Politique

Suzanne Morain (1930-2021), une résistante oubliée




Le combat anti-impérialiste a marqué la vie de cette ancienne militante de la Fédération communiste libertaire, depuis la guerre d’Algérie jusqu’à la solidarité avec la Palestine, en passant par le Vietnam et la Kanaky.

C’est début 2000 que j’ai rencontré, pour la première fois, Suzanne et Pierre Morain, sur le Larzac. Nous avions recueilli leurs témoignages pour un film sur l’action de la Fédération communiste libertaire (FCL) en soutien à la résistance algérienne, en 1954-1957  [1]. Peu de gens connaissaient leur histoire, y compris leurs voisins et camarades de lutte du moment, et le film avait été l’occasion de révéler ce passé.

Née le 14 mars 1930 à Châteldon (Puy-de-Dôme), Suzanne Gouillardon était institutrice dans la Nièvre et syndiquée à la FEN (tendance école émancipée) quand elle adhéra à la FCL en 1955, au début de la guerre d’Algérie. Elle vendit Le Libertaire dans les cafés algériens de la capitale et, à l’été 1955, partit faire de la propagande libertaire pendant les grèves insurrectionnelles de Nantes.

De retour dans la Nièvre, elle participa aux activités clandestines de la FCL en soutien à l’indépendance algérienne : transport d’armes et de fonds, jets de tracts par-dessus le mur de la caserne de Nevers, transport de réfractaires et insoumis. «  En bonne militante  », Suzanne écrivit également des lettres de soutien à un camarade de la FCL incarcéré à la Santé  : Pierre Morain. Quand elle le rencontra à sa sortie de prison, fin mars 1956, ce fut rapidement l’idylle. Elle était présente lors de sa deuxième arrestation en février 1957, alors que la FCL avait basculé dans la clandestinité. Enceinte, elle fut arrêtée, puis relâchée. Elle épousa Pierre le 13 juin 1957, durant sa deuxième détention. Ils eurent deux enfants, un garçon et une fille, dont le premier naquit alors que Pierre était incarcéré.

Suzanne continua à militer dans la FCL clandestine jusqu’à son démantèlement par la répression, courant 1957. À la fin des années 1960, elle participa aux comités Vietnam de base. À l’issue du rassemblement de l’été 1976 au Larzac, elle décida de s’installer, avec Pierre, sur le plateau.

Dans les années 1980, elle fut trésorière de la Fondation Larzac et active dans le soutien au FLNKS et à la lutte Kanak. En 2000, elle fut responsable des missions civiles pour la protection du peuple palestinien pour le Sud-Aveyron. Elle s’engagea dès le début dans le mouvement altermondialiste, prenant part physiquement à plusieurs grands rassemblements. Très liée à la Confédération paysanne, ses derniers engagements actifs furent pour les faucheurs volontaires d’OGM.

Après le décès de son fils puis de Pierre [2], elle partit en maison de retraite à Millau, se coupant de l’activité débordante qui avait guidé toute sa vie. Le 7 juillet, la justice pour un monde meilleur perdait une de ses combattantes, désintéressée, mais ô combien précieuse et attachante.

Daniel (UCL Aveyron)

[1Une résistance oubliée (1954-1957). Des libertaires dans la guerre d’Algérie, film en libre accès sur Vimeo, 31 mn.

 
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