

En parallèle de ce procès, le collectif Stop EDF Mexique, créé en 2020, organise actuellement en France «  les Rencontres des luttes dignes contre le colonialisme énergétique  », une tournée avec trois défenseuses et défenseurs de l’Isthme entre mi-août et fin septembre 2021. L’objectif est de visibiliser les luttes de l’Isthme, de créer des liens, de contribuer aux critiques du modèle de transition énergétique actuel pour élaborer des stratégies et des alternatives.

À travers cette tournée, la communauté d’Unión Hidalgo résiste et partage sa résistance avec d’autres peuples en France qui s’opposent aux projets énergétiques abusifs et de mort, avec un message : «  Ils volent le vent, soyons tempête  » (Collectif Stop EDF Mexique)

Coline et Manuel (UCL Grenoble)

 
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