Cinéma : Watkins, « La Commune (Paris 1871) »




En avril dernier, la salle de cinéma d’art et d’essai d’Angoulême projetait La Commune (Paris 1871) en présence de Peter Watkins. L’occasion d’appréhender le travail d’un révolté du cinéma.

C’est avec peu de moyen que Watkins (The War Game, Punishment Park…) a réalisé La Commune dans un ancien studio de Georges Meliès à Montreuil. Au milieu d’un décor unique, théâtral, évoluent en costume d’époque des chômeuses et des chômeurs, des sans-papiers, des travailleurs algériens qui pour la plupart n’ont jamais fait de cinéma. Pari osé pour le réalisateur qui laisse à ces acteurs de quelques semaines le choix de leur rôle, allant jusqu’à passer une annonce dans Le Figaro pour recruter ceux qui joueront les officiers versaillais.

De même, les actrices et acteurs n’ont pas eu de textes à apprendre, mais ils ont dû se documenter sur le contexte dans lequel a eu lieu la Commune. Et c’est pendant le tournage que l’alchimie se créée au gré de l’improvisation, que les langues se délient. Les dialogues, commentaires et coups de gueule, se font spontanés et les problématiques que connaissent quotidiennement ces acteurs de la vie réelle. L’effet est là et il est impressionnant de voir à quel point les enjeux se ressemblent, presque un siècle et demi après ce sursaut humaniste refoulé depuis lors par l’État français. Ce film apporte en plus d’un éclairage historique une foule de question sur le sens que revêt la Commune dans le contexte actuel.

Peter Watkins s’oppose dans toute son œuvre à ce qu’il nomme le « monoforme », à savoir les procédés d’uniformisation que les mass médias utilisent pour imposer leur message aux spectateurs. Là encore, dans La Commune, il s’affranchit des codes de l’audiovisuel, insérant des « cartons » qui commentent l’action et la précise historiquement à la manière du cinéma muet, ou laissant des blancs dans la bande son, espaçant les plans afin de laisser au spectateur le temps de réfléchir sur ce qu’il vient de voir et d’entendre. Par ailleurs, les 5 heures 30 de film sont rythmées de flash infos des télévisions versaillaise et parisienne, anachronisme ingénieux au service d’une forte critique des médias audiovisuels dont Watkins paiera le prix lors de la sortie du film. Arte, coproductrice, descendra le film auprès des critiques, refusera de le promouvoir et le diffusera entre 23 h et 4 h du matin. Une version courte de 3 heures 30 sera finalement produite pour le cinéma en novembre 2007, soit huit ans après la sortie du film pour le petit écran.

En somme cet ovni du cinéma, basé sur un épisode de l’histoire fondateur de notre courant, mérite bien qu’on lui consacre quelques heures d’attention, notamment pour sa documentation, mais aussi pour ses choix artistiques qui lui confèrent plusieurs niveaux de lectures et laissent au spectateur une grande liberté pour commenter le film sans s’arrêter à l’arbitraire du « j’aime/j’aime pas ».

Maëlle (AL Rennes) et Joeb (AL Angoulême)

• Peter Watkins, La Commune (Paris 1871), 345 min., 2000. Version courte : 220 min., 2007.

 
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