Solidaires-Industrie : Un tigre dans le moteur




Actuellement, dans les usines, les questions de salaire et d’emploi restent un levier décisif pour enclencher l’action collective. Mais les pratiques syndicales sont souvent trop timorées. L’union syndicale Solidaires-Industrie veut donner la priorité à l’action collective, avec toujours en tête la question de la transformation sociale.

L’union syndicale Solidaires est surtout connue pour ses grosses fédérations « historiques » du secteur public – Sud-PTT, Sud-Rail, Sud-Santé, Sud-Éducation… Mais, dès le décollage des Sud, dans la foulée des grandes grèves de décembre 1995, des syndicats Sud étaient également apparus dans le secteur privé, dans des PME comme dans de vastes usines. La plupart du temps, ils ont été fondés par des militantes et des militants issus des rangs de la CFDT et de la CGT, dégoûtés des pratiques bureaucratiques, réformistes et peu démocratiques de ces centrales.

Pendant plusieurs années, une galaxie de syndicats isolés ont ainsi été adhérents directs de Solidaires, sans se doter d’une fédération professionnelle qui leur soit propre.

Une première étape a été franchie en 2007 quand ces syndicats se sont liés par une « union », structure plus légère qu’une fédération en termes de trésorerie et d’équipe d’animation. Aujourd’hui, l’union Solidaires-Industrie est présente dans presque toutes les régions du pays, que ce soit dans la métallurgie (Brandt, Alstom, Bosch, Arcelor…), dans l’automobile (PSA, Renault, Speedy, Valéo, Michelin...), dans l’agro-alimentaire (Daunat...), dans le bâtiment (Baffy, Eiffage...). Les syndicats y ont toute autonomie pour mener à bien les luttes qu’ils souhaitent, tout en bénéficiant, au quotidien, du soutien matériel de l’union Solidaires-Industrie.

Évidemment, du fait des règles de représentativité syndicale – du moins celles en vigueur jusqu’en 2008 – cela n’a pas été sans peine. Les militantes et les militants ont été quotidiennement confrontés à la répression. Le fort développement de l’union a été freiné systématiquement par le patronat, qui conteste devant les tribunaux la représentativité de ses syndicats... et perd ! Depuis trois ans, Solidaires-Industrie compte plus d’une centaine d’implantations nouvelles, dans des entreprises de tailles fort différentes.

Transformer la société

L’emploi est au cœur des préoccupations : Solidaires-Industrie se prononce pour un « droit de véto pour les comités d’entreprises, notamment sur la question des licenciements » et s’efforce de populariser cette position. Se revendiquant sans complexe d’un projet de transformation sociale, l’union se bat à la fois pour des revendications à court terme, pour recréer des liens de solidarité et du collectif, mais veut aussi changer radicalement l’organisation du travail et ce qui en découle. Solidaires-Industrie s’efforce de mettre au cœur du syndicalisme des préoccupations concrètes, mais également porteuses de transformation sociale : que ce soit sur la défense des retraites, les risques psycho-sociaux, contre la fausse solution protectionniste aux délocalisations (refus du « produisons français »), ou pour des augmentations générales uniformes de salaires, c’est-à-dire la même pour chacune et chacun, ouvrier, technicien ou cadre – une ligne pas si anodine aujourd’hui, dans le mouvement syndical.

Des luttes emblématiques autour de l’emploi ont permis à Solidaires-Industrie d’avoir une expression propre sur la réappropriation de l’outil de travail. À PSA, en organisant une journée de grève le 15 novembre et en diffusant plusieurs dizaines de milliers de tracts, l’union a rappelé qu’il est possible de se battre avec une forte dynamique collective, en rassemblant plusieurs centaines de salarié-e-s devant le siège lors du comité central d’entreprise. Repris par de nombreux cortèges et équipes militantes, le slogan « Ne lâchons rien » fait mouche. En réaffirmant que le syndicalisme se doit d’être un outil de lutte démocratique, Solidaire-Industrie a réussi a faire émerger une nouvelle génération militante ouvrière désireuse de changer la société.

La main tendue

On constate que, dans de nombreuses entreprises, la capacité de résistance est toujours là. Il est donc possible de secouer l’atonie relative du mouvement social. Même si certaines organisations syndicales traînent les pieds et trouvent toujours un tas de prétextes formels, de préséance ou de calendrier pour reporter à plus tard l’action unitaire, Solidaires-Industrie milite pour l’organisation d’une journée d’action nationale autour de l’emploi. Il faut en effet créer un espace pour permettre aux salarié-e-s de se rencontrer, de débattre, de porter ensemble les revendications mais aussi pour reprendre confiance et espoir. Le rapport de forces, cela se construit localement chaque jour, afin de peser au niveau national. Cette dynamique sera peut-être lancée par Solidaires-Industrie, mais si elle y parvient, elle ne pourra en être « propriétaire ». On se réconcilie dans l’action. Celle-ci est ouverte à toutes les équipes syndicales et à toutes et tous les salarié-e-s qui veulent bien s’y coller.

« S’organiser » : ce n’est pas de la phraséologie, c’est le mot-clé pour inverser le rapport de forces avec le patronat. Le développement d’un syndicalisme de lutte au cœur des lieux de production est un enjeu crucial pour empêcher le patronat et l’État de mener tranquillement la destruction de tous nos acquis.

Roberk (AL Montreuil)

 
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